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« Lutte contre le séparatisme »

Face à la colère sociale, le gouvernement fait le pari d’un renforcement sécuritaire

Alors que la mobilisation contre le racisme d’État et les violences policières a rencontré un écho important en France, le nouveau gouvernement cherche à y répondre par un durcissement de ton, une surenchère répressive et sécuritaire.

Anna Ky

16 juillet 2020

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Le remaniement ministériel intervient dans un contexte de remise en cause profonde de la police et d’une contestation croissante du tout sécuritaire, face à une police qui mutile et qui tue et à une justice à deux vitesses (une colère renforcée par la nomination de Darmanin et Dupont-Moretti au gouvernement). La mobilisation internationale qui a fait suite à la mort de George Floyd aux Etats-Unis, tué par la police, a rencontré un fort écho en France. Une colère qui continue à résonner avec l’organisation d’une marche pour Adama Traoré le 18 juillet, pour réclamer justice à quatre ans de sa mort. Cette remise en cause de la police comme institution qui détient le monopole de la violence légitime est l’expression progressiste d’une colère qui vient d’en bas, dans un contexte de profondes crises des régimes politiques dans plusieurs pays dans le monde depuis plusieurs années déjà et qui fait suite aux mesures antipopulaires prises après la crise économique internationale de 2008.

L’enjeu pour Jean Castex, au travers de son discours de politique générale prononcé mercredi, était donc dans ce contexte de tenter de recomposer la base sociale du macronisme, qui s’est effritée depuis le début du quinquennat. Un nouveau « en même temps » qui cherche à rallier au gouvernement le centre-gauche et la droite dure, tout en essayant de relégitimer le régime et ses forces répressives contre les dénonciations de violences policières et de racisme structurel. D’une part, quelques mesures sociales pour l’électorat de centre gauche : le restaurant universitaire à 1 euro pour les étudiants boursiers, discours sur l’écologie…

Mais sur le plan économique et les questions sécuritaires, le « nouveau chemin » du gouvernement traduit un clair durcissement de ton à droite. Un discours qui s’articule en particulier autour d’un thème cher au macronisme, la « lutte contre l’islamisme ».

Le renforcement du discours sécuritaire porté par le nouveau premier ministre, prend pour cible les « terroristes, extrémistes, complotistes, séparatistes, communautaristes », les « ennemis de la France ». Cette rhétorique de « l’ennemi intérieur » a notamment pour objectif de résorber la brèche ouverte d’une part par les mobilisations contre le racisme d’Etat et les violences policières et d’autre part de se réconcilier avec les forces répressives qui réclament plus d’impunité pour réprimer et qui avaient exprimé leur désolidarisation d’avec Castaner qui ne les soutenait pas assez à leur goût. Il y a clairement une intention de criminaliser tous ceux qui se battent contre le racisme d’Etat à travers de la stigmatisation des causes politiques des secteurs opprimés de la population. Ainsi dénoncer l’islamophobie devient une « dérive communautaire », du « séparatisme ».

Castex a notamment affirmé son soutien et sa reconnaissance à « toutes les forces de sécurité ». Il a également fait de la lutte contre « la petite délinquance » son nouveau cheval de bataille, annonçant son intention « de créer dans les territoires des juges de proximité affectés à la répression de ces incivilités du quotidien », dans lesquelles il englobe tout à la fois « le tag, l’insulte, le petit trafic, les troubles à ce que le code communal appelle la tranquillité publique ».

La ligne défendue par le nouveau premier ministre est en cohérence avec le discours de Marlène Schiappa récemment chargée de la citoyenneté auprès du ministère de l’Intérieur et qui instrumentalise des thèmes féministes et la lutte contre les violences faites aux femmes pour pointer un ennemi intérieur – les migrants, les habitants des quartiers populaires, et en particulier les musulmans ou assimilés – et renforcer la politique répressive à leur encontre. Schiappa a en effet revendiqué récemment, dans une interview accordée au JDD, le fait d’avoir « obtenu que soit actée l’expulsion des étrangers coupables de violences sexuelles et sexistes » et une volonté de « reconquête républicaine » qui se traduit par des descentes musclées des forces répressives dans certains quartiers, comme celui de la Chapelle à Paris, pour multiplier les violences arbitraires de la police et les expulsions du territoire.

Ce durcissement du discours sécuritaire à l’encontre des personnes les plus précaires, immigrées et souvent racisées, se traduit par un ensemble de mesures hétéroclites et répressives, réunies sous le label de « lutte contre le communautarisme et le séparatisme ». Des thèmes et un vocabulaire chers à l’extrême-droite et à la droite extrême, repris par l’ensemble des médias dominants et des éditorialistes bien-pensants, et qui visent à nous faire croire que les clivages sociaux seraient conséquences de l’immigration et des habitants des banlieues et à justifier une répression accrue de l’ensemble du mouvement ouvrier et des luttes sociales. Alors que c’est précisément le gouvernement et ses politiques pro-patronales qui exacerbent les divisions au sein de notre camp social, instrumentalisant les luttes féministes pour mieux réprimer les luttes anti-racistes, et qui met tous ses outils régaliens au service d’une répression féroce de toute contestation, renforçant sa politique islamophobe et raciste.


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