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Edito

Romans : malgré la débâcle, le mouvement ouvrier doit prendre au sérieux l’attaque de l’extrême-droite

Samedi, une centaine de militants d’extrême droite, venus de plusieurs villes, se sont rendus à Romans pour une expédition punitive visant les habitants du quartier de la Monnaie. Une opération mise en déroute par des jeunes du quartier, mais face à laquelle il faut construire une riposte.

Nathan Deas

27 novembre 2023

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Romans : malgré la débâcle, le mouvement ouvrier doit prendre au sérieux l'attaque de l'extrême-droite

Des appels à venger Thomas, adolescent tué lors d’un bal de village à Crépol, à l’issue de ce que la police commence à présenter comme une altercation entre groupes dans la soirée, circulaient depuis une semaine dans les milieux d’extrême droite. Samedi, une centaine de militants, visages masqués ou cagoulés, armés de barres de fer, battes de baseball et mortiers d’artifice, se sont rendus dans le quartier populaire de la Monnaie, à Romans-sur-Isère, d’où seraient originaires une partie des jeunes mis en cause dans cette affaire. Une expédition punitive, aux airs de « ratonnade », organisée aux cris de « Islam hors d’Europe », « la France nous appartient » ou encore « Europe, jeunesse, révolution », qui a rassemblé des membres de divers groupuscules fascisants et néo-nazis venus de Paris, Besançon, Montpellier ou encore Nantes.

Problème, pour ces militants d’extrême-droite qui croyaient sans doute tenir leur heure de gloire identitaire, la soirée ne s’est pas passée exactement comme prévu. Comme en témoignent plusieurs vidéos publiées notamment sur le compte Tajmaât sur X (anciennement Twitter), la descente a tourné rapidement à la déroute. Après une intervention de CRS pour éviter un affrontement, des militants ont été interceptés par des jeunes du quartier. L’un deux a été déshabillé et tabassé, avant d’être récupéré par d’autres habitants du quartier et confié aux pompiers. Deux autres ont vu leurs téléphones interceptés, les jeunes révélant de nombreux messages racistes évoquant clairement les motifs (évidents) de leur présence : une attaque coordonnée contre les « bougnoules » dirigée par « gros lardon », alias « Léo R., néonazi de la division Martel fan d’Hitler et du 3e Reich » d’après Streetpress.

Une débâcle qui ne saurait faire oublier la gravité de cette tentative d’attaque coordonnée contre les habitants d’un quartier populaire. Cette « montée nationale » de l’extrême-droite s’inscrit en effet dans la continuité d’opérations visant à terroriser des habitants de quartiers populaires, des personnes musulmanes (ou présumées comme telles) ou des personnes étrangères, mais également des militants voire des élus. En décembre dernier, une ratonnade à Paris à l’occasion du match France-Maroc était ainsi évitée de justesse mais des attaques avaient eu lieu à Lyon et Nice. En avril, des lycéens étaient attaqués par la « Division Martel », tandis qu’en septembre ce sont une soixantaine de militants d’extrême-droite qui s’étaient rendus à Saint-Brévin dans le cadre d’une campagne de harcèlement et d’intimidation contre l’installation d’un CADA.

L’attaque de samedi fait cette fois suite à une cabale médiatico-politique de plusieurs jours et marque un saut dans la décomplexion à l’œuvre parmi ceux qui rêvent d’une guerre civile et civilisationnelle. « Nous avons lancé le basculement, c’est à vous tous d’écrire la suite ensemble » fanfaronnait d’ailleurs, malgré la débâcle, l’un des « participants » de l’opération au micro du torchon d’extrême-droite Livre Noir samedi. Quelques heures plus tard, une trentaine de néo-nazis et militants fascisants défilaient à Rennes aux cris de « On est chez nous » et la « France au Français ». Le soir même à Laval, ils étaient plus de cent. Parmi eux, le responsable RN du département. La veille, plusieurs mosquées avaient été taguées à Valence et Cherbourg. Sur l’une d’elles, on peut lire : « un bon musulman est un musulman mort. Justice pour Thomas ». Sur une autre : « mort aux bougnoules ».

Une série d’attaques de l’extrême-droite qui surfe sur le climat réactionnaire en France. Alors que l’attaque a été célébrée par l’extrême droite de Reconquête au RN, le président de LR, Eric Ciotti, a légitimité l’opération expliquant qu’il ne fallait pas « inverser la problématique (sic) » et que « s’il [y avait eu] ces évènements, c’est d’abord parce qu’un jeune homme de 16 ans, que la vie appelait, a été assassiné ». Une prise de position abjecte, symptomatique de la course réactionnaire et de la récupération politique qui a succédé à la mort tragique de Thomas ces derniers jours, l’extrême-droite présentant le drame de Crépol comme le fruit d’une opération de « milices armées [qui] opèrent des razzias » selon Marine le Pen, ou comme le symbole « d’une guerre civile en gestation » pour Marion Maréchal.

Le gouvernement n’est cependant pas en reste en ce qui concerne l’attaque. Si Darmanin a qualifié le drame de Crépol de conséquence de l’« ensauvagement », la surenchère est indissociable du durcissement du régime ces dernières années. Sous la houlette de la politique sécuritaire, autoritaire et xénophobe du gouvernement, celui-ci s’est cristallisé ces dernières semaines dans l’affirmation d’un pôle réactionnaire communiant dans la criminalisation du soutien à la Palestine et la volonté de passer la très brutale loi immigration. Des offensives menées très directement par Macron, Darmanin et leurs alliés, qui servent de tremplin aux passages à l’acte de l’extrême-droite.

Dans ce contexte, et alors que la crise économique en cours, l’inflation galopante, mais aussi le tournant militariste à l’international constituent autant de facteurs de la croissance des forces et idées réactionnaires, il y a urgence à faire front et à s’organiser contre l’extrême-droite. Le mouvement ouvrier a un rôle central à jouer en ce sens, aux côtés des organisations du mouvement social, notamment anti-racistes et antifascistes, pour structurer une réponse par en bas qui permette de mettre en déroute l’extrême-droite. Un combat à mener en lien étroit avec la bataille contre les lois anti-sociales et xénophobes portées par le gouvernement, qui passe par l’élargissement du front et de la mobilisation en soutien à la Palestine, qui peut être un levier pour repasser à l’offensive à condition de commencer à travailler activement à sa massification et sa structuration par en bas.


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