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Tribune Libre

"Mettre le paquet sur le primaire" : les faux-fuyants du débat éducatif

Coincé entre les questions de sécurité, de migrations, de terrorisme, le thème de l’école a surtout été l’occasion, pour les candidats à la primaire de droite, de montrer, avec leur très grande ignorance du sujet, leur inépuisable imagination : avec des propositions qui en disent plus long sur leurs auteurs que sur la réalité de l'école. Source : https://blogs.mediapart.fr/b-girard/blog/041116/mettre-le-paquet-sur-le-primaire-les-faux-fuyants-du-debat-educatif B. Girard

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Surréaliste ? Psychédélique ? Coincé entre les questions de sécurité, de migrations, de terrorisme, le thème de l’école a surtout été l’occasion, pour les candidats à la primaire de droite, de montrer, avec leur très grande ignorance du sujet, leur inépuisable imagination. Des chiffres fantaisistes pour les uns (40 % des élèves de CM2 ne maîtriseraient pas les fondamentaux), des propositions drolatiques pour d’autres (uniforme scolaire « avec écusson, comme en Angleterre », levée des couleurs au son de la Marseillaise, service militaire obligatoire pour les décrocheurs etc) ou encore ségrégation sociale assumée sans fard (des élèves mis en apprentissage dès la fin du primaire) : incontestablement, sur l’école, la droite se défoule.

Malgré quelques divergences, de fond ou de forme, il est néanmoins un point sur lequel tous les candidats se réunissent et ceux de gauche également, résumée en cette formule choc maintes fois entendue au fil des années : « mettre le paquet sur le primaire ».

Curieusement, alors que le passage des élèves du CM2 à la Sixième fait l’objet d’une abondante littérature et de polémiques sans fin, il ne vient guère à l’esprit que les difficultés rencontrées par certains élèves, plutôt [ou autant] que des faiblesses, réelles ou supposées de l’école élémentaire, pourraient résulter d’une inadaptation du collège. Une singulière cécité dont on tire, à droite, les conséquences : multiplication des évaluations en primaire, avec, à terme, le rétablissement d’un examen d’entrée en 6e, orientation précoce des élèves dont le niveau est jugé insuffisant, dont on nous répète comme un leitmotiv entêtant, qu’ils ne « maîtrisent pas les bases ». Bref, en finir avec le collège unique, cette création du diable. Un choix brutal et facile, cohérent avec les valeurs de ceux qui le soutiennent, face auquel la gauche, à quelques exceptions près, s’en tient à une position convenue et équivoque : « mettre le paquet » sur le primaire garantira comme par miracle une scolarité efficace en collège. Une vision simpliste et en réalité tendancieuse qui laisse de côté le fond du problème : à savoir que, depuis sa création, jamais le collège n’a été conçu en fonction des élèves tels qu’ils sont à 11 ans mais avec pour objectif l’entrée future au lycée.

Le défaut d’origine du collège est pourtant connu, tenant notamment à un découpage de la journée de classe incohérent et inadapté, à la parcellisation des savoirs en disciplines théoriques dont la pertinence n’est jamais interrogée, au gonflement continu des programmes officiels, dont le côté abstrait peine à faire sens pour certains élèves, « pas faits pour les études » et pour lesquels la voie royale « vers les métiers de soudeurs ou de boulanger » (Le Maire) apparaît comme la solution de bon sens aux yeux des experts du Café du commerce.

Mettre le paquet sur le primaire ? Certes s’il s’agit d’aligner les dépenses du primaire – notoirement faibles en France - sur celles du lycée (coût d’un élève du primaire 6482 euros, à comparer au coût d’un lycéen : 12 243 euros). Mais pourquoi voudrait-on qu’arrivés à l’âge de 11 ans tous les élèves maîtrisent parfaitement des savoirs et des compétences qui, de par leur nature, ne peuvent être acquis que graduellement, au rythme de chacun ? Une logique qui mène tout droit à l’examen de passage. Jamais, par le passé, aucun système éducatif n’est parvenu à faire acquérir à la totalité d’une classe d’âge, celle des 11 ans, une compétence sans faille dans des domaines comme la lecture, l’expression orale et écrite ou encore les mathématiques. On s’en tirait par des redoublements massifs qui ne faisaient guère qu’anticiper l’éjection non moins massive des élèves vers l’entrée précoce dans la vie active, comme le montre l’histoire du système scolaire jusque dans les années 60, lorsque les études secondaires n’étaient pas considérées comme la suite naturelle de l’école primaire mais comme l’outil privilégié d’une sélection sociale.

Pour 2017, c’est à un grand bond en arrière que nous invitent certains programmes politiques.


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