Dans la nuit du 16 au 17 février, Jérémy Cohen, un jeune homme de 31 ans, handicapé, mourait, heurté par un tramway à Bobigny. Si dans un premier temps l’explication selon laquelle il s’agissait d’un accident a primé, des éléments recueillis par la famille ont permis de préciser les circonstances dramatiques de sa mort.
Cette dernière, dénonçant l’absence d’enquête, raconte en effet avoir mené une enquête près du lieu où la victime a été heurtée par un tramway, recueillant ainsi plusieurs témoignages et vidéos de voisins ayant filmé la scène. Ceux-ci montrent le jeune homme en train d’être tabassé par une quinzaine de personnes, avant de fuir et d’être heurté par le tramway.
Diffusée ces derniers jours sur les réseaux sociaux contre l’avis de la famille, les vidéos insoutenables ont créé une large émotion, participant à faire connaître le drame qui pourrait avoir un fondement antisémite. Alors que la famille demande à ce qu’une enquête permette d’établir les circonstances de cette agression en dénonçant la Justice, l’Etat a finalement communiqué en assurant qu’une information judiciaire pour « violences volontaires en réunion ayant entraîné la mort sans intention de la donner » avait bien été ouverte dès le 29 mars, la veille du début de la médiatisation de l’affaire.
Quoi qu’il en soit, il n’aura pas fallu longtemps pour que la droite et l’extrême-droite, et notamment les candidats à la présidentielle Eric Zemmour (contacté par la famille qui voulait médiatiser l’affaire) et Marine Le Pen, cherchent à instrumentaliser le drame. Ces derniers ont dénoncé une prétendue dissimulation volontaire de l’affaire, tout en cherchant (évidemment) à établir un lien entre la mort de Jérémy Cohen et leur discours raciste et sécuritaire sur les banlieues, "l’islamisme" et l’immigration.
Une récupération particulièrement odieuse de la part de figures politiques que l’antisémitisme n’embarrasse habituellement pas. Rappelons ainsi que le parti de Marine Le Pen a été fondé par des anciens Waffen SS de la Division Charlemagne, qu’elle a longtemps milité [aux côtés de son père Jean-Marie Le Pen qui estimait que « la Soah est un détail de l’histoire », et que son organisation est évidemment profondément marquée par l’antisémitisme. Dans le même sens, Eric Zemmour s’est fait une mission de réhabiliter Pétain, ses meetings ont été l’occasion de revoir des saluts nazis lors d’événements publics importants, et des groupuscules néo-nazis assurent une partie du service d’ordre du candidat.
Ce n’est donc certainement pas la lutte contre l’antisémitisme qui anime les deux candidats, de même que le reste de la droite et de l’extrême-droite. Plutôt une volonté nette de faire valoir leur discours raciste à quelques jours du premier tour de l’élection présidentielle. Contre cette instrumentalisation scandaleuse, il faut dénoncer l’agression de Jérémy Cohen qui a conduit à sa mort et revendiquer le droit à ce que la lumière soit faite sur les circonstances de celle-ci, tout en refusant et dénonçant les récupérations réactionnaires au service de projets profondément racistes.
