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Témoignage

Education nationale. « Si j’étais plus jeune ou moins endetté, je présenterais surement ma démission »

Révolution permanente lance une campagne de témoignages des travailleurs de l’Éducation qui, depuis la rentrée, subissent la mise en application des réformes Blanquer.

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Ce passage en force des réformes néolibérales n’a d’autres conséquences que la casse accélérée de l’Education Nationale. Face au manque de moyens, à la dégradation de leur quotidien, aux suicides des collègues comme celui de Christine Renon et maintenant au projet de reforme des retraites, nombreux sont ceux qui choisissent de démissionner. La hausse des démissions sur les 5 dernières années est totalement alarmante, particulièrement chez les enseignants-stagiaires qui choisissent de quitter l’Education Nationale avant la fin de leur première année sur le terrain. Ils sont, en 2017-2018, six fois plus nombreux qu’en 2012-2013 à avoir démissionné. Nous avons recueilli le témoignage d’un enseignant de mathématique en lycée exerçant depuis plus de 30 ans.

C’est avec beaucoup de sympathie que j’ai lu le témoignage de ma collègue publié sur votre site. Enseignant moi-même depuis plus de 30 ans, je dois dire que je me reconnais tout à fait dans dans ce témoignage, que j’aimerais compléter de ma propre analyse.

Tout d’abord, l’injonction au tout numérique a causé d’énormes dégâts. Il est en effet impossible d’y répondre sans matériel et sans formation. Or, l’un comme l’autre sont superbement ignorés. Dans mon établissement d’exercice, personne n’a reçu de formation aux nouveaux outils - il y aurait par ailleurs beaucoup à dire sur les "formations" de l’Education nationale… Quant au matériel mis à notre disposition, il est particulièrement obsolète. Un seul exemple : comment simplement compléter ses cahiers de textes et d’appels électroniques - Pronote - alors que nous n’avons dans nos salles ni ordinateurs, ni liaison internet ? Seule solution : s’acheter ce matériel sur ses deniers personnels, et effectuer ces tâches à la maison au quotidien. Pour les profs de maths, dont je suis, les charges de travail se sont encore décuplées avec l’obligation d’utiliser des logiciels de géométrie dynamiques, des tableurs, des logiciels de calcul formel, d’algorithmique ou de programmation ... Sans même évoquer les nouveaux modèles de calculatrices, toujours plus nombreux et complexes à maîtriser.

Je souscris également tout à fait à l’estimation selon laquelle 50% du temps de travail représente des tâches extra-scolaires et qui ne sont pas celles d’un enseignant. Il nous est en effet désormais demandé d’assurer des rôles d’auxiliaire de vie scolaire, d’agent d’entretien, de psychologue, de conseiller d’orientation, de tuteur... L’une des conditions des plus pénible de notre métier est également de réussir à comprendre l’exacte nature des attendus. Il n’y a qu’à tenter en effet de comprendre le jargon dans lequel sont rédigés les B.O. (Bulletins Officiels) qui nous servent de bible pour les programmes… Evidemment, ceci réduit à la portion congrue le temps d’enseignement, en dépit de l’augmentation délirante des contenus des nouveaux programmes des lycées.

La schizophrénie est alors patente lorsque l’enseignant réalise qu’il est seul à avoir un intérêt - d’ailleurs purement moral - à apprendre quelque chose à ses élèves. Tous les autres acteurs : inspecteurs, chefs d’établissements, parents, élèves, n’ayant qu’une attente : de bonnes notes ! Il est à ce point entendu que la charge de cette "réussite" incombe à l’enseignant, qu’il est maintenant seul à redouter comme de passer au tribunal les rencontres avec les parents d’élèves ou les conseils de classe qu’ils président.

J’ai fait ce métier par choix et jadis, il m’a apporté de nombreuses satisfactions. Il m’est douloureux d’admettre que si j’étais aujourd’hui plus jeune ou simplement moins endetté, je présenterais probablement ma démission.


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