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Francafrique

Tchad. La junte militaire soutenue par Macron réprime des manifestations contre le pouvoir

Ce jeudi, les partis d’oppositions à la junte militaire ont appelé à des manifestations pour dénoncer le maintien au pouvoir du dictateur Mahamat Déby. Des mobilisations réprimées dans le sang, dont le bilan de 50 morts et de 300 blessés pourrait être bien plus lourd.

Yann Tocaben

21 octobre 2022

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Crédits photo : AFP

Ce jeudi 20 octobre, les partis d’opposition à la junte militaire ont appelé la population à descendre dans la rue pour dénoncer le maintien au pouvoir, pour une période de « transition » de deux ans, de Mahamat Déby – fils du dictateur Idriss Déby décédé en avril 2021.

Les manifestations ont commencé dans la matinée à N’Djaména, Moundou, Abéché Bongor et Koumra, où des barricades ont été montées pour marquer la colère des tchadiens contre la continuation de la « transition », autrement dit le report des élections. Réprimées dans le sang, à coup de gaz lacrymogène et de tirs à balles réelles, le premier bilan morbide des manifestations est estimé à au moins 50 morts et plus de 300 blessés. Mais selon Abdoulaye Diarra spécialiste de l’Afrique centrale à Amnesty International interrogé par Libération, « Le nombre de morts est beaucoup plus important que celui annoncé par les autorités ».

Suite au bain de sang d’hier, le nouveau premier ministre Saleh Kebzabo a répondu par l’instauration d’un couvre-feu de 18 heures à 6 heures. Il a annoncé, par la même occasion, [la « suspension de toute activité » d’importants groupes de l’opposition et a promis qu’il « fera régner l’ordre sur l’ensemble du territoire et ne tolérera plus aucune dérive d’où qu’elles viennent ».

le Tchad : une position stratégique pour l’impérialisme français

Pour comprendre ce qu’il se déroule au Tchad, il est nécessaire de revenir en arrière. En 2021, le dictateur – et pantin de Paris - Idriss Déby Itno décédait pendant une opération militaire. Celui-ci, maintes fois « élu » en 1996, 2001, 2006, 2011, 2016 et 2021 était un grand allié de l’État français, ayant par exemple envoyé des troupes tchadiennes au Mali pendant l’opération Serval en 2013.

Le Tchad, depuis son indépendance, a toujours fait partie du pré-carré français et du système « Françafrique » (terme résumant les relations néocoloniales entre l’État Français et ses « alliés Africains »). Porte d’entrée sur le Sahel, le pays compte pour l’impérialisme français car il lui confère une position stratégique importante. D’autant plus qu’il regorge de ressources naturelles comme les métaux précieux (or, argent), des minerais métalliques (cuivre, plomb, aluminium), des matériaux de construction (graphite, talc, diatomites...) et exporte 90% de son pétrole vers la France. Ses ressources, ses richesses sont exploitées entre autres par des entreprises françaises comme Total, Vinci, Bolloré et leurs filiales.

Entre visées militaires et néocolonialisme, les intérêts de l’impérialisme français au Tchad sont clairs, et expliquent pourquoi la France a soutenu les dictateurs Habré, Déby et fils, garants de la stabilité propice à la rentabilité des capitaux investis. Ce d’autant plus que ces dernières années, ces intérêts sont mis à mal par la concurrence d’autres puissances comme la Russie, mais également par une défiance croissante de la population vis-à-vis de la présence française sur son sol. Un symptôme du déclin de l’impérialisme français en Afrique de L’Ouest, le Tchad ne faisant d’ailleurs pas exception.

A bas la Francafrique !

Dans ce contexte, à la mort de Idriss Déby Itno, l’État Français a soutenu l’arrivée au pouvoir de son fils Mahamat Idriss Deby Itno allant jusqu’à dépêcher Macron à sa cérémonie d’« intronisation » ou d’adoubement en avril 2021. Cette junte militaire était « censée » conduire une période de transition vers des élections démocratiques. Mais après la période initiale de 18 mois, Mahamat Idriss Deby Itno a préféré s’auto-reconduire le 10 octobre pour une nouvelle période de deux ans à la tête d’un « gouvernement d’union nationale » en nommant premier ministre Saleh Kebzabo, ancien opposant à la junte.

En grand défenseur de la stabilité de ses intérêts, il est probable que certaines des décisions politiques les plus importantes pour le pays comme celle-ci soient prises avec l’accord - explicite ou tacite - de l’État Français. Car si ce n’est pas le gouvernement français qui a directement réprimé les manifestations ce jeudi, ce sont bien intérêts de l’impérialisme français qui y sont protégés ; le rendant ainsi complice des exactions commises par les dictatures sanglantes qu’il contribuer à maintenir au pouvoir. Ainsi, il ne faut pas être dupes de la dénonciation fébrile de la répression par le quai d’Orsay, qui déclarait que « des violences sont survenues (...) au Tchad, avec notamment l’utilisation d’armes létales contre les manifestants, ce que la France condamne » et ajoutait pour se justifiait que l’État Français « ne joue aucun rôle dans ces événements, qui relèvent strictement de la politique intérieure du Tchad. Les fausses informations sur une prétendue implication de la France n’ont aucun fondement ».

Face à la dictature et au néocolonialisme, il est nécessaire de soutenir les travailleurs et les classes populaires tchadiens dans leur combat contre la junte militaire et contre l’Etat français et son franc CFA. Loin de toute négociation avec l’impérialisme français, le combat contre la dictature et pour une société au service des travailleurs et des classes populaires ne peut se faire que par la mobilisation et la grève.


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