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Révélations : en 2019, McKinsey et le gouvernement prévoyaient déjà la liquidation du Fret SNCF

La liquidation en cours du Fret SNCF est une catastrophe écologique et sociale, dont le gouvernement a toujours voulu mettre la responsabilité sur la seule Commission européenne. En réalité, le ministère des transports et la direction de la SNCF avaient chargé dès 2019 le cabinet privé McKinsey de dresser un plan de liquidation.

Augustin Tagèl

5 octobre 2023

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Révélations : en 2019, McKinsey et le gouvernement prévoyaient déjà la liquidation du Fret SNCF

Crédits photos : Philip McMaster CC BY-NC 2.0 DEED

Le discours du gouvernement était rôdé. Tout était de la faute de la Commission européenne. Au début de l’année 2023, elle avait lancé une enquête sur le groupe Fret SNCF afin de déterminer si certaines mesures de soutien de l’État en sa faveur étaient bien conformes aux règles de l’Union européenne en la matière. L’objectif était clair, obtenir la privatisation de l’ensemble du secteur par la menace d’un redressement de 5,3 milliards d’euros.

En face, le gouvernement et la direction de la SNCF se targuaient de défendre le fret public, et de négocier un accord avec la Commission pour éviter la sanction. Un « compromis » fut trouvé avec la commission. Un compromis qui n’en avait que le nom, un accord scélérat qui donnait en vérité un coup de grâce à l’entreprise Fret SNCF et la livrait à la merci de la privatisation. En effet, l’arrangement prévoyait la discontinuité (c’est-à-dire la rupture avec le fonctionnement précédent, impliquant le changement de nom obligatoire, la cession de certains éléments, etc.) et la liquidation de la SAS FRET SNCF en deux filiales, la suppression de plus de 450 postes, et la cession de 30 % des contrats actuels à la concurrence privée.

À l’époque, il était évident qu’il s’agissait là d’une manœuvre du gouvernement pour tenter de conserver une façade sociale et écologique, en se dressant en négociateur face à la Commission.

Or, l’offensive contre le fret venait de bien plus loin que début 2023, et elle ne venait pas seulement des politiques ultralibérales de l’UE, mais aussi des bureaux du ministère des Transports et du cabinet de conseil privé McKinsey.

C’est le 28 septembre, lors d’une séance de la Commission d’enquête sur la « libéralisation du fret ferroviaire et ses conséquences pour l’avenir » qui se tient en ce moment à l’Assemblée nationale, que Sylvie Charles, ancienne directrice du fret, a lâché le morceau : « en 2019, je ne sais pas à l’initiative de qui, mais en tout cas le ministère des Transports lance une étude de discontinuité [du Fret], qui est confiée au cabinet McKinsey, qui a rendu une belle étude ».

L’affaire est claire : alors que le gouvernement a joué les surpris et les outrés lorsque la Commission européenne a exigé la privatisation en 2023, il préparait lui-même, avec l’aide d’un cabinet gavé à l’argent public, un plan de discontinuité et de liquidation du Fret SNCF. Une « belle étude » effectivement.

Cette révélation montre d’une part le mensonge flagrant du gouvernement et du ministère des Transports aux cheminots du FRET lourdement touchés par la liquidation. L’hypocrisie de la macronie, qui s’exprimait déjà dans le « compromis » trouvé avec la Commission européenne et qui n’était rien de moins qu’un coup de poignard, se trouve doublée par la preuve que le gouvernement travaillait déjà à la destruction du secteur depuis cinq ans. Un mensonge qui permet également à la direction de la SNCF de s’en sortir très favorablement, puisque les 30 % d’activité devant être cédée à la concurrence seront très certainement reprises par sa propre filiale de transport par camion : Geodis. Dans l’opération la direction se débarrasse donc de 450 cheminots et, à l’avenir, du statut qui allait avec.

« Finalement ce sont plus de 450 salariés qui vont voir leur poste disparaitre, mais ce seront des milliers dans le futur car la discontinuité, comme ils disent, c’est la déstructuration du FRET ! C’est aussi la cessation de machines, de plateformes de triages. Ils parlent de discontinuité, mais le vrai terme, c’est plan social. Derrière les mots techniques ce n’est rien de moins que la casse de milliers d’emplois et du service public ferroviaire » explique Anasse Kazib, cheminot du triage du Bourget et syndicaliste à Sud Rail. « C’est une preuve flagrante que ce gouvernement n’entend rien faire pour le climat. La seule volonté qu’il ait, c’est de casser ce modèle social, de briser les travailleurs et les travailleuses pour donner tout ce qui est rentable au privé », poursuit-il. « Tout cela financé par de l’argent public, d’une part pour McKinsey bien sûr, ces conseillers en destruction, mais aussi pour le matériel : la plateforme logistique de Saint-Priest par exemple, a été refaite à neuf à coup de millions et va être cédée à des entreprises privées ».

Les plans d’investissements dans le FRET lancés par le gouvernement depuis 2019 prennent maintenant une autre signification pour le cheminot : « tous les moyens qui ont été mis pour la relance du FRET, alors que dès 2019 ils étudiaient des manières de s’en débarrasser, ce n’étaient pas des millions pour améliorer le service, c’était pour préparer les cessions au privé, c’était des avances aux entreprises ! ».

Une double hypocrisie que dénonce SUD Rail dans une vidéo publiée le 4 octobre sur X (ex-Twitter).

D’autre part, cette affaire vient rappeler à notre bon souvenir le fameux cabinet de conseil McKinsey, décidément toujours dans les bons coups. Ce cabinet de parasites, assoiffé d’argent public, est le même qui avait empoché 4 millions d’euros pour conseiller à Macron de réduire de 5 euros les APL en 2021, le même qui facturait sur notre argent des prestations pour des évènement n’ayant jamais eu lieu, le même enfin qui s’est arrangé pour ne pas payer ses impôts en France. Ces bons amis de Macron, qui ont pu l’aider gratuitement lorsqu’il était ministre de l’Économie de Hollande, ont surement flairé les gros sous en 2019 et se sont empressés de pondre un plan pour liquider le FRET. Plus encore, étant donné la proximité entre les propositions de McKinsey et les volontés de la Commission européenne, nous sommes en droit de nous demander si celle-ci n’aurait pas eu accès à cette étude.

Commission européenne, gouvernement Macron, McKinsey : en réalité chacun rivalise d’ingéniosité pour décrocher la palme de meilleur serviteur de la bourgeoisie. Sur le dos du service public ferroviaire, de l’écologie et des travailleurs.


      
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