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Economie

Austérité en Europe : une nouvelle cure pour une nouvelle crise

Alors que les annonces de restrictions budgétaires se multiplient, l’économie européenne se prépare à de nouvelles offensives austéritaires. Un plan déjà éprouvé lorsqu’il s’agit de faire payer la crise économique aux travailleurs et qui pourrait bien se retourner contre les gouvernements européens, comme lors de la crise des Subprimes.

Cathu Isnard

26 février

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Austérité en Europe : une nouvelle cure pour une nouvelle crise

Crédit photo : Wikimedia commons

L’économie européenne sort d’une année 2023 bien morose, et s’apprête à s’enfoncer un peu plus dans la crise. D’après les derniers chiffres d’Eurostat, le PIB de l’Union Européenne n’a augmenté que de 0,5 % en 2023. Surtout, les dernières prévisions ont revu la croissance anticipée à la baisse pour 2024, avec un taux de croissance qui ne devrait pas dépasser les 0,8 % pour l’Union Européenne. Ce rythme plus faible que prévu va dans le sens d’un ralentissement global de l’économie européenne. Face à la baisse des recettes fiscales induites par une baisse de la croissance, les gouvernements européens renforcent encore davantage leurs plans de réductions des budgets publics, quitte à entamer encore un peu plus les perspectives de croissance et dégrader davantage le niveau de vie des travailleurs.

Une pluie de mesures d’austérité dans le sillage du nouveau pacte de stabilité européen

En France, Bruno Le Maire vient d’annoncer l’économie de 10 nouveaux milliards d’euros supplémentaires, alors que 12 milliards d’euros d’économie sont déjà « à réaliser » par an à partir de 2025. Même son de cloche en Allemagne où la décision de la Cour Constitutionnelle de Karlsruhe de novembre dernier jugeant les dépenses placées hors budget illégales va amputer les dépenses publiques de 17 milliards d’euros en 2024. En Italie, l’ultra-libérale Giorgia Meloni a annoncé vouloir récolter plus de 20 milliards d’euros sur trois ans en procédant à des privatisations tout azimut notamment de la poste italienne (Poste Italiane) et de la compagnie des chemins de fer (Ferrovie dello Stato).Même l’Espagne, principal moteur de la croissance européenne en 2023, a prévu une réduction de son déficit public. Loin d’être homogènes, ces mesures marquent pour l’ensemble des pays européens la fin du « quoi qu’il en coûte » né du covid et prolongé lors de la guerre en Ukraine, et un retour progressif mais brutal vers l’austérité. A l’échelle de l’UE, ces coupes budgétaires devraient représenter 100 milliards d’euros en 2024 d’après la Confédération européenne des syndicats.

Les cordons de la bourse européenne se resserrent notamment sur fond du projet de réforme du pacte de stabilité européen adopté par le Parlement le 17 janvier dernier. L’objectif de cette réforme est bien de matérialiser le retour des budgets publics sur un chemin jugé souhaitable, après une trop longue période d’entorse aux critères de Maastricht (3 % de déficit public annuel et 60 % de dette publique, en pourcentage du PIB). Elle prévoit une normalisation des finances publiques en quatre ou sept années et consistant uniquement en des coupes budgétaires supplémentaires. La Belgique devra par exemple trouver 31 milliards d’euros d’ici à 2013, soit 7 % de son budget. L’Allemagne, pourtant bonne élève en matière d’austérité, va elle aussi devoir réduire ses dépenses drastiquement, avec une coupe allant de 5,8 milliards à 11 milliards d’euros selon le plan retenu. Alors que le revirement austéritaire était prévu de longue date, il s’est accéléré et a pris une nouvelle ampleur avec les dernières prévisions économiques.

Ce que va coûter la fin du quoi qu’il en coûte

Après plusieurs années de creusement des déficits publics pour faire face à la crise du Covid et à la guerre en Ukraine, les dettes publiques ont atteint des niveaux historiquement hauts en Europe. Alors que la croissance s’amenuise et que l’inflation ralentit trop pour continuer à amortir la dette, l’ampleur de l’endettement public apparait comme un danger aux yeux des marchés financiers et des gouvernements. Une situation d’autant plus critique que les principaux ressors habituels de la croissance se sont rouillés avec l’inflation. La consommation des ménages a été particulièrement touchée par la hausse des prix, tandis que le durcissement des conditions financières liés à la lutte contre l’inflation elle-même par la Banque Central Européenne (BCE) a mis un large coup d’arrêt aux investissements des entreprises.

Pour lutter contre la hausse des prix, la BCE a en effet progressivement, mais rapidement, relevé ses taux d’intérêts de – 0,5 % à 4 %. Si l’inflation redescend doucement sur fond notamment de résolution partielle des problèmes « d’offre » issus de la guerre en Ukraine ou du Covid, cette politique est à haut risque pour les gouvernements européens, qui voient le poids de leur dette publique s’envoler. Le taux d’intérêt pour les obligations (prêts) françaises à 10 ans est passé de 0 % en 2021 à 2,9 % aujourd’hui. Une large partie du budget étant allouée au remboursement voire au refinancement de la dette, et le solde budgétaire restant négatif pour la France, le poids des intérêts de la dette dans le budget va se faire de plus en plus important. D’après un article du Monde, les intérêts annuels versés par l’État français vont passer de 39 milliards d’euros en 2023 à 74 milliards d’euros en 2027, passant ainsi de 1,7 % à 2,6 % du PIB. Le poids de la dette vient entretenir un cercle vicieux, avec un remboursement qui creuse encore davantage le déficit public.

Face au nouveau ralentissement de l’économie annoncée, les gouvernements européens ont choisi le durcissement de leurs politiques d’austérité budgétaire pour préserver les déficits publics. Le risque d’un cercle vieux austéritaire trop connu des européens après la politique néolibérale menée par la Troïka (Commission Européenne – FMI – BCE) entre 2011 et 2013, pourrait revenir au premier plan, mais les dirigeants européens ont décidé de le prendre pour poursuivre leur politique néolibérale. L’ensemble de ces coupes budgétaires vont se matérialiser très concrètement dans la vie des travailleurs et des classes populaires. Sous couvert de lutte contre la dette publique, la hausse des taxes sur l’électricité en février ou encore le doublement du reste à charge sur les médicaments ne laissent aucun doute sur la façon dont le gouvernement français a prévu d’effectuer ses économies. Comme toujours, ce sont les aides publiques et services publics qui sont attaqués, visant à faire payer la crise aux travailleurs.


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