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Mouvement écologique

Palestine : l’apartheid israélien ne peut pas être « vert »

« Il n’y a pas de justice climatique en terre occupée » déclarait Greta Thunberg le 12 décembre. Une position qui lui a valu des critiques dans le mouvement écologiste et des attaques de la part des Etats impérialistes. Quel est le lien entre la lutte pour la justice climatique et la lutte pour la libération de la Palestine ?

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Palestine : l'apartheid israélien ne peut pas être « vert »

Crédit Photo : Alisdare Hickson Creative Commons

Nous traduisons un article sorti initialement sur Izquerdia Diaro.

« Pas de justice climatique en terre occupée » : c’est la réponse de Greta Thunberg et des activistes climatiques qui s’expriment contre le génocide et le nettoyage ethnique du peuple palestinien le 12 décembre lors d’une marche pour le climat à Amsterdam, après que Israël ait critiqué cette position comme « antisémite » et ait affirmé qu’il n’y a aucun lien entre la lutte contre le changement climatique et la « guerre contre le Hamas ». Cependant, depuis 20 ans, le gouvernement sioniste a également perpétré un écocide silencieux dans l’écosystème méditerranéen.

Le groupe allemand Fridays For Future a annoncé sur les réseaux sociaux qu’il se désolidariserait de toute déclaration ou action de la part de la fondatrice du mouvement international, Greta Thunberg, en raison de ses récentes déclarations en faveur d’un cessez-le-feu et de la fin du génocide du peuple palestinien, des actions qu’ils ont qualifiées d’« antisémites ».

Avant cela, le Ministère de l’Éducation d’Israël avait également annoncé qu’il retirerait de son programme éducatif le rôle de la militante dans le mouvement mouvement mondial pour le climat. Thunberg a consacré les dernières grèves pour le climat à dénoncer le génocide et le nettoyage ethnique du peuple palestinien, se liant à des manifestations massives dans le monde entier. Le 12 novembre dernier, lors d’un événement à Amsterdam, alors que la militante encourageait les membres de la communauté palestinienne à s’exprimer, un homme est monté sur scène et a tenté de lui arracher le microphone en disant que « c’est une manifestation climatique, pas politique », provoquant des huées générales. Après cela, d’autres militants l’ont chassé de la scène, et Greta elle-même a souligné que la lutte pour le climat est aussi politique.

Le débat a été mis sur le devant de la scène, bien que le gouvernement israélien eut aimé se positionner en leader lors des réunions pour le climat et a présenté le projet colonialiste comme un pays où les accords de l’Agenda 2030 sont respectés et qui prend au sérieux les engagements climatiques en adoptant des politiques « éco-friendly ». La réalité est que les gouvernements israéliens n’ont pas seulement montré leur visage génocidaire et d’expropriation, mais aussi leur implication dans l’écocide en territoire palestinien.

Israël dépend de pratiques agricoles et d’une utilisation de l’eau insoutenables qui reposent sur l’exploitation des terres et de l’eau de la population palestinienne. De plus, selon les données de la Banque mondiale, 97,7 % de la production électrique d’Israël provient de combustibles fossiles, et le pays a tenté d’exporter du gaz naturel et de l’électricité vers l’Europe.

Malgré cela, Israël a investi de nombreux moyens à l’échelle internationale pour cultiver une image de responsabilité climatique et écologique, sous le slogan populaire de « faire fleurir le désert ». Cependant, cette image repose sur un apartheid de l’eau et l’écocide silencieux de l’écosystème méditerranéen depuis plusieurs décennies.

Écocide dans un désert autrefois florissant

Avec la création de l’État d’Israël en 1948, a débuté un processus d’expulsion et de nettoyage ethnique de la population autochtone palestinienne, qui se poursuit jusqu’à nos jours et s’est intensifié avec les continuels assauts militaires et coloniaux dans les territoires palestiniens, à la fois à Gaza et en Cisjordanie, accompagnés de l’adoption de pratiques agro-industrielles et du remplacement de l’écosystème méditerranéen.

C’est ainsi que les arbres indigènes tels que les chênes, les caroubiers et les épineux, ainsi que les cultures d’oliviers, de figuiers et d’amandiers, ont été arrachés et remplacés par des pins européens. Étant une espèce étrangère à l’écosystème, tant en termes de ressources nécessaires à leur entretien que de prédation de la végétation et de la faune locale, ces pins ont entraîné une réduction de la biodiversité en raison de leurs feuilles acides qui entravent la croissance des plantes du sous-bois.

Selon le site du mouvement écologiste Extinction Rebellion, les organisations sionistes qui se proclament expertes en écologie ont utilisé ce nettoyage des terres autochtones pour les rendre plus « accueillantes » aux colons juifs européens et pour compliquer le retour des réfugiés palestiniens.

Ces arbres sont également plus sensibles au feu en raison de leurs résines. En effet, les incendies sont maintenant monnaie courante dans les zones où ils ont été plantés. Rien que cette année, Israël a été l’un des pays les plus touchés par les vagues de chaleur en Méditerranée, enregistrant jusqu’à 220 incendies de forêt et des températures atteignant jusqu’à 43 °C dans certaines villes. Selon le ministère de la Protection de l’Environnement israélien, entre 2012 et 2020, l’augmentation des températures a causé la mort de 363 Israéliens suite à des coups de chaleur.

Selon le site Visualising Palestine, tant le gouvernement israélien que les organisations de colons sionistes ont éliminé au moins 800 000 oliviers autochtones en Cisjordanie occupée depuis les années 60, certains âgés de plus d’un siècle. Depuis l’an 2000, jusqu’à 3 millions d’arbres fruitiers appartenant aux agriculteurs palestiniens ont été détruits. Ceux-ci représentent non seulement un symbole d’identité pour le peuple palestinien mais aussi une source vitale de revenus.

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Alors que la conservation des écosystèmes natifs est une recommandation générale à la fois du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) et de l’Organisation des Nations Unies, car considérée comme l’une des armes les plus puissantes pour atténuer les effets de la crise climatique, tant les colons que l’armée elle-même continuent de permettre la combustion et les bombardements illégaux des terres palestiniennes. De plus, l’installation des multiples « Murs de l’Apartheid » en Cisjordanie et à Gaza entrave le déplacement des animaux, entraînant une perte de biodiversité.

Comme si cela ne suffisait pas, Israël a également endommagé la terre et l’agriculture à Gaza. Selon les données du Réseau palestinien des ONG environnementales et des Amis de la Terre Palestine en 2019, l’armée israélienne empêche la population palestinienne d’utiliser 20 % des terres cultivables situées près du mur militarisé et attaque les terres agricoles de la bande de Gaza avec des pesticides dangereux. Rien qu’au cours de l’année 2014, Israël a largué 21 000 tonnes d’explosifs sur la bande de Gaza, causant des dommages importants au sol et réduisant la productivité agricole.

Ces formes d’appropriation de la terre et des écosystèmes natifs font partie des stratégies de l’État sioniste pour l’épuration ethnique, en plus de l’ethnocide et du génocide du peuple palestinien, où le « greenwashing » de la conservation de la nature est également utilisé. Sans oublier que les mêmes étendues de terres revendiquées par les autorités israéliennes comme des « zones vertes », sont transformées deux ou trois ans plus tard en colonies sionistes.

Un apartheid écologique

Israël s’est engagé à réduire de 25 % ses émissions de gaz à effet de serre de 2005 à 2030, grâce à un plan « vert » ambitieux, notamment dans les zones du plateau du Golan occupé et du désert du Negev. Cependant, ces projets portent l’expulsion et l’appropriation illégale des terres des agriculteurs autochtones, qu’ils soient Palestiniens ou Syriens Jawlani, confrontés à la confiscation de leurs terres pour faire place à des mégaprojets d’aplanissement des dunes et de plantation d’arbres non indigènes.

Par ailleurs, en Cisjordanie occupée, Israël a systématiquement volé les terres et l’eau des Palestiniens, contrôlant désormais plus de 60 % du territoire. Il a permis l’implantation illégale de plus de 650 000 colons qui accaparent toutes les ressources de la région, telles que la terre et l’eau. En effet, ces colons consomment six fois plus d’eau que les 2,9 millions de résidents palestiniens de Cisjordanie.

Pendant ce temps, dans la vallée du Jourdain, les agriculteurs et les habitants luttent pour s’adapter à la pénurie d’eau, tandis que les villes des colons bénéficient de jusqu’à trois fois plus d’eau, aussi bien pour la consommation quotidienne que pour les piscines, l’irrigation des pelouses, etc.

En raison de décennies de blocus dans la bande de Gaza, des bombardements constants, et de la mise hors service des centrales électriques, seulement 3 % de l’eau y est potable, ce qui entraîne une crise sanitaire inimaginable pour le peuple palestinien. Cette crise a été exacerbée par les récents bombardements à Gaza, l’armée israélienne ayant coupé tout accès à l’eau, obligeant désormais des millions d’habitants et de déplacés à survivre grâce à l’aide humanitaire et à ce qu’ils ont pu recueillir de la pluie.

Cette grave discrimination et expropriation a été qualifiée dans d’autres pays « d’apartheid climatique », particulièrement depuis l’émergence massive du mouvement de grèves pour le climat des jeunes, qui dénonce justement les doubles discours des gouvernements capitalistes cherchant à poursuivre l’extractivisme et l’utilisation des combustibles fossiles, tout en bénéficiant de la colonisation de terres indigènes, comme cela se produit depuis 75 ans en Palestine.

La Palestine est une question de justice climatique

« Il n’y a pas de justice climatique sur des terres occupées », a été la réponse de Greta Thunberg et de milliers de militants environnementaux face à la pression des gouvernements pour réduire au silence la solidarité avec le peuple palestinien et la demande de mettre fin à la colonisation des terres palestiniennes. C’est une réalité que la lutte contre la crise climatique englobe également la libération de la Palestine.

Non seulement des entreprises d’origine israélienne, telles que Mekorot, sont responsables de l’accaparement de l’eau à Gaza et en Cisjordanie, mais elles commencent également à vouloir intervenir dans des pays comme l’Argentine, pour s’approprier et dépouiller des provinces telles que Mendoza et Chubut, sapant la lutte pour la défense de l’eau depuis des années.

Mais aussi parce que la revendication de « justice climatique » englobe la fin du colonialisme et de l’impérialisme qui cherchent à s’approprier les ressources naturelles par le biais de l’expropriation et de l’extractivisme, qui aggravent la crise climatique.


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