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Education nationale

Interdiction des abayas, profs manquants... face aux offensives sur l’école, il faut une riposte !

Effectifs de professeur.e.s et de personnels médico-social toujours en baisse, élèves non affecté.e.s, bacheliers sur le carreau, effectifs qui explosent, bâtiments surchauffés, panier scolaire en hausse de 11% : le retour sur les bancs de l’école est marqué par un approfondissement de la crise dans l’éducation et l'offensive réactionnaire et islamophobe du gouvernement avec l'interdiction de l'abaya. La construction d’une riposte est urgente.

Sophie Martin

11 septembre 2023

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Interdiction des abayas, profs manquants... face aux offensives sur l'école, il faut une riposte !

Alors que la rentrée 2023 est marquée par le chaos des effectifs réduits de personnels, mêlé aux conséquences des crises économiques et climatiques, l’offensive de l’interdiction de l’abaya a permis au gouvernement de polariser les débats sur un terrain raciste et sexiste ces derniers jours. De quoi souligner la nécessité de construire une riposte articulant exigence de moyens et lutte contre le durcissement autoritaire et raciste à l’école.

Des effectifs enseignant et médico-social rabotés

Non, il n’y a toujours pas un.e enseignant.e devant chaque élève. Alors que le ministre Attal avait fait cette promesse fin juillet, le constat dans les classes est tout autre. Ce lundi, une enquête du SNES-FSU révélait ainsi qu’il manque un professeur dans 48% des établissements du secondaire. Déjà en juillet, on comptait 3100 postes non affectés à l’issue des concours. « La rentrée s’est globalement déroulée dans des meilleures conditions que l’année passée », a pourtant osé affirmer Gabriel Attal au micro de l’émission Quotidien sur TMC, lundi 4 septembre, se targuant d’une amélioration par rapport aux manques criants des recrutements de l’année 2022.

Les manques sont concentrés sur les académies les plus en difficulté, comme Mayotte et la Guyane, ou sur celles qui concentrent le plus d’élèves, comme Créteil et Versailles. A Créteil et en Guyane ce sont respectivement 975 et 782 postes qui ne sont pas pourvus. La baisse des effectifs touche principalement les professeur.e.s de mathématiques (790 postes sur 1040 pourvus à la suite des concours de recrutement), de langues et de lettres classiques. Le manque est aussi conséquent dans les lycées pro, particulièrement touchés suite à la réforme inaugurée par le ministre en mai dernier, avec un quart des professeur.e.s qui manquent à l’appel. C’est le cas des lycées Monod à Antony, Prony à Asnières-sur-Seine ou encore Jaurès à Châtenay-Malabry (Hauts de Seine) où le manque de professeur.e.s est notable.

Ce sont aussi les personnels médico-sociaux qui font défaut. Les postes d’infirmièr.e.s sont largement non pourvus à la rentrée sans que les chef.fe.s d’établissement n’aient aucune visibilité sur l’évolution de la situation. Beaucoup d’établissements des quartiers populaires n’ont pas d’assistant.e social.e alors même que ce sont ces élèves qui en ont le plus besoin. Aux professeur.e.s donc de pallier ces manques et d’assumer la charge d’assistant.e social.e et psychologique auprès des élèves en difficulté.

Un manque d’effectif qui exprime à lui seul la dégradation des conditions de travail dans l’éducation nationale, avec toujours moins d’enseignant.e.s recruté.e.s que de postes ouverts aux concours et avec le recours toujours plus assumé à des professeurs contractuels. Une casse structurelle qui culmine en cette rentrée par la mise en place du pacte enseignant.

Classes en surchauffe et effectifs en surnombre

Pour masquer le manque de profs, des classes sont fermées. Les effectifs d’élèves par classes ne cessent d’augmenter et plafonnent au lycée à 35 élèves par classe en filière technologique et générale. Pas une chaise vide dans les classes, voire souvent des élèves debout, obligé.e.s d’aller chercher une table dans une autre salle. A Rambouillet (Yvelines), le collège le Rondeau compte des classes de 6e à 31 élèves alors que les personnels avaient sollicité l’ouverture d’une nouvelle classe de 6e, notamment pour accueillir dans de bonnes conditions les élèves allophones. Le collège s’est mis en grève (à plus de 90%) ce mercredi 6 septembre pour dénoncer cette situation scandaleuse. Au lycée de Villemomble, certaines classes de seconde comptent jusqu’à 35 élèves selon le SNES 93.

Ces effectifs en tension sont d’autant plus alarmants que des centaines d’élèves n’ont toujours pas d’affectation dans un lycée ou sont affecté.e.s dans des établissements très éloignés de leur domicile. A Montfermeil par exemple, 23 élèves de sixième n’ont pas pu faire leur rentrée faute d’avoir obtenu une place dans un collège, comme le rapporte le SNES 93. Cette situation est plus particulièrement marquée dans les filières STMG qui concentrent un manque criant de places pour les élèves de seconde affecté.e.s dans cette voie. Les élèves redoublants, notamment en Terminale, qui n’ont pas obtenu leur bac, sont aussi sélectionné.e.s sur des critères laissés à la discrétion des chef.fe.s d’établissement, pour pouvoir réintégrer une classe dans leur établissement de provenance. De la même manière, des centaines de lycéen.ne.s diplômé.e.s ont étélaissé.e.s sur le carreau à l’issue de la procédure Parcoursup : 1769 bacheliers n’ont reçu aucune réponse positive sur la plateforme selon les propres dires de Macron, interviewé par Hugo Travers sur sa chaîne Youtube Hugo Décrypte, lundi 4 septembre.

Ces effectifs surnuméraires sont particulièrement visibles dans le contexte de réchauffement climatique, qui met en avant les problèmes matériels structurels dans les établissements. Classes à 35, thermomètre affichant jusqu’à 42° dans des salles de primaire, bâtiments non isolés, ordinateurs et vidéoprojecteurs en surchauffe, absence de fenêtres ou fenêtres qui ne s’ouvrent pas. Des conditions de travail et d’étude inacceptables qui ne vont faire qu’empirer du fait de l’avancée de la situation climatique et du refus d’investir dans des travaux d’ampleur pour agrandir, réparer et isoler les bâtiments. Au collège Denis Diderot d’Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) le personnel est forcé de déplorer l’absence d’eau dans les sanitaires. Une situation alarmante dans un contexte de forte chaleur.

Crise sociale et inflation galopante : un panier scolaire inabordable

Une situation d’autant plus catastrophique dans un contexte de forte inflation (alimentaire, essence), où les parents doivent plus que jamais faire face à une augmentation considérable du coût du matériel de rentrée. Le panier scolaire a augmenté de 11,3% par rapport à la rentrée 2022. Une situation alarmante pour les familles les plus précaires, qui accentue fortement les inégalités d’accès à l’éducation, alors que ni l’ARS, ni les aides sociales des établissements ne compensent une telle flambée des prix.

Une récente enquête de l’Unicef a par ailleurs annoncé qu’en cette rentrée, près de 1 990 enfants dorment dans la rue, faute de logement, soit une augmentation de 20% par rapport à 2022. Une grande partie de ces enfants ne sont pas scolarisés ou quand ils le sont (30% des enfants qui vivent en squats ou bidonvilles), le sont dans les écoles des quartiers populaires qui sont particulièrement la cible des attaques du gouvernement.

Interdiction de l’abaya : une expression du projet réactionnaire de Macron pour l’école

Dans ce contexte, le gouvernement a choisi de mettre l’islamophobie au cœur de sa rentrée avec l’interdiction de l’abaya et du qamis dans les établissements. Cette mesure constitue non seulement une violente attaque contre les élèves musulmans ou supposés comme tels, dans la continuité de la loi de 2004, comme le montrent les témoignages effarants diffusés ces derniers jours, mais elle témoigne du projet de la macronie pour l’école face à l’approfondissement de la crise de l’éducation : retour à « l’ordre et l’autorité » et offensive raciste.

En déployant des équipes laïcité et la police devant les établissements, afin de s’assurer de la bonne mise en place de sa mesure, le gouvernement cible ses attaques : quartiers populaires, jeunesse racisée, jeunes femmes. Mais si l’offensive s’en prend d’abord aux quartiers populaires, quelques mois après les révoltes de juillet, celle-ci constitue les prémices d’un potentiel saut dans l’offensive autoritaire à l’école, comme le montre par exemple l’annonce par Gabriel Attal le jour de la rentrée de la volonté d’expérimenter l’uniforme à l’école.

Dans ce cadre, traiter, comme l’ont fait la majorité des syndicats enseignants, cette attaque comme une simple « diversion », en refusant de dénoncer fermement cette interdiction est une profonde impasse. Il est en effet nécessaire d’inscrire cette nouvelle mesure non seulement dans une politique de stigmatisation et de répression de la jeunesse des quartiers populaires, mais également dans un projet d’ensemble réactionnaire, qui associe destruction néo-libérale de l’éducation et durcissement autoritaire et raciste, dans la continuité de la politique de Blanquer.

Face à cette attaque raciste de plus, il est urgent de faire front pour défendre les élèves ciblées et s’organiser pour lutter contre le racisme et l’islamophobie dans les écoles, en articulant étroitement ce combat avec celui pour arracher des moyens pour l’éducation.

Contre les attaques répétées, il faut articuler combat contre l’offensive autoritaire à l’école et combat pour des moyens à la hauteur !

Contre ces attaques, des établissements se sont mobilisés en se mettant en grève pour dénoncer les effectifs réduits de professeur.e.s, les sureffectifs, les manques de moyens. C’est le cas du collège Solveig Anspach de Montreuil (Seine Saint-Denis) qui a déposé un préavis de grève à compter du 6 septembre pour dénoncer les sureffectifs, la précarisation des conditions d’accueil dans l’internat des élèves issus de milieux socio-économiques particulièrement difficiles, le manque d’AED, l’absence d’assistance sociale. A Gagny (Seine Saint-Denis), au lycée Gustave Eiffel, 40 personnels sont en grève contre les effectifs pléthoriques. Tout comme au collège Henri Barbusse à Saint-Denis, fortement mobilisé depuis trois jours pour dénoncer ces mêmes sureffectifs.

Dans d’autres établissements, les HIS se multiplient pour discuter du pacte et de l’attaque raciste du gouvernement et proposer des communiqués aux organisations syndicales, qui n’ont mis en place aucun plan d’ampleur pour faire face à cette rentrée désastreuse. C’est le cas du lycée Angela Davis de Saint-Denis qui a publié ce jour un communiqué intersyndical appelant au refus de la stigmatisation des élèves et à une mobilisation massive pour lever cette interdiction. D’autres établissements débrayent pour dénoncer des situations ubuesques comme au lycée Rabelais de Meudon, les enseignant.e.s se sont mis.es en grève, soutenu.es par les parents d’élèves, pour dénoncer des emplois du temps incohérents qui sont le fruit du manque d’effectifs conduisant à essorer celles et ceux qui restent.

Au lycée Jean Macé à Rennes, ce sont les élèves qui se sont réunis en AG ce mercredi pour organiser la riposte face à l’offensive sexiste et islamophobe du gouvernement. Parmi ces établissements mobilisés, quelques uns à l’avant-garde, montrent qu’il est possible d’articuler réponse à l’offensive raciste du gouvernement, et revendication de moyens à la hauteur. C’est le cas du Lycée Maurice Utrillo de Stains (Seine Saint-Denis), 70% des personnels étaient en grève mercredi et jeudi pour dénoncer l’attaque islamophobe et le manque de moyens.

Un discours exemplaire qui tranche avec la logique des directions syndicales en cette rentrée. Celles-ci ont en effet pris le parti de ne pas s’opposer à la mesure du gouvernement et de la considérer comme un « contre-feu » ou une « diversion », à l’instar de la secrétaire de la CGT, Sophie Binet, qui a affirmé au micro de France Inter, qu’il fallait « avoir des règles claires » qui « de toute manière s’inscrivent dans la loi de 2005 (sic) que la CGT a soutenu ». Une position qui contraste par ailleurs avec la position de la CGT concernant la loi de 2004, qui s’était abstenue au moment du vote et qui refuse de voir dans cette mesure sa dimension ouvertement raciste et islamophobe.

Quant aux directions syndicales de l’éducation, Sophie Vénétitay, secrétaire du Snes-FSU, mise sur une stratégie du dialogue social tout en ne faisant aucunement mention du caractère islamophobe, raciste et sexiste de la mesure. Sud Éducation se démarque en revanche explicitement dans un communiqué qui dénonce l’arbitraire de l’application de la mesure, un dévoiement du principe de laïcité qui stigmatise les élèves musulmans ou considérés comme tels et une « survivance de l’idéologie colonialiste », une prise de position critique et progressiste qui tranche dans le paysage syndical. Pourtant, aucun appel à la mobilisation et aux moyens à mettre en place pour combattre cette mesure n’ont été annoncés.

A rebours de cette logique, il y a urgence à articuler riposte à l’offensive islamophobe et sexiste qui frappe nos élèves et destruction de l’éducation, pour défaire le projet réactionnaire de Macron pour l’école. Pour cela, il faut un programme qui articule la défense d’un service public éducatif de qualité qui rende possible l’accès à une école ouverte à toutes et tous - en s’opposant au recours massif à la contractualisation, à la précarisation du statut d’enseignant.e, au délaissement orchestré des écoles des quartiers populaires mais aussi façonnement des programmes au service des besoins du capital – par l’exigence de moyens massifs, avec le refus des politiques racistes et islamophobes du gouvernement. Trop couvertes ou pas assez, c’est aux femmes de décider ! Il faut lutter pour l’abrogation de toutes les mesures racistes, de la loi de 2004 portant interdiction du foulard dans les établissements scolaires jusqu’à l’interdiction de l’abaya.

Un programme qui, face à la crise sociale de cette rentrée, devrait dans le même temps revendiquer l’augmentation des salaires, leur indexation sur l’inflation et la gratuité des fournitures scolaires, seules à même de rendre possible, dans ce contexte, une école ouverte à toutes et tous, publique et gratuite ! Des revendications qu’il y a urgence à porter à la base, mais aussi à imposer aux directions syndicales, et qui ne pourront être arrachées que dans le cadre d’un mouvement de grève large, entraînant l’ensemble des personnels de l’éducation, mais aussi des autres secteurs.

Pour discuter de cette situation politique et s’organiser contre l’offensive raciste et islamophobe du gouvernement, les travailleur.ses de l’éducation de Révolution Permanente ont proposé un communiqué et une tribune visant à faire front contre l’offensive islamophobe et organisent une réunion publique ce jeudi 14 septembre à 19h à Paris.


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