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Allemagne

Escalade militariste : Scholz appelle l’Europe à produire de « l’armement à grande échelle »

A l’occasion d’une visite dans la plus grande usine d’armement d’Allemagne, le chancelier a appelé à augmenter massivement la production d’armes à l’échelle européenne. Des annonces qui vont dans le sens d’une militarisation accélérée du pays et de l’UE depuis le début de la guerre en Ukraine.

Tristane Chalaise

16 février

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Escalade militariste : Scholz appelle l'Europe à produire de « l'armement à grande échelle »

Crédits photo : CC-BY-4.0 : © European Union 2023– Source : EP

Lundi dernier, le chancelier allemand Olaf Scholz et son ministre de la défense Boris Pistorius inauguraient la nouvelle unité de production de l’usine Rheinmetall d’Unterlüss (Basse-Saxe). Alors que le géant allemand de l’armement prévoit de multiplier sa production par dix d’ici 2025, Scholz a réaffirmé la volonté de son gouvernement d’augmenter massivement la production d’armes en Allemagne, mais aussi à l’échelle européenne, en se tournant vers une coopération industrielle « plus étroite » entre les 27 pour la « production d’armement à grande échelle ».

Scholz poursuit dans la concrétisation d’une « nouvelle ère » vers le militarisme

En acceptant, en février 2022, de livrer des armes « létales » dans une zone de conflit, le gouvernement de coalition allemand rompait officiellement avec une tradition politique vieille de plus de soixante-dix ans, marquant, selon les mots du chancelier, une « nouvelle ère » (Zeitenwende), où « rien ne serait plus comme avant ». En tant que « nation la plus peuplée, dotée de la plus grande puissance économique et située au centre du continent », l’armée allemande devait, selon le discours prononcé par Scholz devant les cadres de l’armée quelques mois plus tard, « devenir le pilier de la défense conventionnelle en Europe, la force armée la mieux équipée d’Europe », assumant « une responsabilité de premier plan pour la sécurité de notre continent. »

Dès le déclenchement de la guerre en Ukraine, 100 milliards d’euros de budget extraordinaire étaient ainsi accordés à la Bundeswehr (l’armée allemande) pour des investissements et pour le réarmement, tandis que l’Allemagne s’engageait à porter son budget militaire, qui représentait en 2021 1,53% du PIB, à 2% du PIB comme l’exige l’OTAN. Une promesse qui devrait être réalisée dès cette année en piochant, notamment, dans les fonds jusque-là destinés à limiter les effets de l’augmentation des prix de l’énergie sur les ménages et les entreprises.

Comme le pointe Le Monde, les grands industriels de l’armement sont les « grands gagnants » de ce « tournant historique ». En mars 2023, Rheinmetall, premier producteur allemand de munitions et producteur des chars Leopard, dont une centaine ont été envoyés en Ukraine, a officiellement rejoint le DAX, l’indice de référence de la Bourse de Francfort, après avoir vu sa cote en bourse bondir de plus de 120%. D’après Les Echos, l’Etat allemand aurait, l’an dernier, passé plus de 10 milliards d’euros de commandes auprès de Rheinmetall, dont le chiffre d’affaires devrait plus que doubler entre 2022 et 2026 (de 6,4 milliards d’euros à 13 ou 14 milliards d’euros). Une dynamique loin de s’essouffler, étant donné que les actions de Rheinmetall ont atteint de nouveaux sommet suite aux déclarations de Scholz, pour le plus grand bonheur des marchands de mort.

Alors que les investisseurs de la Bank of America craignaient que « l’environnement ne devienne un peu moins porteur » pour les industriels européens de l’armement, se demandant si « les gouvernements soutiendront la trajectoire budgétaire dont ils ont discuté pour le moyen long terme », les déclarations du chancelier allemand ont rassuré tout le monde. Les gouvernements européens ont bel et bien remis au « premier plan » les « questions de géopolitiques, de politiques de sécurité, de sécurité d’approvisionnement et de technologie de défense », comme le déclarait vendredi dernier Micael Johansson, le patron de Saab, la multinationale suédoise spécialisée dans la défense.

Von der Leyen s’associe à Scholz pour promouvoir la militarisation de l’Europe

Dans une interview accordée ce jeudi au Financial Times, Ursula Von der Leyen se joint à l’appel lancé par le chancelier de la première puissance économique du continent. Appelant l’UE a « subventionner l’industrie de la Défense », elle déclare que « nous devons dépenser plus, dépenser mieux, et dépenser européen », tout en renforçant la coopération et l’intégration militaire à l’échelle de l’Union.
 
Une politique dictée, selon la présidente de la Commission européenne, par la menace que représente la Russie, mais aussi par la crainte du désengagement des Etats-Unis, qui sont, de loin, les plus importants financeurs de la guerre, avec plus de 110 milliards de dollars dépensés, soit 60 % de l’argent destiné à l’Ukraine.
 
Une crainte alimentée par la possible réélection de Donald Trump, dans un contexte où le vote des crédits pour l’Ukraine est devenu l’enjeu d’un bras de fer à la Chambre et au Sénat entre Démocrates et Républicains, les députés Républicains majoritaire à la Chambre refusant de voter l’aide validée par le Sénat à majorité Démocrate.
 
De fait, l’accroissement des tensions géopolitiques et le retour de la guerre en Europe, mais aussi en Palestine, jouent comme un accélérateur des rivalités militaires entre grandes puissances. En plus d’un élargissement de l’OTAN à la Suède et à la Finlande, le déclenchement de la guerre en Ukraine a conduit à un réarmement général des puissances militaires et industrielles en Europe.
 
En 2023, le gouvernement du Royaume-Uni prévoyait de doubler son budget militaire pour atteindre les plus de 100 milliards d’euros d’ici la fin de la décennie, tandis qu’en Espagne, le gouvernement du PSOE et d’Unidas Podemos décidait d’une augmentation de 26% de ses dépenses militaires. En France, Emmanuel Macron a annoncé une augmentation de plus de 35% des dépenses militaires pour atteindre un total de 400 milliards d’euros entre 2024 et 2030, tandis que la Pologne annonçait augmenter le budget de la défense à 4 % du PIB !

Qui prépare la guerre sème la misère : non au réarmement de l’Europe !

Autant de choix politiques qui, loin de mettre fin à la guerre, ne peuvent que renforcer les tensions, d’autant plus dans un contexte de guerre, d’inflation et de crise économique. Comme le pointaient dès février 2022 les militant-e-s de l’Organisation Révolutionnaire Internationale (RIO), organisation sœur de Révolution Permanente en Allemagne, « la spirale de l’armement ne profite qu’aux groupes d’armement allemands comme Rheinmetall, qui envoient également des armes dans d’autres régions en guerre et contribuent à y alimenter les conflits armés. »

De fait, l’augmentation des budgets de l’armée dans les pays européens s’accompagne de politiques austéritaires qui touchent en premier lieu les plus précaires, déjà fragilisés par l’inflation. Tout en promettant de trouver 50 milliards d’euros pour l’armée, le gouvernement d’Olaf Scholz annonce de grosses coupes budgétaires pour 2024. En France, le doublement des dépenses consacrées à la Défense s’accompagne d’attaques brutales, visant notamment les budgets consacrés au logement et à la santé, dont le doublement des franchises médicales est la dernière illustration.

L’agression de Poutine contre le peuple ukrainien et le retour de la guerre en Palestine ne doivent ainsi pas faire oublier que le réarmement massif n’est en rien en symbole de paix, et que la course aux armements n’a jamais débouché sur autre chose que des profits pour les industriels et la désolation pour les populations. D’autant plus que les gouvernements occidentaux invoquent la nécessité de se défendre d’un ennemi extérieur, alors même qu’ils sont les premiers à financer des guerres aux quatre coins du globe pour défendre leurs intérêts économiques. La paix ne peut être conquise que par une lutte résolue des peuples, par la mobilisation du mouvement ouvrier, en Russie, en Ukraine, et dans les pays d’Europe de l’Ouest pour stopper cette course à la militarisation !


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