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Première rencontre antiguerre. "Faire du bruit contre leurs minutes de silence"

A l'appel de nombreux intellectuels et chercheurs, une réunion publique était appelée vendredi soir à la Bourse du Travail de Paris contre la guerre. La salle réservée pour l'occasion s'est révélée trop petite pour accueillir l'ensemble des participants, dont certains ont dû rester debout jusqu'à la fin de la discussion. Une salle comble donc, pour remettre au centre des débats cette guerre, trop invisible, que mène l’État français depuis bien longtemps, et pour recommencer à penser un mouvement anti-guerre, dès demain. Sarah Macna

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La France en guerre(s)

C’est Christine Delphy, sociologue et personnalité féministe radicale, qui a introduit la réunion. Revenant sur les événements qui ont fait suite aux attentats du 13 novembre, elle a rappelé ce que tout le discours martial officiel a cherché à faire oublier, s’appuyant sur le drame et le deuil ayant suivi les attentats : la France est en guerre, oui, mais pas depuis le 13 novembre. Daech a attaqué, oui, et nous pleurons nos morts, mais ce n’est pas Daech qui a commencé. La politique coloniale et son racisme sont inscrits dans le cœur même de l’Etat français, qui mène les guerres au Moyen Orient et ailleurs. Ce qui a changé, par contre, depuis le 13 novembre, ou plutôt ce qui s’est amplifié, c’est la course à la définition de « l’identité nationale » pour définir « ce que nous sommes » plutôt que de parler de « ce que nous faisons », de ce que notre Etat fait aux quatre coins de la planète.

Et alors que le gouvernement est allé à toute vitesse et n’a pris que trois heures pour déclarer la guerre et l’état d’urgence et trois jours pour le prolonger, c’est le mouvement social, c’est nous qui nous sommes tus. Un élément qui revenait dans de nombreuses interventions du débat qui s’est ouvert par la suite : la faiblesse de la réaction de la part des organisations du mouvement social et du mouvement ouvrier, même si un certain nombre d’interventions revenaient sur des expériences, ici ou là, de réactions, de recherches d’élaborations et de perspectives pour mettre un frein au discours va-t-en-guerre et sécuritaire.

La question de la guerre et de l’état d’urgence, dès l’introduction de Christine Delphy, a été discutée ce soir comme les deux revers d’une même médaille. Car il s’agit bien d’une guerre, à l’extérieur ou à l’intérieur de l’Hexagone, menée contre notre camp social : contre les peuples opprimés à travers le monde, contre les migrants, contre les musulmans ou assimilés comme tels, contre les lycéens qui ont refusé les minutes de silence, contre les militants, contre les syndicalistes de Goodyear qui se battent pour leurs emplois, pour maintenir un ordre bénéfique à quelques-uns. Cet état d’urgence est destiné à poser un couvercle sur toute contestation ou tout ce qui ne rentrerait pas dans le rang.


« Pour un collectif national qui fasse des petits »

La discussion a été animée par de nombreux débats et questions : comment caractériser cette guerre, quelles perspectives à plus long terme, quelles revendications à mettre en avant. La liste d’inscrits, trop longue pour le temps imparti par la Bourse du Travail, a regroupé des intervenants de divers horizons : militants associatifs, syndicalistes – notamment de l’Éducation Nationale frappés par les discours martiaux imposés dans les lieux d’études –, militants du NPA, de AL, d’Ensemble, du PCOF, de la CGA, militantes féministes – dont une intervention très applaudie d’une militante de Femme Égalité, venue dénoncer l’instrumentalisation des droits des femmes à des fins impérialistes –, militants étudiants, membres des Indignés, ou encore de nombreux individus venus témoigner de leur rejet de cette situation de guerre imposée. Mais dans chaque intervention revenait ce leitmotiv : on attendait cette initiative depuis longtemps, trop longtemps, dans un pays qui n’a que peu connu de mouvements contre les guerres menées par nos gouvernements ces dernières années. Les débats et/ou désaccords exprimés ne venaient que confirmer l’idée qu’il faut rouvrir la discussion sur les élaborations et moyens de luttes contre cette politique impérialiste et parvenir à une plateforme de revendications communes : contre la guerre, contre l’état d’urgence et contre le racisme.

L’appel a donc été lancé pour créer partout des « comités anti-guerre » sur les lieux de travail et d’étude, et pour se retrouver dans des échéances de rue, à commencer par la manifestation du 30 janvier contre l’état d’urgence, avec une banderole anti-guerre. Avec comme un vent soufflant des années 1960, à l’époque où fleurissaient les « comités Vietnam » et où intellectuels et chercheurs reprenaient la parole politique, pour mieux soutenir et se faire l’écho de la cause des exploités et opprimés de par le monde.


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