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« Désmicardiser la France » : derrière la formule choc, des attaques contre les bas salaires

Lors de son discours de politique générale, le Premier ministre a dit vouloir s'attaquer au problème des bas salaires et « désmicardiser la France ». Derrière la formule de communiquant se cachent en fait de nouvelles attaques contre les bas salaires, voire au fonctionnement du SMIC lui-même.

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« Désmicardiser la France » : derrière la formule choc, des attaques contre les bas salaires

Crédit photo : capture d’écran BFMTV

« Nous avons un SMIC nettement supérieur à celui de nos voisins, et nous en sommes fiers, mais nous avons une part de nos travailleurs proches du SMIC beaucoup plus importantes que nos voisins. C’est un problème. » Lors de son discours de politique générale, contenant d’autres annonces sur les attaques à venir, Gabriel Attal a fait mine de se préoccuper des bas salaires en France. Si la part des bas salaires proches du SMIC est forte en France, c’est parce que l’inflation a explosé depuis 2021, que les salaires n’ont pas suivi et que le macronisme n’a rien fait puisqu’il ne faut pas perturber la liberté des entreprises (liberté des patrons de ne pas augmenter leurs salariés). Seul le salaire minimum est indexé sur l’inflation et suit donc globalement la hausse des prix. C’est ce qui produit non seulement un effet de tassement, puisque les salaires sont petit à petit « rattrapés » par le SMIC, mais aussi une augmentation du nombre de smicards, passés de 12% des salariés du privé en 2021 à 17% en 2023. Le macronisme a donc bien « smicardisé la France », au contraire de la formule du Premier ministre.

Celui-ci, faisant mine de découvrir des problèmes avec lesquels les macronistes n’auraient rien à voir, cible deux responsables des bas salaires : les « branches » et les « mécanismes d’exonération ».

Le premier est un élément de langage pointant le fait que les minimas salariaux de nombreux secteurs sont en-dessous du SMIC [1] et expliquant que le gouvernement va demander aux branches de se mettre à niveau. Autrement dit, la même méthode que Bruno Le Maire, qui jusqu’à aujourd’hui n’a rien réglé puisqu’encore 90 branches sont concernées.

Le deuxième ouvre la porte à davantage de discussions. Évoquant le sujet des exonérations et allègements de cotisations patronales, de « charges » si l’on en croit le vocabulaire patronal, Attal reprend encore une fois les discours de la droite. Si les salaires n’augmentent pas, c’est parce que cela coûterait trop cher aux patrons. « Pour augmenter un salarié au SMIC de 100€, il en coûte 238 à l’employeur.  » Décortiquons le propos. Il est vrai qu’il existe plusieurs mécanismes qui aboutissent à une « trappe à bas salaires », c’est-à-dire un encouragement à ne pas augmenter les salaires. Premièrement, il faudrait nuancer cela en ayant en tête que les profits des grands groupes ont explosé et qu’il y a largement de quoi augmenter les salaires, même avec ces mécanismes.

De plus, les discours de droite prennent le problème à l’envers en expliquant qu’il y a plus de cotisations pour les salaires au-dessus du SMIC. La réalité est qu’il y a moins de cotisations pour les salaires au SMIC, et cela n’est pas qu’un problème de sémantique. Car la situation vient d’abord du fait qu’il y a eu années après années des allègements et des exonérations de cotisations, autrement dit des cadeaux au patronat, concentré sur le SMIC et les bas salaires, pour encourager soi-disant à embaucher. En clair, c’est 75 milliards par an d’argent public offert au patronat, d’ailleurs sans effet sur l’emploi. Le macronisme a approfondi cette logique, par exemple en 2019 en convertissant les 20 milliards du CICE en exonérations de cotisations. Tous ces allègements de cotisations n’étant pas compensés par l’État, ils affaiblissent donc en même temps le budget de la Sécurité Sociale, ce qui sert ensuite d’excuse à la casse du système de santé, avec comme dernier exemple en date le doublement de la franchise médicale, ainsi qu’à la réduction de toutes les aides pour les plus précaires, comme la durcissement des conditions du RSA, la suppression de l’allocation spécifique de solidarité (ASS) dont bénéficient certains chômeurs en fin de droits, ou encore une nouvelle réforme annoncée de l’assurance chômage notamment ciblée contre les plus âgés.

Dans son discours, le premier ministre n’a pas précisé les attaques prévues, mais a mentionné que le prochain projet de loi de finance devant s’appuyer sur des « propositions de parlementaires, de partenaires sociaux et sur un certain nombre de travaux d’experts qui sont actuellement conduits ». Les pistes les plus probables vont dans le sens d’augmenter les cadeaux fiscaux au patronat, par exemple en agissant sur l’ « allégement Fillon ». Celui-ci consiste en des exonérations de cotisations patronales dégressives jusqu’à 1,6 SMIC et pourraient être moins dégressives (ce que les économistes mainstream appellent « réduire la pente ») et/ou étendues au-delà de 1,6 SMIC. Autrement dit, au lieu de supprimer toutes ces exonérations, ce qui serait la seule mesure juste les concernant, le gouvernement va distribuer des cadeaux supplémentaires aux patrons. Il est probable que cela ne les encourage même pas à augmenter les salaires, mais il est clair par contre que pour les salariés qui sont déjà au-dessus du SMIC, le patron recevra de nouveaux allègements.

Une remise en cause du SMIC lui-même ?

Mais dans les « travaux d’experts qui sont actuellement conduits », on trouve des attaques plus profondes que le macronisme pourrait dégainer. C’est le cas d’un « comité indépendant », en tout cas indépendant des salariés, cité par Les Echos, qui propose de remettre en cause le mécanisme d’indexation du SMIC sur l’inflation. Du côté des « propositions de parlementaires », on peut s’attendre au même ton, comme on le voit déjà du côté du député macroniste Marc Ferraci proposant de « désindexer le SMIC ». Si le rapport de forces le lui permet, le gouvernement reprendra tôt ou tard ce genre de mesure.

Contre l’appauvrissement de tous, défendre nos salaires nous-mêmes

On le voit, derrière les formules sur les branches ou la « désmicardisation », aucune augmentation de salaire. Nous n’aurons aucun coup de pouce de députés qui s’augmentent eux-mêmes de 300€ ou des sénateurs qui s’augmentent de 700€. En ce début d’année où de nombreuses négociations salariales (les NAO) vont s’ouvrir, celles-ci peuvent être l’occasion de se battre pour de vraies augmentations de salaire, qui rattrapent ce qu’on a perdu avec l’inflation, et pour une indexation des salaires sur l’inflation pour que les augmentations d’aujourd’hui ne soient pas annulées par l’inflation de demain.

Mais se battre seulement boite par boite ne suffira pas, c’est pour cela que les directions syndicales ne doivent pas renvoyer les questions salariales au « dialogue social » au niveau de l’entreprise mais préparer une lutte d’ensemble au niveau national qui ait comme point de départ une augmentation d’au moins 400€ et l’indexation des salaires sur l’inflation.

[1] : En France, il existe dans chaque branches d’activité des négociations paritaires sur les niveaux de rémunération correspondant aux différents niveaux de classification. Théoriquement, ceci sert à garantir qu’un avancement de carrière correspond à un avancement salarial. Plusieurs branches ont dans leur classification, des rémunérations se trouvant sous le SMIC pour les catégories les plus basses. Dans les faits, aucun salarié n’est payé en-dessous du SMIC car un complément est fait par des primes ou autre. Ce qu’on doit comprendre, c’est qu’en réalité les minima de salaire sont tellement bas dans les branches qu’il arrive souvent qu’un avancement de classification ne se traduise pas automatiquement par une hausse de salaire.


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Gaëtan Gracia, CGT Ateliers de Haute-Garonne

Militant à la CGT Ateliers Haute-Garonne
Twitter : @GaetanGracia

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