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Edito

Une rentrée d’inflation et de misère sociale : préparons la revanche face à Macron et au patronat !

Alors que la rentrée est polarisée par l’interdiction de l’abaya, qui signe un nouveau saut dans l’offensive islamophobe du gouvernement, la crise sociale s'aiguise sur fond de rebond de l'inflation. Une situation face à laquelle l’intersyndicale refuse de prendre une « revanche » contre le gouvernement, pourtant très affaibli, et privilégie le dialogue social, au lieu de construire une riposte d’ensemble.

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Une rentrée d'inflation et de misère sociale : préparons la revanche face à Macron et au patronat !

Géraud D.

En cette rentrée, les annonces de chiffres sur l’état de la pauvreté en France s’enchaînent. Ces derniers jours, on apprenait ainsi que près d’une personne sur cinq vit à découvert, que près d’une personne sur deux a des difficultés à se soigner, payer ses factures d’énergie ou à acheter des produits frais, ou qu’une personne sur trois se prive d’au moins un repas par jour. Des annonces chocs, relayées notamment par les associations d’aides aux personnes en situation de pauvreté, qui témoignent toutes de niveaux jamais vus.

« 200.000 bénéficiaires avec des situations qui s’aggravent, (…) c’est inédit. » expliquait ce mercredi le responsable francilien du Secours Populaire. En Nouvelle-Aquitaine, ce sont plus d’un tiers des habitants qui vivraient en dessous d’un niveau de vie « décent », soit plus de 2 millions de personnes d’après un rapport à venir du Conseil économique, social et environnemental régional (Ceser). Enfin, ces derniers jours, l’énorme crise qui touche les Restos du cœur, menacés de faillite, venait symboliser les conséquences très nettes d’une croissance continue du nombre de personnes ayant besoin de recourir à l’aide alimentaire.

Qui sème la misère...

Un tableau qui est notamment la conséquence de deux années d’inflation soutenue et de salaires qui ne suivent pas. Alors qu’en août, l’inflation annuelle des prix alimentaires s’établissait encore à 11,1% sur un an, tout comme les fournitures scolaires, tandis que le prix du litre de carburant a atteint mercredi les 2€ de moyenne sur l’ensemble du territoire, la précarité et la misère deviennent une expérience concrète pour des secteurs de plus en plus large du monde du travail et de la population.

Face à cette situation, Bruno Le Maire « récuse cette idée qu’il y a un appauvrissement de la société française ». Le même ministre annonce chaque mois depuis 2021 l’arrivée à un « pic de l’inflation » qui n’en finit pas de se maintenir à des niveaux élevés. Tout en se cachant les yeux, le gouvernement fait semblant d’agir en demandant poliment aux industriels de baisser leurs prix ou à Total de plafonner ses prix. Dans le même temps, Bernard Arnault, ou encore des enseignes de grande distribution font l’aumône en affichant leurs dons défiscalisés aux Restos du cœur.

La réalité, c’est que ce sont les mêmes qui tirent profit de l’inflation et qui cherchent à se racheter une image de bienfaiteurs, pour canaliser la colère sociale. C’est ce que relève Romaric Godin dans son dernier article : la part de la politique de prix consciente des grands patrons dans l’inflation continue de s’accroître. Un phénomène qui dépasse les seules entreprises du CAC40 puisque la hausse des marges des sociétés non-financières s’explique à 73% par la hausse des prix.

Cette offensive du grand patronat contre nos conditions d’existence et nos salaires réels devrait être un des principaux sujets de discussion dans le pays. Mais pour faire passer sa rentrée de misère sociale, la macronie tente de polariser les débats politiques autour de la traque des élèves musulmanes, lançant avec l’interdiction des abayas à l’école une nouvelle offensive. Une attaque raciste qui en annonce d’autres, à l’image de la loi immigration en préparation, et s’inscrit dans la continuité du durcissement autoritaire et réactionnaire systématique du régime ces dernières années. Face à une telle situation, les raisons de la colère n’en finissent pas de s’accumuler, pourtant, la réaction des directions du mouvement ouvrier pourrait difficilement être plus timide.

...récolte une manifestation de l’intersyndicale ?

« L’intersyndicale a annoncé une journée d’action le 13 octobre. S’agit-il d’une revanche, d’une sorte de « match retour » après la défaite des organisations de salariés et de défense de la jeunesse dans la bataille contre la réforme des retraites ? » interrogeait Le Monde il y a quelques jours. Réponse de Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT : « Ce n’est absolument pas l’état d’esprit de la CFDT. Nous sommes toujours aussi combatifs et déterminés à obtenir des améliorations pour les droits des travailleurs, mais nous n’avons pas de revanche à prendre sur le gouvernement. »

Dans cette interview, celle-ci explique que « nos interlocuteurs privilégiés, ce sont les employeurs. Nous nous adressons à eux en priorité pour tirer vers le haut la situation des travailleurs au quotidien, et c’est avec eux qu’il faut négocier pour tenter de trouver des compromis. » De même sur la question des salaires : « La question salariale se traite d’abord dans les entreprises et dans les branches professionnelles. ». Une ligne reprise entièrement dans le communiqué intersyndical appelant à une mobilisation le 13 octobre, qui n’évoque à aucun moment le gouvernement et se contente d’appeler : « les employeurs à ouvrir des négociations à tous les niveaux. »

De quoi démontrer que c’est toujours la CFDT qui imprime la stratégie du front syndical. Celle-ci est la suivante : négociez chacun dans vos entreprises et advienne que pourra ! Sur les retraites, on a du mal à voir comme une loi votée nationalement peut-être contestée sans un plan de bataille qui unisse nos forces nationalement. Sur les salaires, la dirigeante ne fait que reprendre ce qui existe déjà : les NAO (Négociations Annuelles Obligatoires) qui poussent à se battre de façon divisée et désynchronisée pour nos salaires, comme si cela n’était pas une question politique d’ensemble. Exit donc toute perspective de plan de bataille national interprofessionnel contre le gouvernement et le patronat. La CGT ne se démarque d’ailleurs pas de cette stratégie de négociation boite par boite, et va même jusqu’à reprendre dans une interview sur France 2 la formule de Marylise Léon : « nous n’avons pas de revanche à prendre sur le gouvernement. »

Une attitude qui n’est pas étrangère à l’importance centrale accordée au dialogue social avec le gouvernement et le patronat par l’ensemble des directions syndicales en cette rentrée, débutée par des rencontres bilatérales entre Macron et Sophie Binet et Marylise Léon… « Conférence sociale », négociations sur l’assurance-chômage, voilà les perspectives prioritaires de syndicats, qui avancent la date du 13 octobre comme un défilé sans lien avec la construction d’un rapport de force. Le communiqué appelle d’ailleurs à « une journée de mobilisation et manifestation », sans mentionner le mot grève. Un recul, même comparé à la stratégie de pression sur les institutions qu’elle a défendu pendant les 4 mois de bataille des retraites.

Une logique dont le corollaire est le silence quasi-complet de l’intersyndicale sur les autres enjeux de la rentrée, à l’image de l’offensive contre les abayas à l’école ou encore de l’immense répression syndicale en cours contre les travailleurs de la CGT Energie. Certes, des syndicats dont la CGT, Solidaires ou la FSU participeront à la manifestation unitaire du 23 septembre contre les violences policières, tandis que Sophie Binet dénonçait la répression de Sébastien Menesplier, réprimé pour faits de grève, et était présente ce vendredi au procès des militants contre les méga-bassines à Niort, mais ces éléments sont totalement déliés de la construction d’une réponse d’ensemble à la situation de crise sociale et de durcissement autoritaire et raciste du régime. Pire, les directions syndicales, CGT comprise, n’ont pas hésité à avaliser par leur silence ou de façon explicite une des politiques les plus racistes de la rentrée autour des abayas.

Macron est toujours affaibli : il faut unifier nos luttes autour d’un vrai plan de bataille !

Le retour de Macron à l’offensive en cette rentrée ne doit cependant pas nous faire oublier que le gouvernement reste aux abois. Percuté, par la succession des crises, de la bataille des retraites qui a mis à nu les traits les plus anti-démocratique du régime, aux révoltes des quartiers populaires qui, en quelques jours, ont réussi à inquiéter le pouvoir, la macronie demeure plus que jamais engluée dans une profonde crise politique et institutionnelle. Face à Macron, très affaibli y compris dans son camp, l’attitude capitularde des directions syndicales en cette rentrée est en décalage profond avec la situation de crise sociale qui traverse le pays.

Alors que l’inflation plonge de plus en plus de gens dans la misère, qu’une personne sur cinq vit à découvert, que les Restos du cœur croulent sous la demande, il faut un plan de bataille qui se fixe non seulement l’objectif de mettre un coup d’arrêt à cette offensive brutale et historique contre nos conditions de vie et d’existence, mais aussi se donner les moyens de repartir à l’offensive face au gouvernement et au patronat. Plutôt que les revendications floues de l’appel au 13 octobre - « pour les salaires », « pour les retraites » - il faut des objectifs clairs et ambitieux et un plan de bataille pour les arracher.

Face à la pauvreté qui se généralise, il faut revendiquer une hausse immédiate des salaires, pensions et bourses d’au moins 400€ et leur indexation sur l’inflation réelle. Pour ne pas dépendre de l’aumône des riches, aucun salaire ni aucune pension ne doit être inférieur à 1800€ net. Pour ne pas mourir au travail ou au début de notre retraite, il ne faut pas abandonner ce combat et revendiquer la retraite à 60 ans, 55 ans pour métiers pénibles et sans condition d’annuités. Aussi, pendant que la majorité des travailleurs en emploi se tuent à la tâche pendant que d’autres sont forcés à ne pas travailler, il s’agirait d’exiger le partage du temps de travail entre toutes et tous pour mettre fin au chômage de masse. Un programme anti-misère qui serait le minimum pour stopper la dégradation des conditions de vie de la majorité de la population.

Mais aucun droit ne pourra être conquis en divisant les luttes, et sans combattre les attaques racistes et autoritaires qui s’en prennent à des secteurs entiers de notre classe, cherchent à nous diviser ou mettent en cause la possibilité même de s’organiser et de lutter. De ce point de vue, interdiction des abayas, loi immigration, répression des révoltes dans les quartiers populaires et répression syndicale font système, et il est central de lier le combat contre la misère à la lutte contre ces offensives. Concrètement, en cette rentrée, un programme pour unifier notre classe doit s’opposer clairement à l’interdiction des abayas, mais aussi exiger l’amnistie des plus de 2000 jeunes condamnés suite aux révoltes des quartiers populaires et de tous les réprimés du mouvement contre la réforme des retraites, et l’abrogation de toutes les lois racistes et sécuritaires.

Pour affronter les attaques du macronisme, il n’y a qu’un plan de bataille qui articule ces mots d’ordre à une stratégie de préparation de la grève qui les fera reculer. Pour l’imposer, il faudra se saisir des manifestations du 23 septembre contre les violences policières ou du 13 octobre de l’intersyndicale comme des points d’appui, dans le cadre desquels défendre la perspective d’un mouvement d’ensemble et imposer aux directions de rompre avec toute forme de « dialogue social ». Une perspective pour laquelle il faut s’organiser dès maintenant par en bas, le plus largement et démocratiquement possible, pour pouvoir décider nous-mêmes de nos luttes. C’est ce qu’a défendu, et continue de défendre, le Réseau pour la Grève Générale tout au long de la bataille des retraites.


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Gaëtan Gracia, CGT Ateliers de Haute-Garonne

Militant à la CGT Ateliers Haute-Garonne
Twitter : @GaetanGracia

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