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Nos vies pas leurs profits !

Face au scandale Sanofi, nationalisons sous contrôle des travailleurs l’industrie pharmaceutique

La concurrence entre multinationales et Etats pour trouver un vaccin contre le Covid-19 ne fait qu’entraver le travail et la collaboration entre scientifiques. Les travailleurs doivent se battre pour mettre un terme au profit privé dans le secteur de la santé.

Inès Rossi

14 mai 2020

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Paul Hudson, directeur général de Sanofi, a annoncé à Bloomberg que les États-Unis seraient prioritaires pour un éventuel vaccin, car plus “efficaces” que l’UE dans le financement de la recherche. Un chantage à demi-mots qui démontre encore une fois que la logique capitaliste va à l’encontre des intérêts de l’humanité.

Le 13 mai, Paul Hudson, directeur général de Sanofi, est interrogé par l’agence américaine Bloomberg sur le développement d’un éventuel vaccin contre le covid-19. “Le gouvernement américain a le droit à la plus grande précommande car il a pris le plus de risques”, répond-il, faisant référence au partenariat entre les États-Unis et le géant français sur la recherche de vaccins. “J’ai fait savoir à l’Europe que les États-Unis seraient prioritaires sur les vaccins, ajoute-t-il. Parce que les États-Unis ont investi pour protéger leur population et pour relancer leur économie.

Les plus riches sont les premiers servis

Ces propos ont provoqué un tollé, à commencer dans l’entreprise elle-même. Thierry Bodin, responsable CGT chez Sanofi, explique à Franceinfo que “les salariés de Sanofi veulent que ce vaccin soit distribué à l’ensemble de la population mondiale, c’est-à-dire qu’il n’y ait pas un privilège qui soit affecté aux États-Unis.

Il est hors de question que, quel que soit le laboratoire pharmaceutique, un laboratoire fasse de l’argent avec un vaccin contre le coronavirus au regard de la pandémie et du danger sanitaire que ça représente.” ajoute le responsable syndical. Et l’indignation monte même aux sommets de l’État : Edouard Philippe déclare que “l’égal accès de tous au vaccin n’est pas négociable”, et Emmanuel Macron s’est même dit “ému” de ces annonces, selon l’AFP.

Devant l’indignation générale, le PDG a dû nuancer ses propos, mais la déclaration ressemble plus à du chantage envers les États européens qu’à un éclaircissement : “Les Américains sont efficaces en cette période. Il faut que l’UE soit aussi efficace en nous aidant à mettre à disposition très vite ce vaccin.

Ces propos polémiques arrivent alors même que Sanofi, entreprise pharmaceutique ayant le troisième meilleur chiffre d’affaire au monde, vient de verser quatre milliards de dividendes à ses actionnaires. “Sincèrement, on a l’impression que derrière les paroles du directeur de Sanofi, c’est une volonté d’obtenir de l’argent de l’Europe. On le répète, Sanofi vient de verser quatre milliards. Ces quatre milliards, ils peuvent servir à développer ce vaccin sans avoir à quémander de l’argent public par ailleurs.” souligne Thierry Bodin.

Le chantage semble par ailleurs payer, puisque selon un document interne relayé par Reuters, la Commission européenne réfléchirait à débloquer un fonds d’urgence de 2,4 milliards d’euros pour les laboratoires pharmaceutiques européens.

La santé, un marché comme les autres dans la société capitaliste

Cet événement n’est pas un cas isolé : partout dans le monde, la quête pour un traitement ou un vaccin contre le coronavirus donne naissance à une concurrence sans merci. Dans la droite lignée de la politique de Trump envers la Chine, les États-Unis ont lancé les premières accusations d’espionnage de recherches, contre des pirates proches du régime chinois, selon le journal Le Monde

Par ailleurs, un accord similaire à celui qui lie Sanofi et les États-Unis avait fait scandale en Allemagne, où le gouvernement nord-américain avait proposé à CureVac, un laboratoire privé, de délocaliser ses recherches pour trouver un vaccin contre le coronavirus vers les États-Unis, afin d’en avoir le monopole ; non pas un monopole d’usage, mais un monopole de commercialisation.

Car c’est de cela dont il est question : conquérir le monopole du vaccin afin d’empocher des milliards de bénéfices sur le dos de la santé de centaines de millions de personnes à travers le monde.

Mais cette question du vaccin contre le Covid-19 a pris également des proportions politiques et géopolitiques. Non seulement les capitalistes mais les différents gouvernements sont en concurrence pour trouver un éventuel vaccin car cela pourrait en quelque sorte effacer les gestions catastrophiques de la crise. Aussi bien pour Xi Jinping que pour Trump ou Macron, pouvoir revendiquer la découverte du vaccin serait un puissant outil de propagande au niveau mondial et surtout au niveau national. Cela explique la féroce compétition en cours à ce sujet. Cependant, cette concurrence entre capitalistes et gouvernements au lieu d’accélérer la recherche ne fait qu’entraver la progression scientifique, la collaboration, le partage d’informations, etc.

Contre leur gestion capitaliste, nationalisons l’industrie pharmaceutique et la recherche sous le contrôle des travailleurs

Face à l’ampleur de la pandémie, et les plus de 200 000 morts dans le monde, l’urgence devrait être à la collaboration de toute la communauté scientifique de tous les États, au déblocage des moyens financiers et humains nécessaires pour contenir l’avancée du virus et pour en trouver un remède au plus vite. Mais au contraire de cela, la logique capitaliste amène la bourgeoisie à pousser jusqu’au bout sa « tendance naturelle » à la concurrence et à la recherche de profits. Elle apporte une nouvelle fois la preuve de son incompatibilité avec les intérêts non seulement des travailleurs ou de la majorité de la population, mais de l’humanité elle-même.

L’Élysée a beau s’insurger et déclarer que “les efforts déployés ces derniers mois montrent qu’il est nécessaire que ce vaccin soit un bien public mondial, extrait des lois du marché”, sa réaction relève de la démagogie totale. Comme si le gouvernement avait à cœur de défendre la santé de la population contre les fameuses lois du marché… En réalité, il s’agit plutôt d’une réaction défensive face à une puissance concurrente qui vient marcher sur ses plates-bandes. Car il ne faut pas oublier le statut particulier qu’occupe Sanofi dans l’économie française. Le groupe est un fleuron de l’industrie pharmaceutique française, et de l’industrie tout court, constituant la troisième capitalisation boursière de la Bourse de Paris.

Nous ne pouvons pas compter sur ce gouvernement pour chapeauter le développement d’un vaccin. Si le gouvernement défendait réellement notre santé contre les lois du marché, pourquoi des masques gratuits et aux normes ne sont-ils pas disponibles pour toute la population ? Pourquoi est-il parvenu à débloquer 100 milliards d’euros pour venir en aide au patronat français, alors même que seuls 7,4 milliards d’euros ont étés levés pour la recherche au niveau européen ?

Un éventuel vaccin est la seule possibilité de sortie durable d’une crise sanitaire dont les tenants et les aboutissants sont encore incertains. C’est une chose bien trop sérieuse pour être laissée entre les mains des capitalistes, qui ne raisonnent qu’en termes de profits. Les travailleurs de l’industrie pharmaceutique et de la recherche sont les plus à même de gérer les besoins sociaux et sanitaires de la population, et donc de gérer l’activité de Sanofi et de ses pairs. C’est le seul moyen d’obtenir une production rationnelle d’un potentiel vaccin, et de le distribuer gratuitement et en quantité suffisante à la population mondiale.

Le contrôle des travailleurs de l’industrie pharmaceutique est le seul moyen dont nous disposons pour freiner les rêves de ces multinationales et de ces puissances rivales, des États-Unis à la France en passant par la Chine et l’Allemagne, de faire des profits sur un futur vaccin, ou de maintenir le privilège d’un accès au vaccin limité à leur propre pays avant tout le monde. Cette organisation de la production doit être internationaliste. Loin de la soi-disant coopération internationale des capitalistes, qui cache en réalité une concurrence acharnée entre grandes entreprises et États impérialistes, nous devons imposer la coopération des travailleurs du monde entier.


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