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Quand Macron s’en va-t-en guerre

« Coalition » anti-Hamas : Macron rejoue la « guerre contre le terrorisme » pour soutenir Israël

A Jérusalem, Macron a proposé que la coalition internationale établie en 2014 contre Daech serve aussi à lutter contre le Hamas. Un discours qui vise d'abord à se positionner dans la surenchère impérialiste en cours, mais qui ouvre également la voie à un appui militaire à Israël, en plein massacre à Gaza.

Damien Bernard


et Joël Malo

24 octobre 2023

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« La France est prête à ce que la coalition internationale contre Daech, dans le cadre de laquelle nous sommes engagés pour notre opération en Irak et en Syrie puisse lutter aussi contre le Hamas. » L’annonce surprise de Macron, en conférence de presse ce 24 octobre avec Benjamin Netanyahu lors de sa visite en Israël, ne peut être interprétée que comme une disposition de la France à s’engager dans une nouvelle guerre aux côtés d’Israël.

Des déclarations que les communicants de l’Élysée ont tenu, quelques heures plus tard, à relativiser en affirmant qu’il s’agit finalement « de s’inspirer de l’expérience de la coalition internationale contre Daech et voir quels aspects sont réplicables contre le Hamas. Nous sommes donc disponibles pour réfléchir, avec nos partenaires et Israël, aux pistes d’actions pertinentes contre le Hamas ». Avant de préciser : « la coalition internationale contre Daech ne se limite pas à des opérations sur le terrain, mais implique aussi des formations des forces irakiennes, le partage d’information entre partenaires, la lutte contre le financement du terrorisme ».

Relance de la « guerre contre le terrorisme » ou manœuvre diplomatique ratée ? Un peu des deux !

La veille, cette visite présidentielle était annoncée par dépêche AFP autour de plusieurs objectifs. D’abord, rappeler la solidarité de la France avec la politique de l’État d’Israël, au cas où la nouvelle des censures et interdictions de toute initiative en solidarité avec la population palestinienne n’aurait pas traversé la Méditerranée. Dans le même temps, comme l’avaient fait fuiter ses communicants, Macron comptait axer son discours sur un plaidoyer en faveur d’« une trêve humanitaire » qui « pourra mener à un cessez-le-feu », tout en demandant « l’arrêt de la colonisation » en Cisjordanie. Des éléments de langages qui « n’ont pas été prononcés par Emmanuel Macron lors de la déclaration commune » comme le note Le Monde.

En réalité, la déclaration surprise de Macron a été concoctée « en petit comité à l’Élysée, sans véritable préparation, au dernier moment ». Alors que de nombreux chefs d’État occidentaux se sont déjà rendus en Israël avant lui depuis le 7 octobre (Biden, Sunak, Meloni, Rutte, Scholz, Mitsotakis) et, malgré tous ses déboires internationaux, Macron a semble-t-il tenté un coup d’éclat médiatique pour tenter de se démarquer.

Pour autant, une telle déclaration est aussi révélatrice des logiques guerrières qui se discutent au sommet du pouvoir. Ainsi, en se plaçant dans les pas de George Bush et de sa guerre « des démocraties » contre le terrorisme quitte à convoquer l’imaginaire d’une coalition qui a effectué près de 35.000 frappes aériennes sur l’Irak et la Syrie depuis 2014, Macron rompt de facto avec la « ligne d’équilibre » dont les communiquant de Macron se targuent, répondant aux appels à un discours de soutien à Israël toujours plus fort et plus belliciste contre le Hamas.

Une rhétorique guerrière morte-née qui cherche à masquer l’impuissance et l’affaiblissement de l’impérialisme français

Pour autant, la rhétorique guerrière de Macron masque mal le fait que la France n’a pas les moyens de mettre en œuvre ses initiatives politiques, quand bien même elles seraient rabotées par l’Élysée et limitée à « la lutte contre le financement du terrorisme », à la « formation de troupes » ou au « partage du renseignement ».

D’abord, la France ne peut strictement rien faire sans l’appui des États-Unis. Or, si Biden a dépêché deux porte-avions afin de montrer les muscles face à toute velléité du Hezbollah de rentrer dans le conflit, l’idée de Macron ne correspond pas vraiment aux objectifs stratégiques des États-Unis. Loin de vouloir s’embourber dans un nouveau conflit au Moyen-Orient – qui les écarterait de leur principal objectif stratégique, la Chine et la zone Pacifique – ceux-ci cherchent à tout prix à circonscrire la guerre actuelle pour éviter un embrasement de la région.

De plus, comme le note sur X (ex-Twitter) Héloïse Fayet, chercheuse à l’Institut français des relations internationales (Ifri), le Conseil de sécurité des Nations Unies ne parait pas prêt à prendre une résolution contre le Hamas qui pourrait servir de base à l’action de la coalition internationale souhaitée par Emmanuel Macron. « Si les enjeux légaux de la Coalition politique (sans intervention militaire) sont moindres, il est peu probable que le Qatar ou l’Arabie saoudite (qui font partie de cette Coalition actuelle contre Daech) acceptent de voir un mandat étendu ou d’y participer », pointe la chercheuse. Les membres arabes de cette coalition (Qatar, Émirats Arabes Unis, Arabie Saoudite) qui voient leurs efforts de normalisation avec Israël profondément remis en cause, seront d’autant moins prompts à faire partie d’une telle coalition que les mobilisations populaires en leur sein ces derniers jours obligent les dirigeants à avancer prudemment et à dénoncer les bombardements israéliens sur Gaza.

En définitive, bien que la perspective d’une telle coalition anti-Hamas s’avère quasiment morte-née, ce couac diplomatique témoigne malgré tout de la volonté de Macron et son cercle à l’Élysée de développer un discours militariste toujours plus déchaîné pour tenter de répondre à l’affaiblissement de l’impérialisme français.


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