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Point de vue

L’affaire Benalla : comme une mise à nu de l’appareil d’Etat

Nul besoin de le présenter, désormais : Alexandre Benalla fait la Une de tous les journaux depuis bientôt une semaine. Homme de main de Macron, grassement payé pour ses fonctions auprès de la présidence, il est l'homme qu'on a vu piétiner violemment un manifestant sur les vidéos qui ont été diffusées depuis mercredi. Mais tandis que, pour l'heure, Macron essaye de circonscrire la première crise politique majeure de son quinquennat, on peut faire apparaître que Benalla est un homme global, l'homme qui révèle le système dont il n'est qu'un symptôme de surface.

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C’est l’occasion qui fait le larron : voilà exactement ce que Benalla a dû penser. A son exemple, profitons de cette actualité pour voir ce que nous dit cet crise politique sur la structure interne de l’appareil d’Etat. Il faut alors rappeler que l’approfondissement du tournant répressif les gouvernements successifs ont permis d’accentuer la répression des mouvements sociaux, de restreindre toujours plus les droits démocratiques, des occupations pacifistes d’université ou de la ZAD. Il faut aussi souligner l’augmentation généralisée de l’usage des armes dans l’ensemble des corps de la police, là aussi depuis plusieurs années, dans les quartiers populaires. Ou encore les poursuites judiciaires qui se multiplient contre les grévistes. Benalla fait l’effet d’une brindille qui flotte sur une eau déjà bien trouble.

Car si on peut être « choquéE » de l’impunité dont il a bénéficié jusqu’au 18 juillet dernier, on peut cependant se réjouir de voir Macron se mettre en contradiction avec ses grands effets de manche sur l’exemplarité, mais cette affaire n’est pas une question de morale : elle révèle à quel niveau de violence et de brutalité en est parvenu leur fameuse « République ». Benalla risquerait de faire office de fusible, un peu encombrant certes, mais facile à désamorcer, alors qu’il devrait nous conduire à interroger la brutalité des rapports de force qui fondent la République bourgeoise. Cette brutalité qui se dévoile de mandat en mandat, et que Macron, véritable personnage en papier glacé, est venu incarner par le jeu des circonstances, mais qui est la véritable cible de nos attaques.

Ce qui pose problème, ce n’est pas Benalla, ce n’est pas qu’il n’ait pas été flic pour faire ce qu’il a fait – comme si être flic pouvait rendre légitime une violence physique pareille – non, ce qui se révèle ici, le problème que ça pose, c’est le sens de ce que la classe dominante appelle « ordre public » : un ordre public qui tolère qu’on assassine des jeunes dans les quartiers, un ordre public qui ne cesse d’accentuer le chômage et la précarité au nom de leur profit alors que le chef de l’Etat estime que « ça coûte un pognon de dingue », un « ordre public » qui assigne à résidence des militants lors de la COP21, un « ordre public » qui empêche des manifestations de se faire ou en profite pour ridiculiser les manifestants. Benalla est l’homme de cet ordre-là, son nervi.

Pour l’instant, Macron, Collomb, la clique toute entière fait mine de découvrir naïvement ou d’avoir ignoré malencontreusement à qui ils avaient affaire. Dans la mesure où cette défense ne convaincra personne, c’est toute la légitimité du gouvernement qui est mise en cause. Mais dans la mesure où c’est tout l’ordre juridique bourgeois qui vient se ramasser dans l’affaire Benalla : un ordre juridique qui vient réguler des rapports de classe, qui sanctifie la déprédation à laquelle œuvre la classe dominante, qui n’a pour horizon que l’intérêt des possédants et des patrons, et qui écrase, qui tue et réduit au silence.

Le coup de pied de Benalla n’a rien d’une action individuelle, il est rendu possible par la domination insidieuse, silencieuse le plus souvent, mais qui nous écrase quotidiennement. Dans un autre genre, Jérôme Kerviel avait servi à éviter aux banques le procès du siècle, au départ de la crise de 2008. L’affaire Benalla n’est pas seulement un problème de gouvernement, ni même un problème institutionnel, elle est le révélateur de la violence qui se loge dans les rapports de classe, dans l’ordre juridique qu’ils construisent et qu’on va avoir de plus en plus de mal à nous présenter comme un « ordre public ».

Crédits photos : Public Domain


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