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Jeunesse

Parcoursup : la publication des 1ers résultats plongent des milliers de lycéens dans l’angoisse

Jeudi soir, les résultats de Parcoursup sont tombés. Exception faite des « premiers de cordées », de très nombreux candidats se retrouvent pour l’instant sans aucune formation pour la rentrée prochaine. L’occasion de revenir sur les conséquences désastreuses de cette réforme.

Alexis Taïeb

2 juin 2023

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Parcoursup : la publication des 1ers résultats plongent des milliers de lycéens dans l'angoisse

Crédits photo : Force Ouvrière / 30052018LycéenscontreParcoursup09 / Flickr

Jeudi soir, les résultats de Parcoursup sont tombés. 917 000 candidats ont reçu le verdict de la plateforme, et entre refus catégorique et liste d’attente, nombreux sont ceux qui vont devoir patienter de longues semaines avant de connaitre leur futurs lieux d’études - exception faite des « premiers de cordées ». Dans le pire des scénarios, certains vont être laissés sur le carreau, comme des milliers de lycéens chaque année désormais.

Et l’on peut d’ores et déjà se préparer au défilé médiatique des membres du gouvernement pour défendre Parcoursup becs et ongles. Jeudi soir, la ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, Sylvie Retailleau, accourrait déjà sur le plateau de France Info pour expliquer qu’il « faut voir aujourd’hui Parcoursup comme une aide pour rentrer dans l’enseignement supérieur et dans la gestion des places ».

Une tentative vaine de défendre l’une des principales composantes de la politique du gouvernement à l’égard de la jeunesse, à savoir l’instauration de la sélection brutale dès l’entrée dans l’enseignement supérieur. Une mesure contre laquelle lycéens et étudiants continuent de se battre, comme ils l’ont fait ces derniers mois lors du mouvement des retraites.

Sélection, concurrence, stress… la machine Parcoursup en action

Crée en 2018, Parcoursup est réputé pour être une machine infernale dont il est extrêmement difficile de comprendre les rouages, et qui est devenu l’alpha et l’oméga de l’avenir des futurs étudiants. Et en l’occurrence, la fonction principale de ce système est d’avoir largement approfondi la sélection sociale.

En effet, avant de pouvoir être admissible dans une filière quelconque, les élèves sont triés selon de multiples critères de sélection dont l’articulation est, pour le moins que l’on puisse dire, floue. C’est ce sur quoi revient Leïla Frouillou, maîtresse de conférences en sociologie à l’université Paris-Nanterre dans un entretien récent au Monde : «  Capacités d’accueil, nombre de candidatures reçues… Ces critères varient souvent d’une année sur l’autre, mais aussi selon les commissions d’accès à l’enseignement supérieur. Les paramètres sont tellement nombreux qu’il n’est pas simple de se projeter dans ce qui va finalement nous être proposé ».

A cela, ajoute-elle, il faut mentionner que : « Il y a un vrai enjeu d’angoisse et de violence symbolique à donner à des élèves leur positionnement dans ces classements ». Pour les non-initiés, il faut savoir que les candidats peuvent suivre au jour le jour l’évolution de leur positionnement sur une liste d’attente, ce en compétition avec des centaines voir des milliers d’autres concurrents.

Dora, élève en classe de terminale au lycée Voltaire dans le 11ème arrondissement de Paris, fait partie de ces lycéens. Elle nous raconte : « Pour l’instant je suis en attente sur la majorité de mes vœux, et j’ai été refusé à deux d’entre eux. C’est stressant, d’autant plus que c’est infernal avec les listes d’attentes. Mais je m’y attendais, je savais que ça allait être comme ça mais cette angoisse est presque devenue "normal" pour moi et mes camarades. Je me dis que je dois attendre que ça passe ».

Dans un lycée à Bordeaux, Fekam, qui vient également de recevoir ses résultats, est animée par le même sentiment : « J’étais assez stressée. La manière dont les résultats nous sont communiqués, à cette période de l’année où l’on doit passer le bac, est très angoissant ». Et si Parcoursup a fait du stress un dénominateur commun pour les élèves, il participe aussi grandement à renforcer le caractère élitiste de certaines formations de l’enseignement supérieur, au détriment de d’autres considérées comme moins prestigieuses.

Hugues Bersini, professeur d’informatique et auteur du livre Algocratie. Allons-nous donnez le pouvoir aux algorithmes ? explique ainsi dans un entretien au Monde : « Parcoursup classe les filières en fonction de leur prestige, les étudiants selon leur dossier scolaire, puis couple les meilleures universités avec les meilleurs étudiants, qui sont donc favorisés, et dans le même temps, les inégalités sociales et scolaires initiales sont accentuées ».

En ce sens, une des nouveautés induite par l’algorithme est le classement des candidats y compris dans les filières non-sélectives. Une mesure que décrit Cédric Hugrée, chercheur en sociologie au CNRS et co-auteur du livre L’université qui vient comme « une multiplication par 7 » de la sélection : « Elle s’est différenciée sur le territoire, les filières en tension n’étant pas exactement les mêmes d’une académie à l’autre ».

Parcoursup, une composante de l’offensive globale de Macron contre la jeunesse

Si Parcoursup constitue l’une des pièces maitresses des réformes de l’enseignement supérieur introduite par Macron depuis son arrivée au pouvoir, elle n’est qu’une des composantes d’une offensive globale contre la jeunesse. Celui-ci n’a eu de cesse d’attaquer l’université, avec l’objectif de réduire toujours plus l’accession des enfants des classes populaires aux études supérieures et de rehausser le prestige des universités françaises à l’international, comme il l’a fait savoir lors de son discours aux présidents des universités de 2022 où il expliquait vouloir « répondre à la compétition internationale ».

Ainsi, en plus de Parcoursup, s’ajoutent au palmarès la loi Bienvenue en France, promulguée en 2018 et qui a augmenté les frais d’inscriptions pour les étudiants étrangers jusqu’à 2 770 euros en licence et 3 770 en master. Plus récemment encore, fier de l’instauration de Parcoursup et de ces résultats catastrophiques, le gouvernement a lancé la plateforme Mon Master, qui vise à reproduire l’algorithme de sélection des bacheliers pour les titulaires d’une licence et désireux de poursuivre leurs études en Master.

Et pour son nouveau quinquennat, Macron prépare de nouvelles attaques comme la réforme des lycées professionnels ou encore la généralisation du SNU - pour lequel le gouvernement réfléchissait même à y subordonner le passage du baccalauréat. Des attaques contre lesquelles il va falloir continuer à se battre, à l’image de la mobilisation inédite qu’a traversé les lycées et les universités ces derniers mois, pour réussir à imposer un autre avenir pour celui que Macron nous promet : un avenir sans sélection, sans chômage et sans précarité. Une perspective qui inclut l’abrogation de toutes les lois sélectives à l’université, à commencer par Parcoursup.


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