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Analyse

Baisser les impôts des « classes moyennes » : une offensive contre les cotisations sociales ?

Emmanuel Macron a annoncé lundi vouloir baisser les impôts des « classes moyennes » de 2 milliards d’euros d’ici à 2027. En toile de fond se dessine en réalité une nouvelle offensive libérale d’ampleur contre le monde du travail.

Nathan Deas

18 mai 2023

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Baisser les impôts des « classes moyennes » : une offensive contre les cotisations sociales ?

Crédit photo : Adobe Stock

Lundi soir, Macron s’est invité sur TF1. L’occasion de continuer à « occuper le terrain » pour mettre en scène sa volonté de tourner la page des retraites, mais aussi d’évoquer de futures « baisses d’impôts ». Une « promesse » aux contours flous, le président de la République demandera « au gouvernement de faire des propositions » qu’il appliquera « quand la question de la trajectoire budgétaire le permettra », et qu’il souhaite à hauteur de « 2 milliards d’euros » d’ici à 2027.

Si le gouvernement reste évasif sur les modalités de ce geste en direction des « classes moyennes », nouvelle martingale de l’exécutif depuis quelques semaines, plusieurs leviers seraient à l’étude. Si dans un premier temps, c’est une baisse de l’impôt sur le revenu qui était présentée comme la plus probable, d’après Les Echos, la piste privilégiée, passerait par l’augmentation du plafond de la prime d’activité et la baisse des cotisations sociales.

« Selon nos informations, il voudrait avant tout lever toutes les barrières économiques qui découragent la mobilité des salariés pour ceux qui gagnent des rémunérations proches de 1,5 SMIC, et jusqu’à 2,5 SMIC : dans certains cas, la hausse de salaires qui atterrit dans la poche du travailleur est bien faible si l’on prend en compte la baisse de la prime d’activité qui en résulte, et dans d’autres cas c’est la hausse du coût du travail du fait de la dégressivité des baisses de cotisations sociales qui freine la mobilité. L’exécutif voudrait donc lisser les effets de seuils liés à la prime d’activité ou les mécanismes de baisses de charges » rapporte le journal patronal.

S’il se confirme, ce cocktail participerait, sous couvert de baisses « d’impôts », à une nouvelle offensive libérale. En s’attaquant aux cotisations, dans la droite lignée des exonérations patronales décidées pendant le premier quinquennat, le gouvernement cible le salaire différé, c’est à dire une richesse collective récupérée par les travailleurs dans des services accessibles à tous (la santé, les retraites, le chômage, etc). En outre, et la confusion entretenue par l’exécutif entre cotisation sociale et impôts est loin d’être anodine, la mesure participerait à fiscaliser toujours davantage la protection sociale, c’est-à-dire à faire disparaître toujours plus les cotisations sociales au profit de l’impôt (jusqu’à ce que l’Etat se désengage). Or, les logiques entre les deux sont très différentes. L’impôt est la redistribution d’un revenu géré par l’Etat, tandis que la cotisation est une partie du salaire socialisée.

Par ailleurs, ces annonces vont de pair avec une offensive contre les plus précaires que le gouvernement entend mener pour ses « cent jours d’apaisement ». En ajoutant un volet spécial impôt pour les « classes moyennes », le gouvernement veut convaincre des secteurs du monde du travail qu’ils ont intérêt à soutenir les futures attaques, notamment contre les chômeurs. Ainsi, le retour du discours sur les « charges sociales », éternelle rengaine libérale, participerait à la tentative d’individualisation du travail et à une vieille ritournelle idéologique de la bourgeoisie : faire croire aux travailleurs qu’ils sont volés par d’autres travailleurs qui ont cotisé moins et qui vont toucher une pension équivalente.

Enfin, il suffit de jeter un œil au Programme de stabilité 2023-2027, décidé en conseil des ministres le 26 avril dernier, pour comprendre que la campagne du gouvernement sur les « impôts » devrait paver la voie à une politique plus large de la rigueur. Celui-ci prévoit, tout en continuant les baisses d’impôt, en majorité au profit des entreprises, « d’accélérer le désendettement de la France ». Pour ce faire, le gouvernement entend réduire la dette publique de 115,6% du PIB à 108,3% et ramener le déficit public de 4,7% à 2,7% du PIB. Concrètement, il s’agira de mettre à la diète, les services publics pour préserver, notamment, les profits des entreprises.

Lire aussi : « En avoir pour mes impôts » : une pseudo « consultation » pour préparer l’austérité

Ainsi, comme le note Anne Laure Delatte, chercheuse en économie au CRS, dans un entretien avec Alternatives Economiques, les cadeaux du gouvernement se font surtout sur les impôts des entreprises. « Depuis 1979, les aides publiques ont crû de près de 3 points du PIB et ces 3 points ont été entièrement distribués aux entreprises. Il faut souligner que 3 % du PIB c’est énorme ! En 1979, les ménages recevaient 5 % du PIB en aides publiques. En 2021, c’est encore le cas mais les entreprises sont passées de 3,5 à 6,5 % du PIB. » explique-t-elle.

Face à ces futures attaques en préparation, les directions syndicales restent silencieuses et font tout pour renouer avec le « dialogue social ». Or, il y a urgence à discuter du bilan des derniers mois et des perspectives de luttes. Les nombreuses luttes sur les salaires ces dernières semaines montrent qu’une autre voie est possible : celle de la grève pour trouver une issue à l’inflation et à la vie chère.


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