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Tiers payant généralisé

Les médecins libéraux contre la dispense d’avancement des frais de soins... le Sénat suit !

Frédéric Apoyo et Camilla Ernst Le syndicat MG France, l'un des quatre syndicats des médecins libéraux, a appelé à la grève de mardi à samedi partout en France. Outre l'augmentation du tarif des consultations désirée par le syndicat, l'opposition à la généralisation du tiers payant d'ici 2017 a su cristalliser la colère des médecins libéraux.

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Mobilisation forte pour la défense des valeurs libérales
« Étatisation de la santé », « médecine administrée » sont des formules que MG France ne veut pas entendre. Farouchement opposés à la dispense d’avance des frais de consultation, les médecins libéraux ne sont pas prêts à accepter une remise en cause du caractère libéral de la profession, dont la loi Santé de Marisol Touraine se serait, selon eux, fixée l’objectif. « Concrètement, la généralisation du tiers payant signifie qu’on est obligé de vérifier les droits du patient [...] C’est du temps et de l’argent perdu » explique le Dr Jacques Battistoni, secrétaire général du syndicat MG France.
Les déclarations et mobilisations des médecins libéraux, s’inscrivent dans le cadre de la défense des valeurs du libéralisme médical : liberté d’installation, de prescription, liberté tarifaire, libre choix du médecin par le patient et réciproquement. La relation médecin-patient doit être envisagée dans le cadre d’un « colloque singulier », protégé de toute intervention des caisses d’assurance. Ainsi, la dénonciation de la privatisation du système de santé orchestrée par la Loi de Marisol Touraine, et la pseudo-préoccupation de l’intérêt des patients qui seront les grands perdants dans l’histoire, ne sont que des prétextes pour justifier la défense de leurs intérêts propres. À savoir, la lutte contre l’étatisation de la santé et la régulation des installations à travers les « contrats territoriaux de santé » administrés par les ARS (Agences Régionales de Santé). Ce à quoi il faut ajouter le refus d’une médecine administrée par la Haute Autorité de Santé, qui éditerait la liste des médicaments pertinents à prescrire en fonction de la situation, ou par l’Assurance maladie, qui, dans le cadre de l’application du Tiers payant généralisé, pourra suivre les pratiques des professionnels de santé à travers le « dossier médical partagé » et en évaluer ainsi l’efficience.
À l’heure où toute une frange de la population se tourne vers l’automédication faute de moyen, comme les étudiants par exemple, la recherche absolue de l’indépendance professionnelle des médecins, au détriment de la possibilité d’un accès à la santé facilité par la dispense d’avance de frais, a, semble-t-il, trouvé un écho favorable au sein des institutions étatiques …

Le Sénat adopte la loi Santé... mais supprime le tiers payant généralisé

Quand les revendications vont dans le sens d’une libéralisation débridée, force est de constater qu’elles sont entendues ! 195 sénateurs, essentiellement de droite, ont voté pour la version du texte réécrite par le Sénat, supprimant la généralisation du tiers payant, alors que des médecins libéraux manifestaient devant le bâtiment. 30 sénateurs ont voté contre, dont ceux du groupe Communiste, républicain et citoyen (CRC) tandis que les socialistes et les écologistes ont appelé à l’abstention. Une trahison de plus de la part des sénateurs socialistes et de leurs acolytes qui symbolise l’absence de volonté réelle des élus PS d’adopter des réformes un minimum « progressistes ».
Promesse de campagne de François Hollande, présentée par le gouvernement comme une réponse au renoncement aux soins pour raisons financières, la suppression de la généralisation du tiers payant n’offre donc aucune avancée aux classes les plus modestes.
Pour le syndicat MG France, particulièrement actif sur le front de la défense des intérêts particuliers des médecins libéraux, la mobilisation contre le tiers payant généralisé sert aussi de tribune politique. En effet, d’ici au 12 octobre, 120 000 médecins sont appelés à élire, par correspondance, ceux qui les représenteront au sein des unions régionales des professionnels de santé face aux autorités publiques, et ce pour les cinq prochaines années.

Quand la santé répond aux logiques du marché
La généralisation de la dispense d’avancement des frais de consultation était présentée comme un moyen de mettre un terme aux pratiques d’automédication, qui peuvent se révéler dangereuses. François Hollande en avait même fait une promesse de campagne. S’il n’est pas étonnant de voir la loi santé débarrassée du tiers payant généralisé, cette attaque s’inscrit dans une guerre plus large visant à détruire purement et simplement le service public de santé. À l’heure de l’austérité imposée, la loi Touraine en est l’application dans le domaine de la santé, et se traduit à l’échelle locale par le fameux plan Hirsch dans les hôpitaux parisiens.
Nouvelle étape du processus de privatisation de la santé entamé depuis de nombreuses années, l’application du Tiers payant généralisé, telle que prévue dans cette loi, permettra le transfert progressif des charges de la sécurité sociale vers des organismes complémentaires privés, regroupés au sein d’« organismes gestionnaires des régimes d’assurances maladies », en autorisant une variation des montants pris en charge par chacun des acteurs, quand il est devenu obligatoire pour une majorité de la population d’avoir une complémentaire santé avec la signature de l’ANI en 2013.
Le pouvoir des organismes privés ainsi renforcé, soignants et soignés en ressortiront perdants. En effet, la crainte d’un renforcement des stratégies économiques appliquées à la santé est réelle : pour le versant libéral par le paiement à la performance, le parcours de soins, l’évaluation de l’efficience des pratiques, la standardisation des soins et des protocoles... qui amènent à ne considérer la santé que sous l’angle des dépenses engendrées et des économies à réaliser.
S’il faut se battre, c’est bien contre cette loi Touraine, tout en défendant la généralisation du tiers payant à l’ensemble de la population, sans condition, afin de faciliter l’accès aux soins pour tous. Le financement des soins ne peut être placé entre les mains d’organismes privés, cherchant à réaliser des profits sur la santé des personnes, ni d’une sécurité sociale gérée par un Etat, qui ne compte que les économies qu’il peut réaliser sur les dépenses publiques. N’en déplaise aux revendications de liberté d’installation, c’est la collectivisation des médecins au sein de centres de santé de proximité, financés par une sécurité sociale indépendante, qui permettra d’instaurer un meilleur accès à la santé pour tous.


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