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Violences d'État

Témoignage de garde à vue : « On m’a accusé d’avoir incité à la rébellion parce que j’ai manifesté »

Arrêté pendant une manifestation spontanée le 13 avril à Strasbourg, Victor, 21 ans, a décidé de témoigner pour Révolution Permanente. Entre insultes, intimidations et risque de poursuites judiciaires, ce jeune travailleur raconte comment la police a cherché à le sanctionner pour avoir manifesté contre Macron et la réforme des retraites.

Le Poing Levé

9 mai 2023

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Témoignage de garde à vue : « On m'a accusé d'avoir incité à la rébellion parce que j'ai manifesté »

Crédits photo : Hubert2T

Ce témoignage a été recueilli dans le cadre de la campagne anti-répression mené par le collectif jeune de Révolution Permanente, Le Poing Levé. Pour y participer également, vous pouvez remplir ce formulaire.

Le Poing Levé : Bonjour, merci de nous accorder ton témoignage. Peux-tu commencer par te présenter ?

Victor :* Je m’appelle Victor et j’ai 21 ans. Je suis étudiant mais cette année je fais un service civique en EHPAD auprès de personnes atteintes de déficience visuelle. Je me considère comme plutôt militant car avant ce mouvement contre la réforme des retraites, j’avais déjà fait pas mal de manifs, et des blocus au lycée. Je fais partie du collectif Dernière rénovation, et je m’intéresse au collectif strasbourgeois On crèvera pas au boulot.

Le Poing Levé : Avant ton arrestation, tu avais déjà participé à des manifestations contre la réforme des retraites ?

Victor : Oui, j’ai participé au mouvement dès la première manifestation le 19 janvier, et je suis mobilisé plus largement contre le gouvernement.

Le Poing Levé : Peux-tu nous raconter comment s’est passée ton arrestation ?

Victor : Cela a eu lieu pendant la 12e journée de mobilisation appelée par l’intersyndicale, le jeudi 13 avril. Après la manifestation déclarée qui se terminait Place de La République, une manifestation spontanée a eu lieu. Comme la police avait bloqué toutes les rues au départ de la Place, nous sommes rapidement revenus sur nos pas.

A ce moment-là, la BAC était en train d’interpeller une jeune manifestante. Plusieurs personnes ont tenté de s’interposer, et les CRS ont lancé plusieurs grenades lacrymogènes pour disperser la foule. C’est là que j’ai aperçu ma copine se faire prendre à partie par huit d’entre eux. Face à cette scène, c’était impossible de rester passif, alors j’ai cherché à la rejoindre.

Les CRS ont directement été agressifs avec moi, me disant au départ de dégager avant de me demander d’ouvrir mon sac. Quand un ami à moi me rejoint, un policier particulièrement énervé m’attrape à l’épaule et utilise son talkie-walkie pour demander du « renfort » à ses collègues. Sur le coup, j’ai peur, je m’exécute et j’ouvre mon sac sans discuter pendant que le policier me balance : « t’en as pas marre de nous faire chier espèce de merdeux ». Directement, ils me mettent au sol et même si je suis très calme ils me passent les menottes. Quand on me relève, le CRS regarde ses collègues et leur donne la consigne nous concernant : ce sera une « interpellation pour jet de projectiles sur la police ». Je suis choqué quand j’entends ça car évidemment je n’ai jamais fait ça.

Le Poing Levé : Comment s’est passée la garde-à-vue ?

Victor : On a fait 47 heures de garde-à-vue avec mon ami. Les Officiers de police judiciaire (OPJ) n’avaient tellement rien contre nous qu’ils ont attendu beaucoup de temps pour espérer récolter des preuves. Mais nous, on sait qu’on n’a rien fait.

La garde-à-vue a été dure, car on a été auditionnée uniquement à la 45e heure alors qu’en principe on doit l’être pour chaque tranche de 24 heures. Les OPJ ont tenté de nous faire avouer des choses qu’on n’avait pas commises, en nous disant que d’autres personnes interpellées nous identifiaient comme ayant jeté des projectiles. On nous a expliqué ensuite qu’on était accusé d’avoir « incité à la rébellion », et qu’on aurait « participé à un attroupement avec armes ».

Le Poing Levé : Sais-tu si des charges sont retenues contre toi ?

Victor : Non, on m’a laissé sortir au bout de 47 heures sans rien m’expliquer. Apparemment, les OPJ auraient envoyé mon dossier à la préfecture pour qu’il décide de poursuivre ou de classer l’affaire. Moi je sais que je n’ai rien fait, donc je pars du principe qu’il n’y aura pas de poursuites, mais nous n’avons aucune nouvelle.

Le Poing Levé : Comment te sens-tu depuis cette arrestation ?

Ça m’a un peu traumatisé quand même. Je savais déjà qu’il y avait des abus, mais le vivre c’est difficile. La GAV, c’est tellement de temps où il n’y a rien, c’est 47 heures, c’est tellement d’injustice.

Il y a eu un rassemblement contre la réforme des retraites quelques jours après que je sois sorti de GAV et toute la journée j’avais peur d’y aller. Je voulais y aller mais j’avais peur. Mais je suis quand même retourné en manifestation. Je continue d’avoir peur mais je sais que c’est ça qu’ils attendent, et je n’ai pas envie de les laisser gagner alors je continue de me mobiliser.

*Le prénom a été modifié à la demande de l’intéressé


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