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Edito

Ukraine. Macron joue les chefs de guerre, le mouvement ouvrier doit reprendre l’offensive

Le changement de ton de Macron, qui a évoqué la possibilité de l’envoi de troupes occidentales en Ukraine, doit être pris au sérieux, par-delà les faux-semblants. Plus que jamais le mouvement ouvrier doit lutter contre les plans de l'impérialisme et l'escalade militaire.

Nathan Deas

27 février

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Ukraine. Macron joue les chefs de guerre, le mouvement ouvrier doit reprendre l'offensive

Au terme d’une conférence internationale de soutien à l’Ukraine à Paris, lundi 26 février, le chef de l’Etat a ouvert la porte à une intervention de troupes occidentales en Ukraine. « Il n’y a pas de consensus aujourd’hui pour envoyer des troupes sur le terrain de manière officielle et approuvée. Mais en termes de dynamique, rien ne peut être exclu » a-t-il déclaré avant d’ajouter, « aucune option ne doit être écartée. Nous ne ménagerons aucun effort pour que la Russie ne sorte pas victorieuse de ce conflit ». Dans un communiqué diffusé ce mardi midi, l’Élysée a annoncé qu’un débat suivi d’un vote aurait lieu au Parlement sur l’accord bilatéral de sécurité conclu avec l’Ukraine.

Certes, la fuite en avant « va-t-en-guerre » semble pour l’heure d’abord langagière, avec l’objectif clair de tenter une fois de plus de se positionner en « leader » de l’Europe face à Vladimir Poutine. Certes, le scénario d’une « guerre totale » n’est pas encore à l’ordre du jour. Les principaux chefs d’Etat occidentaux, d’Olaf Scholz (le chancelier allemand) à Mark Rutte (premier ministre néerlandais sortant, pressenti pour devenir le secrétaire général de l’OTAN) en passant par la Grèce et la direction actuelle de l’OTAN se sont d’ailleurs empressés de déclarer qu’il « n’y aur[ait] pas de troupes au sol en Ukraine ».

Cependant, la surenchère belliciste et le changement de ton du président de la République doivent être pris au sérieux. Deux ans après le début de la guerre en Ukraine, et le jour même de la validation par la Hongrie de l’intégration de la Suède à l’OTAN, qui marque un nouveau saut dans l’expansion du plus important instrument militaire des puissances impérialistes, ils s’inscrivent en effet dans une escalade généralisée.

Les objectifs et le sens de la déclaration d’Emmanuel Macron paraissent assez obscurs, et cela d’autant plus que le chef d’État est plutôt isolé au sein du camp occidental et affaibli politiquement sur le plan intérieur. Mais ses propos témoignent de la dynamique actuelle et de la surenchère en cours. Ces dernières semaines, celle-ci a été ravivée par l’accumulation des difficultés sur le front militaire ukrainien et par la remise en question par Trump du principe de protection mutuelle au sein de l’OTAN, à quelques mois des élections présidentielles états-uniennes.

Ce lundi, réunis à Paris, les « soutiens de l’Ukraine » ont convenu, dans ce contexte et quelques semaines après s’être accordés sur une nouvelle aide de 50 milliards, d’avancer sur cinq points, comme le note Le Monde : « la cyberdéfense ; la coproduction d’armements, de capacités militaires et de munitions en Ukraine ; la défense de pays menacés directement par l’offensive en Ukraine, comme la Moldavie ; et la « capacité de soutenir l’Ukraine à sa frontière avec la Biélorussie avec des forces non militaires » et les opérations de déminage ». La création d’une nouvelle coalition consacrée à la livraison de missiles de moyenne et longue portée a également été annoncée.

En clair, alors que l’Europe se réarme à toute vitesse (au total le budget de défense cumulé des États membres a augmenté de 11% en 2022) et que l’UE vient d’acter un nouveau plan de défense visant à stimuler encore les achats militaires, le continent est entré dans une spirale militariste qui indéniablement s’accélère. Une mise sur le pied de guerre qui fait également office de toile de fond à une mise en ordre de bataille des esprits, ne serait-ce que par la banalisation d’une guerre (mais aussi du premier génocide du XXIème siècle à Gaza) qui s’installe pour durer dans une Europe qui n’en avait plus connu à grande échelle depuis 1945 (les guerres des Balkans des années 1990 étant une exception) et qui désormais manie le « réarmement » dans toutes les langues et à toutes les sauces (militaire, démographique, moral et civique, patriotique et xénophobe, à l’école et au travail, etc.).

Cette mise sur pied de guerre concerne aussi l’économie, alors que l’Union européenne et notamment la France se préparent à une nouvelle cure d’austérité généralisée dans un monde capitaliste qui continue de s’enfoncer dans la crise. Aussi, par-delà les faux semblants et le fait que les dirigeants des pays capitalistes n’aient pas encore choisi effectivement la fuite en avant vers une conflagration généralisée, ce que nous disent (ou rappellent) les propos de Macron, c’est qu’il n’y aura pas de retour en arrière. Quelle que soit l’issue de la guerre en Ukraine, l’Europe est déjà redevenue une région dangereuse et hautement militarisée où des conflits de haute intensité pourraient éclater.

Une situation inquiétante, dans laquelle un secteur de la gauche institutionnelle est d’ores et déjà en train d’accompagner activement la surenchère belliciste, à l’image du Parti Socialiste derrière Raphaël Glucksmann ou de Libération. De son côté, en pleine accélération de l’escalade, le NPA réaffirme une ligne de soutien « critique » à l’UE et à l’OTAN, dans une confusion dangereuse. Des prises de positions qui font de la Russie et de Poutine le seul risque de déstabilisation de l’Europe, en s’alignant sur les États impérialistes, actuellement en train de soutenir le génocide à Gaza, et en pleine affirmation de leur volonté d’aller « jusqu’au bout » pour défendre leurs intérêts en Europe et dans le monde.

De son côté, la France Insoumise s’oppose à la rhétorique guerrière, mais sur la base de perspectives diplomatiques étroites et d’appels à un illusoire « contrôle parlementaire » sur la guerre. Une position qui apparaît impuissante, dans une situation où les tendances aux crises et aux guerres s’approfondissent de même que le durcissement des régimes dits « démocratiques ». Dans ce cadre, une fois de plus, seule l’intervention indépendante de la classe ouvrière est susceptible de mettre véritablement fin à la guerre, trouver une solution pérenne à l’auto-détermination de l’Ukraine et de tous les peuples qui y vivent, mais aussi de mettre un coup d’arrêt à la dynamique d’escalade en cours dans toute l’Europe.

Face à un gouvernement qui tente de montrer les muscles, cette politique passe en France par une mobilisation du mouvement ouvrier, non seulement contre l’escalade impérialiste et la guerre, mais également contre les plans de Macron qui l’accompagnent. Sur ce terrain, les directions syndicales ont été très passives ces derniers mois, laissant un boulevard au durcissement autoritaire du régime et à des attaques aussi graves que la loi immigration ou la nouvelle réforme de l’assurance-chômage, en dépit de la fragilité du gouvernement. A l’inverse, seul un mouvement ouvrier à l’offensive, qui prenne à bras le corps l’ensemble des enjeux de la situation, sur le terrain national et international, peut dessiner une alternative à un avenir de violence et de misère croissante, et se préparer à mener une véritable « guerre à la guerre ».


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