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Bordeaux

Gestion des VSS à l’UBM : après les nouvelles révélations, plus que jamais aucune confiance en la direction

Après de nouvelles révélations publiques de VSS au sein de l'université Bordeaux Montaigne, la présidence se retrouve une nouvelle fois accusée d'ingérence dans leurs gestions. Tandis que des questions profondes sont soulevés sur le combat contre les VSS, la présidence cherche à étouffer les affaires. Face aux problèmes démocratiques évidents, les organisations étudiantes appellent à une AG jeudi.

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Gestion des VSS à l'UBM : après les nouvelles révélations, plus que jamais aucune confiance en la direction

Crédit Photo : Université de Bordeaux Montaigne

À l’Université Bordeaux Montaigne, les tensions se cristallisent depuis plusieurs semaines autour de la gestion d’affaires de violences sexistes et sexuelles. Après avoir été interpellé par des étudiant·e·s en archéologie sur la gestion d’un cas de VSS avec le soutien de plusieurs organisations étudiantes, une nouvelle affaire a été révélée dans les pages de SudOuest le week-end du 21 octobre. Deux semaines avant la journée de mobilisation contre les violences faites aux femmes le 25 novembre, un débat sur la stratégie à adopter pour faire face aux violences sexistes et sexuelles dans nos lieux d’études et de travail s’impose.

La présidence de l’UBM cherche à délégitimer les accusations derrière des fausses informations

Cette révélation fait de nouveau couler beaucoup d’encre au sein de l’Université et en dehors. La présidence a tenu à adresser une nouvelle réponse à l’ensemble de la communauté universitaire le 31 octobre dernier avec un communiqué intitulé : « réponse aux mises en cause de l’Université Bordeaux Montaigne dans les médias ». « Depuis plusieurs jours maintenant, notre université subit une campagne médiatique alimentée par de fausses informations, ou au moins des informations manipulées, et attisée par certains de nos collègues, qui déplorent maintenant que l’image de l’université soit salie dans une tempête médiatique à laquelle ils participent » commence par expliquer Lionel Larré, président de l’UBM, pour introduire ce communiqué.

De quoi donner le ton et l’ambiance qui règnent en interne de l’Université Bordeaux Montaigne fracturée autour de la gestion des VSS tandis que les élections de la nouvelle équipe présidentielle se tiendront au printemps 2024. Cette phrase, et plus largement l’adresse à la communauté universitaire par le président de l’UBM le 31 octobre, font suite aux révélations publiques du journal Sud-Ouest quelques jours plus tôt sur une nouvelle affaire de VSS, cette fois-ci dans le département de philosophie.

En effet, Barbara Stiegler, philosophe et professeure des Universités, accuse l’un de ses collègues, ancien vice-président de l’université, de viol pour des faits remontant à mai 2020. Une accusation qui vient s’ajouter à 10 autres témoignages d’étudiant·e·s visant ce professeur. Si cette affaire cristallise des tensions internes depuis plusieurs mois, sa révélation publique alourdit les regards portés sur la gestion des VSS appliqués par la Présidence de l’Université. Alors qu’une bataille de récit se livre par communiqués et articles de presse interposés, la présidence se défend face à ce qu’elle accuse être « une tempête médiatique ».

Communiqués adressés aux quelques 18.000 étudiants de l’université et personnels de la fac, convocations des organisations syndicales et étudiantes par le cabinet de la présidence, refus initial qu’un point soit posé au Conseil d’Administration, ou encore interdiction d’une réunion d’information à l’initiative des enseignants du département d’archéologie sur les cas de VSS touchant la filière : tout est fait pour éteindre l’incendie et remettre le problèmes à des accusations « infondées » et à des « fausses informations, ou au moins manipulées » par des enseignants de l’Université qui viendraient de surcroit enfreindre les procédures en cours.

Autre raison que le président de l’Université semble soulever dans son communiqué pour expliquer cette campagne médiatique qui « salit » l’UBM, « la frustration qui doit être [celle des victimes présumées] au regard de la longueur des procédures » qu’il mesurerait et dont il serait empathique. Une rhétorique, qui vise in fine à délégitimer, détourner les regards des accusations et à s’en déresponsabiliser.

Temps de réaction long et traitement différencié : la gestion du dossier interroge

Pourtant, des zones d’ombre importantes persistent à l’examen de la gestion de l’affaire de l’UFR de philosophie. Dans son communiqué, le président affirme que l’Université aurait réagi immédiatement après avoir reçu le signalement des accusations au travers « du témoignage du 1er juin 2022 explicitant expressément la date, les circonstances, l’auteur présumé de l’événement en cause et ce « comme nous l’avons fait pour tout autre signalement qui le nécessitait. » Pourtant, selon nos informations et les documents que nous avons pu consulter, la philosophe aurait réalisé son premier signalement à l’Université le 3 décembre 2021 et ce n’est qu’à l’issue d’une lettre de son avocate que la présidence a fini par agir. Des détails omis par la présidence dans sa communication qui pointe pourtant une absence de réactivité de la présidence et un dilettantisme important dans la traitement du dossier.

Alors qu’il s’ajoute à cela une dizaine d’autres accusations d’étudiantes et de collègues à l’encontre du même enseignant transmis à la cellule de signalement et à la section disciplinaire, ces dernières n’ont été néanmoins entendues qu’en tant que témoin pour l’affaire touchant Barbara Stiegler. Ces signalements n’ont trouvé pour l’instant aucune réponse à part entière, si ce n’est d’être mentionné à la marge d’un rapport.

Dans son message du 31 octobre 2023, le président reconnait, le conseil disciplinaire a été saisi seulement pour la plainte de l’enseignante : « Dans la lettre de saisine, l’objet porte effectivement sur les faits présumés à l’encontre de l’enseignante-chercheuse victime présumée dans cette affaire ». Pourtant, concernant la dizaine d’accusations, la conclusion du rapport de la commission rectorale, cité dans SudOuest affirme que les accusations portées pointent « un comportement déplacé et répréhensible à l’égard d’étudiantes et de collègues constitutif d’agissements à caractère sexuel et sexiste ».

Une affaire de conflits d’intérêts que la Présidence continue de nier

Si ce n’est pas la seule, l’affaire du département de philosophie cristallise de nombreux problèmes dans la gestion des violences sexistes et sexuelles par l’Université. Dans un premier temps, le Président n’ouvre aucune procédure disciplinaire, ni n’engage une enquête interne. Il recourt d’abord à une commission rectorale, c’est-à-dire externe à l’Université, mais seulement à partir d’octobre 2022, soit neuf mois après le signalement de Barbara Stiegler à l’Université. Cette commission rend un rapport le 28 février 2023, et la procédure disciplinaire, c’est-à-dire interne à l’Université, ne commence que le 1er mars 2023 : des délais très longs qui interrogent une fois de plus sur la gestion par la Présidence de ces affaires.

Or, si la gestion de ces affaires est pointée du doigt par plusieurs enseignants, organisations syndicales, étudiantes, dans la presse, la Présidence cherche tout de même à légitimer la cellule de signalements. Elle écrit dans un courrier adressé aux étudiants d’archéologie : « De même, les sections disciplinaires doivent pouvoir travailler en toute impartialité, de façon indépendante, dans le respect du principe de confidentialité de la procédure disciplinaire, du principe du contradictoire et des droits de la défense. »

Une « impartialité » revendiquée contradictoire avec le fait que les membres de la cellule de signalements du site de l’Université Bordeaux Montaigne sont nommés par le Président lui-même. Une méthode qui explique que l’on retrouve dans la cellule plusieurs membres de l’équipe présidentielle, ainsi que de l’équipe de direction administrative de l’établissement. Une modalité de désignation et une composition qui se révèlent véritablement problématique lors d’affaires comme celle de l’UFR de philosophie mettant en cause l’ancien vice-président de l’équipe présidentielle actuelle.

Un problème important alors que Viviane Albenga, ancienne membre de cette cellule de signalements, rapporte dans L’Humanité à propos de son expérience : « Ceux qui possèdent l’expertise sur les VSS ne sont pas ceux qui seront écoutés.(…) Tous les membres de la cellule n’ont pas été informés des décisions mises en œuvre. Certains savaient, d’autres pas ». Un témoignage qui laisse penser à des conflits d’intérêts au sein de la cellule de signalement, bien que la Présidence fasse mine qu’il n’y ait aucun problème à ce sujet.

Aucune confiance en la direction : il faut ouvrir une discussion démocratique sur la gestion des VSS à l’université

Tous ces éléments soulèvent un problème démocratique, qui va de pair avec l’opacité avec laquelle ont été gérées l’ensemble des affaires. Dans un communiqué appelant à une conférence de presse le mardi 7 novembre, plusieurs organisations politiques et syndicales accusent : « Nous dénonçons une gestion qui a été faite en opacité et sans aucune transparence, ce qui maintient une omerta dans l’établissement. Nous remettons en cause une cellule de signalements qui n’a pas fait de bilans comme c’est pourtant demandé dans la charte encadrant les différentes cellules à l’échelle nationale dans les établissements publics, malgré la promesse de le faire au prochain Conseil d’Administration, suite à de nombreuses insistances de notre part. Nous dénonçons un problème d’indépendance de cette même cellule de signalements, intégralement nommée par le Président de l’établissement, et dont plusieurs membres font partie de l’équipe présidentielle. »

Les organisations signataires du communiqué exigent une commission indépendante de la Présidence pour gérer et lutter contre les violences sexistes et sexuelles à l’Université->https://revolutionpermanente.fr/VSS-a-Bordeaux-Montaigne-aucune-confiance-en-la-direction-il-faut-une-commission-independante], pour répondre de façon concrète au problème de conflits d’intérêts dans le cas de la cellule de signalements actuelle à l’Université. Une revendication partagée par le collectif féministe Du Pain et des Roses, qui lutte également pour une augmentation significative des moyens alloués pour intervenir en amont des violences, avec de véritables campagnes d’éducation sexuelles complètes et l’embauche de personnel formé et professionnel sur ces questions, et des moyens pour un accompagnement psychologique et financier à la hauteur pour les personnes ayant été victimes de violences.

Dans une dernière partie, les organisations signataires du communiqué écrivent : « Nous exigeons un véritable plan contre la précarité, comme la titularisation de tous les contrats précaires, dont les conséquences vulnérabilisent les femmes et minorités de genre en premier lieu. » De fait, la lutte contre les violences sexistes et sexuelles ne peut se contenter de demander des budgets pour l’égalité entre les hommes et les femmes et des structures pour accueillir les femmes comme il se doit. Si l’on ne garantit pas un emploi qui ne soit pas précaire, un toit, et un logement à toutes les femmes en situation de violence de genre, mais aussi la régularisation de tous les sans-papiers, cela laisse les femmes et minorités de genre toujours plus vulnérables aux situations de violences de genre.

Alors que les affaires de VSS à l’Université Bordeaux Montaigne prennent une ampleur médiatique considérable de par la gestion catastrophique par la Présidence, il est nécessaire de poser le débat démocratique sur notre lieu d’étude et de travail. C’est la raison pour laquelle les organisations signataires du communiqué de presse, à savoir Le Poing Levé, le collectif Du Pain et Des Roses, la FSE, Inter’Assos, l’Union Étudiante de Bordeaux, l’association M.E.U.F., NousToutes33 ou encore le Planning Familial de Gironde, appellent à une Assemblée Générale le jeudi 9 novembre entre midi et deux à l’Université Bordeaux Montaigne, pour débattre sur toutes ces revendications.


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