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Offensive autoritaire

Plainte pour « injure » : pourquoi le maire de Toulouse attaque Révolution Permanente ?

Le maire de Toulouse et de sa métropole souhaite déposer plainte contre Révolution Permanente. Une offensive contre le droit de dénoncer sa politique, mais aussi une tentative d’intimidation contre un adversaire politique local, qui a mené plusieurs batailles récentes contre les politiques de la mairie.

Erell Bleuen

22 juin 2023

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Plainte pour « injure » : pourquoi le maire de Toulouse attaque Révolution Permanente ?

Crédits photo : @mariam.et.al

Mercredi 21 juin, un article publié par La Dépêche révèle que la métropole de Toulouse et Jean-Luc Moudenc, maire de la ville ex-LR et soutien de Macron, ont demandé une « protection fonctionnelle » afin de déposer une plainte contre Révolution Permanente. Elle viserait un article publié le 29 mars qui qualifie de « gentrification raciste » la destruction de 971 logements dans le quartier de la Reynerie, imposé par la Métropole et le Conseil Départemental.

Sous couvert de « mixité sociale », ce projet de « rénovation urbaine » vise à détruire 971 logements pour en reconstruire le même nombre et faire du quartier de la Reynerie « the place to be ». Il prévoit du même coup la réduction du nombre de logements sociaux, la hausse des loyers, et propose de reloger sans dédommagement les habitants dans des agglomérations en dehors de la ville. Comme l’expliquait un habitant du quartier dont l’article relaie le témoignage, « les loyers qu’on propose aux habitants sont entre 100 et 300 euros plus chers ! Il y a des gens qui ne peuvent pas se le permettre ».

En somme, ce projet aux conséquences sociales dramatiques ne vise ni plus ni moins qu’à exclure les habitants de ces logements, pour la plupart des familles précaires issues de l’immigration. Une situation dénoncée par de nombreux habitants, collectifs et associations tels que l’Assemblée d’Habitants de la Reynerie, la LDH Toulouse ou le DAL 31 qui s’organisent depuis plusieurs mois pour empêcher la démolition du quartier. Mais le relai de leur combat par Révolution Permanente, et l’utilisation du terme de « gentrification raciste » n’a visiblement pas plu à la Métropole qui s’est dépêchée de justifier sa plainte, arguant qu’« il est pour le moins injurieux d’accuser une autorité, qui a initié dans le cadre de ses fonctions une opération de réhabilitation d’un quartier, de mettre en place un projet raciste ».

Le caractère raciste de ces politiques est pourtant souligné par de nombreux opposants au projet, mais aussi par celles et ceux qui ont étudié les processus de gentrification. A la Reynerie, une habitante membre de l’Assemblée du quartier de la Reynerie témoignait ainsi pour Ballast : « A la suite des attentats, il y a eu la volonté de disperser les habitants du quartier, considéré comme communautariste. Pour eux, la Reynerie était une bombe à retardement, qui fabriquait en masse de futurs petits terroristes. [...] Comme ils ne peuvent pas ouvertement parler de mixité ethnique, ils parlent de mixité sociale, un argument qui fait consensus au niveau politique ».

Une tentative d’intimidation contre ceux qui luttent contre les politiques anti-sociales de la Métropole

Mais il ne faut pas s’y tromper. Si elle constitue une atteinte au droit à critiquer la politique de Moudenc, et concerne à ce titre toutes celles et ceux qui mettent en cause ses attaques anti-sociales, la plainte à l’encontre de Révolution Permanente dépasse de loin l’article mis en cause. Elle vise en réalité à intimider une organisation et notre journal, parce que nous donnons la parole et combattons les politiques anti-sociales de la mairie et de la Métropole.

Ces dernières semaines, RP a par exemple soutenu les grévistes de Tisséo, qui luttent contre la casse de leurs salaires que veut imposer la direction de l’entreprise, dont le maire de la ville s’est déclaré « totalement solidaire ». A l’inverse de celui qui qualifie les grévistes de « preneurs d’otages », Révolution Permanente s’est tenu aux côtés des grévistes sur les piquets de grève, a visibiliser leur combat au jour le jour et a dénoncé les multiples menaces de la direction à leur encontre.

En parallèle, pendant le mois des Fiertés, RP a également dénoncé le pinkwashing dont se dore Jean-Luc Moudenc, qui décore chaque année la mairie aux couleurs du drapeau LGBT et organise la Marche des Fiertés avec la mairie. Une politique hypocrite de la part d’un maire opposé au mariage pour tous et qui, il y a quelques mois, a censuré un atelier animé par des drag-queens à la médiathèque sous pression de l’extrême-droite. Alberta, militante à Révolution Permanente, dénonçait lors de la marche des fiertés : « Moudenc, c’est celui qui sucre les subventions de toutes les associations qui luttent au quotidien pour un accès aux soins, c’est celui qui demande plus de police, c’est celui qui prenait récemment un café sur place du Capitole avec Eric Ciotti ».

Et alors que la mairie de Toulouse revendique le partage « des valeurs de liberté et de démocratie » avec Israël, Révolution Permanente s’est tenu à l’inverse aux côtés du Collectif Palestine Vaincra contre le jumelage entre Toulouse et Tel Aviv et a défendu le collectif face aux menaces de dissolution à son encontre. De la même manière, lorsque Salah Hamouri a été agressé par des organisations pro-israéliennes à Toulouse, RP a fait partie de ceux qui ont dénoncé l’attitude de Jean Luc Moudenc et les menaces qu’il a proféré à l’encontre de la CGT par la suite.

Jean-Luc Moudenc, partenaire de l’offensive autoritaire du gouvernement

En clair, la plainte du maire de la ville apparaît non seulement comme une atteinte au droit de porter une parole contestataire de sa politique, mais aussi comme une opportunité de s’attaquer à un adversaire politique local. Au-delà de l’opposition aux politiques de la mairie et à la Métropole, RP lutte au quotidien contre le gouvernement dont Moudenc est l’ami, par exemple dans le cadre de la lutte contre la réforme des retraites à Toulouse ces derniers mois.

Une attaque qui s’inscrit dans l’offensive autoritaire plus large déployée par le gouvernement, dont l’annonce de la dissolution des Soulèvements de la Terre, saluée par Moudenc, est le dernier exemple en date. D’ailleurs, après avoir été hué lors de la fête de la Musique ce mercredi par les manifestants contre la dissolution des Soulèvements de la Terre, il s’est empressé d’instrumentaliser l’affaire, dénonçant « une meute organisée de l’ultra-gauche » dans un communiqué publié le soir-même. Ce jeudi, lors du Conseil Métropolitain, il a ensuite fustigé « l’impunité » de « l’ultra-gauche » et a appelé à « prendre des mesures et des lois véritablement de nature à restaurer la pleine autorité de l’État »…

Un appel à renforcer l’appareil répressif de l’État qui pourrait préparer de nouvelles attaques contre les organisations politiques, syndicales et les collectifs opposés au gouvernement, à Toulouse et partout en France. A ce titre, Gérald Darmanin, s’est empressé mercredi de tweeter sa solidarité avec l’élu toulousain… Face au spectre de nouvelles attaques qui se profile derrière la plainte contre RP et la campagne que tente d’initier Moudenc, il va falloir opposer une réponse unitaire.

Contre l’offensive autoritaire du gouvernement dont Moudenc se fait le porte-voix à Toulouse, attaquant notre droit à exprimer une opinion politique et menaçant l’expression de toute parole contestataire, nous ferons front. Les menaces du maire de Toulouse et la campagne de criminalisation menée par le gouvernement à l’encontre les acteurs de la lutte ne nous feront pas taire !


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Erell Bleuen

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