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Répression

Marquer pour mieux réprimer : retour sur l’usage de produits de marquage codés à Sainte Soline

A Sainte-Soline en avril dernier, la manifestation contre le projet de méga-bassines a été l’occasion pour la police de ressortir, en dehors de tout cadre légal, une nouvelle technologie : les produits de marquage codés (PMC). Un outil au service de la criminalisation du droit de manifester et du fichage des opposants.

Flore Camille

12 juin 2023

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Marquer pour mieux réprimer : retour sur l'usage de produits de marquage codés à Sainte Soline

Crédit photo : Hubert2T / Pixabay

Le PMC, un produit de marquage des biens désormais utilisé pour marquer les manifestants

A Sainte-Soline, des premières interpellations sont intervenues à l’aide du dispositif de marquage codé. Clément, journaliste, et un militant écologiste ont été placés en garde à vue à la suite d’un contrôle de police, intervenu le lendemain du rassemblement de Sainte-Soline, qui a révélé la présence de PMC sur leurs mains. Tous deux effectueront 28 heures de garde à vue. A l’issue de ces gardes à vue, les dossiers ne seront pas classés sans suite et deux enquêtes seront ouvertes.

Le produit de marquage codé, bien que méconnu, n’est pas nouveau. Il a initialement été développé en 2011 pour lutter contre la contrefaçon, puis diversifié pour lutter contre les atteintes aux biens. Il s’agit d’un liquide contenant un ADN de synthèse, indétectable à l’œil nu, inodore et incolore. La présence d’un PMC ne peut être révélée qu’à l’aide d’une lampe ultraviolette qui laisse apparaître des tâches de couleur verte ou bleue. Une fois détecté, le PMC permet de relier un individu à un lieu ou à un événement à l’occasion duquel le PMC aura été utilisé. Le PMC prend généralement plusieurs formes : vernis, spray ou bille tirée par un lanceur de type airsoft/paintball, tel que le EMEK EMF 100 utilisé à Sainte-Soline.

Ce n’est pas la première fois que ce produit de marquage codé est utilisé par la police lors de mobilisations. Le produit de marquage codé avait déjà été testé lors des manifestations des Gilets jaunes, mais n’avait donné lieu à l’époque à aucune interpellation sur ce fondement. Dans un contexte de fortes contestations contre les attaques sociales, pour les salaires, contre les grands projets inutiles, ce n’est pas anodin que ce procédé ait été de nouveau utilisé par la police. L’infraction reprochée aux deux manifestants, sur la seule base de la présence de PMC, est la participation à un groupement en vue de la préparation de violences volontaires contre les personnes ou de destructions ou dégradation de biens. Ils encourent un an d’emprisonnement et 15.000 euros d’amende en application de l’article 222-14-2 du Code pénal.

Fichage et répression des opposants à la politique macronienne

Dépourvue de tout cadre légal, l’utilisation de PMC par la police lors de manifestations met en lumière le rôle de la répression pour l’État dans la séquence de mobilisation contre la réforme des retraites. Le PMC permet de marquer directement n’importe quel individu présent sur une zone, dans laquelle il aurait été projeté, ou indirectement par transfert d’autres individus qui seraient simplement entrés en contact avec un objet ou un individu marqué de la substance. Dès lors, le simple lien entre un individu et un événement peut justifier un placement en garde à vue.

Or, le placement en garde à vue a une utilité bien précise : terroriser et ficher. Les garde-à-vue ont aussi ce rôle de permettre à la police de se ménager des preuves visant à incriminer la personne gardée-à-vue, même quand elle n’en a aucune, voire incriminer la personne pour des délits qui peuvent se constituer en garde à vue (refus de transmettre le code de téléphone). C’est aussi l’occasion de procéder au fichage de cette personne (identité, prélèvement d’empreintes…) et d’obtenir des informations sur le réseau militant auquel elle pourrait appartenir.

L’utilisation d’un tel outil répressif est ainsi révélatrice de la volonté, à peine voilée, du gouvernement de poursuivre ses attaques contre le droit de manifester, en semant la peur dans l’esprit des manifestants pour les dissuader de se mobiliser. Cet événement s’inscrit d’ailleurs dans la logique des interpellations préventives qui ont désormais lieu de façon systématique à chaque manifestation, entraînant un nombre record de gardes à vue.

Il traduit la radicalisation d’un gouvernement qui n’a plus que la violence et l’emploi de techniques toujours plus répressives pour mettre à mal toute mobilisation. Cela est aussi révélateur de sa fragilité au sortir d’une mobilisation historique contre la réforme des retraites laquelle a rassemblé des milliers de personnes déterminées à ne pas voir reculer les conquis sociaux dans un contexte où Macron veut continuer à avancer sur ses réformes antisociales.

Face à la répression et un gouvernement qui se prépare aux affrontements à venir, nous devons organiser la riposte la plus large possible. Le Poing levé et le collectif d’action judiciaire mènent une campagne contre la répression, cherchant à recenser toutes les personnes arrêtées dans le cadre de la mobilisation, fournir une aide juridique, relayer les témoignages, et construire la solidarité la plus large possible en commençant par construire des rassemblements de solidarité avec les interpellés toutes les fois où cela sera nécessaire.

Lire aussi : Fichage des manifestants : un kit pour demander l’effacement des données !


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