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Guerre

Deux ans après le début de la guerre en Ukraine, l’UE accélère son escalade militariste

Deux ans après le début de la guerre, l’accumulation des difficultés sur le front militaire ukrainien et la remise en question par Trump du principe de protection mutuelle au sein de l’OTAN ont ouvert une importante crise au sein de l’UE. Une situation qui exacerbe les tendances à la surenchère militariste.

Damien Bernard

23 février

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Deux ans après le début de la guerre en Ukraine, l'UE accélère son escalade militariste

Crédits photo : Wikimedia Commons

À deux ans de la guerre en Ukraine, les éditoriaux et articles d’opinion n’y vont pas par quatre chemins. « Réarmer l’Europe pour gagner la longue guerre d’Ukraine » exhorte la revue géopolitique Le Grand Continent. « L’Europe doit se réarmer » insiste Philippe Legrain, conseiller économique de l’ancien président de la Commission européenne José Manuel Barroso dans une tribune publiée dans le journal suisse Le Temps.

Ces appels au réarmement de l’Europe ne sont pas nouveaux et s’inscrivent dans une escalade militariste enclenchée depuis le début de la guerre en Ukraine. Quelques jours seulement après l’invasion russe, l’Allemagne opérait ainsi un réajustement général de sa politique étrangère et de sécurité comme le pointait notamment Juan Chingo. En 2021, tandis que l’Allemagne consacrait près de 1,3 % de son PIB à ses forces armées, le chancelier Olaf Scholz s’engageait à allouer 100 milliards d’euros supplémentaires en 2022 pour atteindre, et dépasser, le seuil de 2 % du PIB en dépenses de défense, répondant ainsi aux exigences de l’OTAN. Cette dynamique a été suivie de manière disparate par les membres de l’Union européenne, avec seulement 11 pays sur 31 ayant atteint en 2023 le seuil des 2 % du PIB en termes de budget alloué à la défense. Au total, le budget de défense cumulé des États membres atteint près de 236 milliards d’euros en 2022, soit 11 % d’augmentation par rapport à l’année précédente.

Après deux années de guerre, de l’eau a coulé sous les ponts. Si dans un premier temps, l’OTAN avait retrouvé sa cohésion interne sous l’impulsion des États-Unis, ce qui s’était traduit par quelques succès de l’armée ukrainienne à Kharkiv ou à Kherson, la phase actuelle est marquée par l’échec de la contre-offensive ukrainienne, et plus récemment par la défaite militaire et politique à Avdiivka. Si la Russie n’a toujours pas renversé le rapport de forces, un certain nombre de doutes et le pessimisme s’installent au sein des alliés de l’Ukraine. Ces derniers mois ont ainsi été marqués par les incertitudes liées aux élections étasuniennes et à la continuité de « l’aide » militaire et financière occidentale, notamment de la part des États-Unis où un paquet d’aide de 60 milliards de dollars est bloqué par les Républicains. Des incertitudes qui s’expriment par les difficultés croissantes de l’Ukraine à obtenir des munitions et de la pénurie d’obus d’artillerie et d’armement. C’est dans ce contexte particulier que Donald Trump a raconté que lorsqu’il était à la Maison Blanche, il avait rétorqué à un responsable européen qu’en cas d’agression russe, les États-Unis n’interviendraient pas : « Non, je ne vous protégerai pas. En fait, je les encouragerai à vous faire ce qu’ils veulent. Vous devez payer vos dettes ».

Cette sortie de Donald Trump, potentiel successeur de Joe Biden à la présidence des États-Unis, a ouvert une importante crise au sein de l’Union Européenne dont les répercussions ont été immédiates. Ce jeudi 15 février, les ministres de la Défense des 31 pays de l’OTAN se sont réunis à Bruxelles, et ont renouvelé leur engagement aux côtés de Kiev. Mais la principale leçon, c’est que de nombreux pays européens ont décidé d’augmenter drastiquement leurs budgets accordés aux dépenses militaires. Un nombre record de pays (18 pays sur 31) atteindront en 2024 l’objectif de 2 % du PIB en dépenses militaires. « Au niveau de l’UE, cela signifie que 140 milliards d’euros vont s’ajouter aux 200 à 230 milliards d’euros actuels de dépenses militaires par an soit autour de 350 milliards » comme le pointe l’article de Libération Une escalade qui montre qu’en prévision d’un éventuel désengagement des États-Unis, les pays de l’UE accélèrent leur surenchère militariste.

Dans ce cadre, diverses voix s’expriment sur la stratégie militaire à prendre en termes de défense européenne. D’un côté, la France soutient que l’Europe devrait rechercher l’autonomie stratégique vis-à-vis des États-Unis au travers la construction d’une défense européenne. C’est ce que défend notamment Jean Quatremer : « L’UE, faute d’une intégration militaire et d’une base industrielle de défense coordonnée, va donc dépenser beaucoup plus pour un surcroît d’efficacité discutable. Les Européens n’ont en réalité pas d’autres choix que de bâtir rapidement une défense européenne indépendante de l’Otan, exactement comme le réclame la France depuis plus de trente ans ». Contre cette vision, le journal The Economist défend la nécessité de « se concentrer sur l’OTAN ». Avant d’ajouter : « le renforcement du rôle européen au sein de l’OTAN est logique, car les structures militaires nécessaires existent déjà ». Et de conclure : « Augmenter le poids de l’Europe au sein de l’OTAN a l’avantage de montrer qu’elle est prête à faire plus, dans l’espoir que l’Amérique reste, tout en se préparant au cas où l’Amérique se retirerait ». Une synthèse entre l’UE et l’OTAN que certains analystes anglophones nomment « Euro-NATO ».

Indépendamment de ces scénarios, ce qui semble certain c’est qu’il n’y aura pas de retour en arrière et que le continent européen est entré dans une spirale de militarisation. Quelle que soit l’issue de la guerre en Ukraine, l’Europe redeviendra une région hautement militarisée et dangereuse où des conflits de haute intensité pourraient éclater. Une escalade militariste qui sonne un nouvel avertissement pour la classe ouvrière et tous les secteurs opprimés du continent.


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