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Répression

« Un policier m’a étranglée et traînée au sol » : Claudia, gréviste de Vertbaudet, témoigne

La répression s'intensifie contre les grévistes de Vertbaudet, en lutte depuis 2 mois pour les salaires. Claudia, emballeuse de colis, a été étranglée par un policier et a fini aux urgences. Malgré la répression, elle témoigne et raconte sa détermination pour gagner.

Lisa Mage

18 mai 2023

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« Un policier m'a étranglée et traînée au sol » : Claudia, gréviste de Vertbaudet, témoigne

Révolution Permanente (RP) : Peux-tu nous raconter le contexte précédent cette journée du mardi 16 mai, jour où tu as été agressé par un policier ?

« Si pendant les premières semaines de la grève, nous n’avons pas eu à affronter ce genre de violence, mais dès que nous avons commencé à durcir le mouvement, avec notamment des actions de blocages total de l’entrepôt, la police a elle aussi commencé à durcir les méthodes employées pour nous virer du piquet. Il y a eu une augmentation de la violence de la répression. Mais à vrai dire, je ne comprends pas cette violence, on est majoritairement des femmes avec une moyenne d’âge entre 40 et 50 ans, sans compter les collègues qui sont déjà grand-mères. On est pacifique, on est juste là pour tenir notre piquet, personne ne s’attendait à ce que les choses prennent une ampleur pareille. »

RP : Est ce que tu peux nous expliquer plus précisément l’agression que tu as subie ?

« Je suis arrivé mardi matin vers 7 heure et demi et dès ce moment-là, on a vu passer une, puis deux, puis trois, puis quatre camionnettes. Sur le coup, ça ne nous a pas étonné, on s’est dit que c’était comme d’habitude, on commence à être rodé. Mais quand ils sont sortis de leur camionnette et qu’ils ont commencé à nous encercler, la peur est montée d’un cran, certains collègues sont partis. Il y avait la BAC, des CRS et la police. Moi, je suis restée, j’avais des affaires à récupérer et il y avait du matériel à démonter et je ne voulais pas que la police le saisisse.

On rangeait donc le matériel avec plusieurs de mes collègues de manière totalement pacifique, mais d’un coup, sans que l’on comprenne pourquoi, les policiers ont commencé à se montrer de plus en plus agressif et violent, et ont poussé mes collègues. Je n’avais même pas eu le temps de m’éloigner que l’un d’eux à commencer à m’étrangler en me faisant une clef de bras.

Il m’a ainsi traînée sur près de 90 mètres comme une poupée, mes pieds ne touchaient quasiment plus le sol et je leur criais que je n’arrivais plus à respirer et qu’ils me faisaient mal. Le policier ne s’est pas arrêté et il a même commencé à me donner des coups de coude dans le dos. Ça m’a paru durer une éternité, j’étais étranglée et j’avais le bras complètement retourné, il touchait ma nuque. Par moment je ne touchais même plus le sol, en sachant que je fais un mètre soixante pour à peine 48 kilo et qu’en plus de ça je suis en rémission d’un cancer, je n’ai pas compris ce déferlement de violence. Dès que j’essayais de relever la tête pour respirer, il resserrait l’étranglement aussitôt. »

RP : Que s’est t’il passé après cette agression ?

« Une fois que je suis retournée auprès de mes collègues, j’ai fait une crise d’angoisse je crois, c’était la première fois que je faisais une crise de ce type. J’ai dû enlever mon écharpe et mes couches de vêtements, je me sentais oppressée, je n’arrivais plus à respirer. Mes collègues m’ont alors poussé à aller aux urgences, au début je ne voulais pas, mais une heure est passée et j’avais de plus en plus mal, j’ai donc fini par accepter que mes collègues m’emmènent à l’hôpital.

Je suis arrivée aux urgences vers 11 heures, on m’a fait une radio du corps complet et les médecins m’ont même interdit d’aller aux toilettes car je devais être immobilisée sur le champ. Les médecins m’ont dit que je devais porter une minerve et ils m’ont fait d’autres scanners pour approfondir le diagnostic. J’étais inquiète, je me demandais ce qu’il m’avait fait, j’attendais immobile sur le lit qu’on vienne m’expliquer ce qui m’arrive. La je suis sous traitement d’opium pour soulager la douleur car les suites de mon cancer m’empêche de recevoir certains traitements médicaux.

J’avoue que moralement, ça m’a mis un coup, j’étais inquiète, je me demandais jusqu’où ils allaient aller pour nous empêcher de nous mobiliser. Après deux arrestations arbitraires de soutiens à la grève, voilà que la police s’en prend directement à des femmes affaiblies physiquement. Tout le monde nous dit qu’on est des guerrières, mais arrive un moment où le corps n’est plus, le mental ne suffit pas, je n’arrive plus à dormir, je suis épuisée. Les médecins m’ont dit qu’il fallait que je surveille assidûment l’évolution de mes douleurs au dos car des complications ne sont pas à exclure »

RP : Quel est ton état d’esprit vis à vis de la suite du conflit ?

« Dès le lendemain, je suis venue sur le piquet de grève pour montrer aux collègues que j’était toujours là, qu’ils avaient beau m’avoir atteint physiquement, ils ne diminuaient pas ma détermination et mon envie de gagner sur nos revendications. Je voulais leur montrer que personne ne baissait les bras, que la lutte continuait. Le policier qui m’a agressé la veille était encore présent sur le piquet et à chaque fois qu’il me voyait il rigolait.

À un moment, on discutait avec mes collègues, le policier était à environ 5 mètres de moi, il s’est alors rapproché, cherchant clairement à me provoquer, il voulait que je lui donne une raison de réitérer cette violence. Je pense qu’il voulait m’intimider, mais ça ne fonctionne pas, je ne me laisserai pas faire. Je vais déposer plainte contre ce policier, j’attend mon rendez-vous de médecine légale, obligatoire pour engager ce genre de poursuite, mais je ne lâcherai pas l’affaire.

J’ai eu cinq jours d’ITT, mais le préjudice moral que j’ai subi est bien plus important. Je ne comprends pas pourquoi un tel niveau de violence a été déployé contre des grévistes qui n’avaient absolument rien de violent ou d’agressif. Moi tout ce que je veux c’est une augmentation de salaire, je ne veux pas de primes ou quoi que ce soit, je veux simplement obtenir nos revendications salariales et on l’aura cette augmentation ! »


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