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Une loi toujours raciste

Loi immigration. Le Conseil constitutionnel désigne le gouvernement vainqueur et valide un texte raciste

Le Conseil constitutionnel a rendu ce jeudi sa décision sur la loi immigration. En censurant un tiers du texte, par un recours massif à qualificatif de « cavaliers législatifs », il revient au texte initial du gouvernement, validant ainsi une loi immigration qui reste profondément xénophobe.

Joshua Cohn

25 janvier

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Loi immigration. Le Conseil constitutionnel désigne le gouvernement vainqueur et valide un texte raciste

Crédit photo : Creative Commons

Ce jeudi en fin d’après-midi et alors que se tenait non loin du Palais Royal une nouvelle manifestation contre la loi immigration, le Conseil constitutionnel a rendu comme prévu sa décision très attendue. Une trentaine d’articles sur 86, soit plus d’un tiers du texte, sont intégralement censurés. Le Conseil revient ainsi largement à un texte proche du projet de loi initial du gouvernement, sans pour autant déclarer contraires à la Constitution les amendements racistes de la droite parlementaire. Une censure qui ne reste que partielle et n’altère en rien les fondements de la loi initialement souhaitée par le gouvernement, avec un large volet de mesures xénophobes et racistes visant à accélérer comme jamais l’expulsion des étrangers.

La décision d’un Conseil constitutionnel aux ordres

Le gouvernement et la majorité présidentielle se sont empressés de saluer la décision. Darmanin se félicite ainsi que le Conseil « valide l’intégralité du texte du gouvernement », tandis que Sacha Houlié, député Renaissance de la Vienne et président de la Commission des Lois de l’Assemblée nationale, s’enthousiasme sur X que le Conseil « valide le projet de loi initial du gouvernement qui peut désormais expulser les délinquants, régulariser les travailleurs et mettre en œuvre les procédures simplifiées ».

Effectivement, retenant une acception particulièrement large de la notion de « cavalier législatif », la censure massive du Conseil constitutionnel décime les propositions phares dont la droite avait obtenu l’intégration au texte au Sénat et en Commission mixte paritaire. Un « cavalier législatif » désigne un amendement déposé par les parlementaires n’ayant pas de lien – même indirect – avec l’objet de la loi discutée.

Sont purement et simplement censurées sur ce fondement des dispositions emblématiques du texte final telles que : la preuve d’une maîtrise suffisante du français pour le regroupement familial, le durcissement des conditions d’octroi des titres de séjours pour raison de santé, la caution exigée aux étudiants étrangers, le durcissement des conditions des titres de séjours étudiants, la suppression pour les sans-papiers des réductions tarifaires sous condition de ressources pour les transports en communs, le rétablissement du délit de séjour irrégulier, le conditionnement de certaines aides sociales à une condition de durée de résidence régulière pour les étrangers, la déchéance de nationalité pour tout étranger naturalisé condamné pour crime ou encore l’exclusion des sans-papiers des dispositifs d’hébergement d’urgence.

L’article 1er du texte, également ajouté à l’initiative de la droite, qui prévoyait le vote de quotas migratoires triennaux par le Parlement est partiellement censuré. S’il n’y aura ni débat obligatoire, ni vote de quotas, la remise au Parlement d’un rapport annuel sur l’immigration rédigé par le gouvernement est bien maintenue. Le gouvernement, au final, n’essuie qu’une seule véritable censure, celle de la disposition autorisant la prise d’une photographie et le relevé des empreintes digitales de façon forcée pour le contrôle de la régularité du séjour.

Par cette décision extrêmement favorable à l’exécutif, le Conseil de la rue de Montpensier vérifie une fois de plus l’expression de Michel Debré, rédacteur de la Constitution de 58, selon laquelle il n’est qu’un « chien de garde de l’exécutif ». Après un parcours parlementaire difficile, marqué par le vote de la motion de rejet préalable le 11 décembre par l’Assemblée nationale, le Conseil donne finalement le dernier mot au gouvernement en rétablissant en grande partie « sa » version de la loi, centrée sur l’élargissement du recours aux OQTF, l’accélération des procédures d’expulsion et la réduction des possibilités de les contester.

Cette position du Conseil rappelle son attitude lors de la réforme des retraites l’an dernier, où il avait validé la réforme malgré une procédure législative menée au forceps par le gouvernement qui avait amplement restreint le droit d’amendement face aux oppositions parlementaire.

Cette décision démontre encore une fois que le Conseil constitutionnel est un outil bonapartiste au service de l’exécutif, au sein d’une Vème République qui en compte pléthore tel que le célèbre 49.3, le recours aux ordonnances, ou encore la restriction du droit d’amendement. Outils devenus d’autant plus indispensables depuis la perte par Macron de la majorité absolue à l’Assemblée en 2022.

Face à la surenchère raciste de la droite, le « ni oui ni non » du Conseil

Si la censure constitue un camouflet pour LR, la qualification de « cavaliers législatifs » permet à la droite de ne pas sortir complètement défaite de la séquence. En effet, lorsque le Conseil censure des « cavaliers législatifs », il ne se prononce pas sur la constitutionnalité des mesures elles-mêmes. Dans sa décision de ce jeudi, le refus de se prononcer se matérialise dans la formule suivante : « Dès lors, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres griefs et sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires. »

Ainsi, alors que la caution pour les étudiants étrangers, le rétablissement du délit de séjour irrégulier, le conditionnement des certaines aides sociales à une condition de résidence ou l’exclusion des sans-papiers des dispositifs d’hébergement d’urgence n’entreront pas en vigueur, le Conseil ne dit toutefois pas que ces mesures sont dans leur principe inconstitutionnelles.

Il n’en faut pas plus à Olivier Marleix, chef du groupe LR à l’Assemblée, pour réagir à la décision en écrivant sur X : « Le Conseil constitutionnel censure 37 articles introduits par le Parlement. La volonté des Français est écartée d’un trait de plume. Au Gouvernement de réintroduire ces mesures au plus tôt dans un PJL immigration 2. ».

De quoi tempérer les ardeurs de Manuel Bompard, coordinateur national de LFI, qui affirme que la loi immigration aurait « été totalement amputée » et a lancé que : « Le Conseil Constitutionnel vient de censurer plus du tiers de la loi immigration. Il rappelle que les pires délires racistes de #Macron et #LePen sont contraires à nos principes républicains. ». Une analyse dangereuse dès lors qu’elle laisse entendre que les dispositions réactionnaires censurées auraient été déclarées contraires à la Constitution et qu’il n’y aurait pas de risques de les voir revenir, sous une forme peut-être encore plus dure, sous ce quinquennat ou un autre.

En réalité, seule la mobilisation de notre camp avec en son sein les personnes étrangères, sans-papiers ou non, peut défaire les lois racistes et réactionnaires du gouvernement et les projets de la droite et de l’extrême droite, sans illusion envers les institutions.


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