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Santé

Affection de longue durée : l’offensive du gouvernement menace les personnes trans et séropositives

Le gouvernement a lancé un premier ballon d’essai dans la presse pour le prochain budget 2025 en présentant sommairement un plan d’attaques contre les affections de longue durée (ALD). Des coupures potentielles qui auraient un effet catastrophique pour les patients LGBT.

Anna Nolite

25 mars

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Affection de longue durée : l'offensive du gouvernement menace les personnes trans et séropositives

Crédits photo : France info/Radio France

Pour les ministres, santé rime avec austérité

Ce vendredi 8 mars, Frédéric Valletoux le tout nouveau ministre délégué chargé de la Santé et de la Prévention dévoilait avec plus de précisions sur France info le projet d’économies sur les affections longue durée (ALD). « Il n’est pas question de fragiliser, de donner un coup de canif à ce qui est au cœur de notre pacte social » a-t-il expliqué pour tenter de rassurer les inquiétudes des 25 associations de patients qui lui ont écrit, avant de conclure : « pour autant, la liste des ALD date des années 1980. L’idée n’est pas de restreindre les droits, c’est de voir si elle [cette liste] est toujours pertinente dans l’accompagnement de pathologies qui mobilisent énormément de dépenses de l’Assurance maladie ».

Si les contours de l’attaque sont encore flous, le ministre souhaite donc vouloir « réfléchir à la pertinence » de l’actuel dispositif qui concerne en France pas moins de 13 millions de personnes. L’objectif du gouvernement est bel et bien de réduire la part prise en charge par la Sécurité sociale au profit notamment des complémentaires santé et des mutuelles qui de fait prendront (partiellement) le relais pour la partie des patients qui en bénéficient tandis que les tarifs des mutuelles connaissent une hausse historique de plus de 8%.

Quelles répercussions pour la communauté LGBT ?

L’infection par le VIH est reconnue comme une ALD et ouvre des droits qui couvrent les situations cliniques les plus habituelles des traitements et soins remboursables. Sur la période entre 2003 et 2009, plus de 48000 personnes séropositives ont été admises à cette ALD7 qui permet de couvrir le prix du traitement antirétroviral et du suivi thérapeutique toute la vie.

De nombreuses affections peuvent également être reconnues dans le cadre d’une ALD dite « hors liste ». Cette ALD « fourre-tout » peut concerner des personnes vivant avec un Covid long, des personnes trans, ou affectées par des maladies rares, mais nécessitant un traitement long et coûteux. Pour les personnes trans des classes populaires, l’ALD constitue aujourd’hui une ressource indispensable pour leur transition. Elle permet la prise en charge partielle ou complète de la thérapie hormonale, des bilans sanguins, de la rééducation de la voix avec un orthophoniste, des séances d’épilation laser, des chirurgies. Des procédures nécessaires aux personnes trans non seulement pour affirmer leur genre, mais aussi pour ne pas subir des violences transphobes ou encore des discriminations à l’embauche. Selon la Caisse nationale d’Assurance Maladie (CNAM), en 2020 8952 personnes trans en France dépendaient du dispositif.

Pour que l’affection puisse être couverte par une ALD hors liste, la prise en charge doit en effet comprendre au moins 5 éléments, dont 3 au minimum jugés particulièrement longs et coûteux. Ces reconnaissances comportent une part importante d’arbitraire qui fait reposer la délivrance du droit à la reconnaissance au bon vouloir des médecins et des CPAM. C’est ainsi que, par exemple, pendant longtemps, la CPAM de Haute-Garonne a refusé de reconnaître une ALD pour les soins de transition de genre, alors que d’autres caisses l’admettaient. Dans le cadre de pathologies comme le VIH, tout comme le Covid long, l’expression de la maladie est évolutive et peut prendre des formes tellement diverses ou méconnues que les reconnaissances sont souvent tardives, difficiles et que le protocole de soin peut être difficile à établir, avec le risque que certains besoins en lien avec l’affection ne soient pas couverts par l’ALD.

De fait, la couverture des soins des personnes trans fait l’objet de débats médiatiques en France alimentés principalement par la droite et l’extrême-droite. Selon les conservateurs, les patient-es trans seraient coupables de créer « un trou dans la sécu » avec des soins coûteux qui seraient non essentiels voire nocifs. Une rhétorique similaire à celle employée contre les patients immigrés bénéficiant de l’Aide médicale d’Etat. Or, si le gouvernement n’a pas pour le moment adopté ce type de discours réactionnaire, les attaques généralisées contre l’hôpital public et la sécurité sociale reviennent au même résultat : priver les patient-es trans du remboursement des procédures essentielles pour leur santé.

Une définition et prise en charge des ALD déjà restrictives

Les ALD exonérantes garantissent la prise en charge à 100% par l’Assurance Maladie des dépenses de santé hors « reste à charge » dans le cadre de pathologies au traitement long et coûteux. Cependant, ce « reste à charge » est supporté par les patients ALD et est en moyenne près de deux fois plus élevé que celui du reste de la population. Les dépassements d’honoraires, les soins non reconnus et liés à des maladies chroniques, ou encore les franchises médicales et les participations forfaitaires que le gouvernement a doublé constituent une somme non négligeable dans un contexte encore marqué par l’inflation.

De plus être reconnu en ALD est une véritable bataille administrative, encore plus difficile pour les personnes trans. Début janvier, huit patient-es trans ont déposé un recours auprès du tribunal judiciaire de Lyon mettant en cause la CNAM et la CPAM pour refus de prise en charge de soins. Les CPAM dans les différentes régions de France refusent de livrer des ALD hors liste aux patient-es trans qui ne fournissent pas de certificat psychiatrique, ce alors que la transidentité est censée être dépsychiatrisée depuis 2009. Une "bataille" que le gouvernement envisage encore de durcir pour réduire les dépenses.

Chaque attaque contre la santé est une attaque contre les patients LGBT

Alors que des offensives anti-trans se multiplient à l’échelle internationale, remettant en cause les droits des personnes trans à l’adoption et au mariage, à la transition médicale et administrative, il est temps de commencer de considérer les attaques néolibérales généralisées contre le système de soins également comme une menace et une atteinte particulière aux droits des patient-es trans et LGBT. On l’a déjà vu au Royaume-Uni : c’est la casse du système public de santé NHS qui a mené à des files d’attente de plusieurs années pour prendre un premier rendez-vous avec un généraliste concernant la transidentité.

Si la droite polémique sur les trans et les immigrés qui créent selon elle « un trou dans la sécu », le gouvernement multiplie les discours méprisants à l’égard des patient-es qui seraient responsables de la dette publique avec des visites trop fréquentes chez le médecin et une gourmandise trop excessive des boîtes des médicaments. Le résultat sera le même : exposer les personnes trans aux risques des violences et du suicide, en les privant des dispositifs accessibles de transition, décupler les risques de la propagation du VIH, en augmentant les franchises médicales et en charcutant l’ALD.

Face à cette cure d’austérité faite sur le dos des malades et des plus précaires, il faut construire la riposte. Pour un investissement massif dans la santé et pour la gratuite totale des soins, seule une mobilisation d’ampleur de la jeunesse et des travailleurs pourra faire la différence.


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