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Grève de sans-papiers

Premier pas vers la régularisation : la quasi-totalité des 600 grévistes sans-papiers obtiennent un CERFA !

Mardi 17 octobre, plus de 600 travailleurs sans-papiers ont déclenché une grève coordonnée dans plus d’une trentaine d’entreprises. 72 heures plus tard, la quasi-totalité des travailleurs ont obtenu leur CERFA. Une première victoire contre le patronat pour les grévistes qui vont devoir maintenant se battre contre la préfecture.

Alexis Taïeb

21 octobre 2023

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Premier pas vers la régularisation : la quasi-totalité des 600 grévistes sans-papiers obtiennent un CERFA !

Crédits photo : O Phil des contrastes. Cortège de travailleurs sans-papiers à la manifestation contre la loi immigration en février 2023

Après plusieurs mois de préparation avec la CGT, mardi dernier plus de 600 travailleurs sans papiers d’une trentaine d’entreprises, majoritairement intérimaires dans le bâtiment, la logistique, le traitement de déchets, le nettoyage ou encore la distribution à Onet, Fedex, Carrefour, Franprix ou encore Véolia, ont déclenché une grève coordonnée sur 33 sites, afin d’exiger la délivrance de CERFA de la part de leur employeur. Un document absolument nécessaire pour avoir le droit de déposer une demande de régularisation à la préfecture.

A peine 72 heures plus tard, sur les 33 sites concernés par le mouvement de grève des sans-papiers, une seule entreprise n’a pas donné suite à l’heure où nous écrivons. Partout ailleurs, le patronat a cédé et délivré des CERFA aux grévistes. En clair, ce sont plus de 500 CERFA qui ont été délivrés depuis le début de la grève. Une démonstration importante, car sans lutte collective, il est rare que les patrons délivrent ce document pour mieux surexploiter des travailleurs sans titre de travail.

Lire aussi : Promesse d’embauche pour les grévistes, les sans-papiers à Villepinte remportent une première bataille !

En plus des CERFA, les grévistes ont également obtenu, sur la base d’accords entre la CGT et la trentaine d’employeurs, que ces derniers s’engagent à embaucher les travailleurs pour une durée minimale de 8 mois à compter de la la régularisation des sans-papiers. Enfin, ils ont arraché des certificats de concordance, documents qui permettent aux nombreux sans-papiers travaillant sous un nom d’emprunt de prouver leur identité.

Cependant la délivrance de ces documents, et notamment le CERFA, ne constitue qu’une première étape sur le chemin de la régularisation. Car une fois le CERFA délivré, rien ne garantit encore à un travailleur sans-papiers d’être régularisé par la préfecture, dont le pouvoir discrétionnaire lui permet de juger de façon totalement arbitraire les dossiers. De plus, lorsqu’un travailleur sans-papier dépose son dossier, encore faut-il qu’il obtienne un rendez-vous avant la date d’expiration de validité de son CERFA. Autrement, c’est le retour à la case départ.

Un premier round gagné contre le patronat : la nécessité d’imposer la régularisation de tous les grévistes à la préfecture

C’est pour cette raison que les grévistes, en plus d’exiger le CERFA, vont discuter avec le ministère de l’Intérieur et les préfectures afin d’obtenir le dépôt collectif des dossiers de régularisations et des rendez-vous avec les préfectures. Si l’obtention des CERFA est une vraie avancée, il reste encore à imposer à la préfecture la régularisation de l’ensemble des travailleurs.

Un combat qui est encore loin d’être gagné, comme le souligne une avocate spécialiste de ces questions : « Avec son pouvoir discrétionnaire, la préfecture risque de trier les dossiers. Tout travailleur aillant un casier ou le moindre signalement dans les fichiers de police risque de voir sa demande rejetée. De la même manière, la préfecture exige que les travailleurs soient sur le sol depuis au moins trois ans, donc ceux qui ne sont là que depuis un ou deux ans risquent de ne pas recevoir de titre de séjour » explique-t-elle.

Autant de raisons qui montrent l’importance de mener collectivement cette lutte face au racisme de l’administration française. Afin de garantir que l’ensemble des sans-papiers obtiennent leur titre de séjour, la meilleure voie reste celle de l’instauration d’un rapport de force économique mais aussi politique, à travers la construction d’une grande campagne contre les offensives xénophobes du gouvernement et la loi Immigration et pour la régularisation de tous les sans-papiers.

Un rapport de force d’autant plus nécessaire que même s’ils obtiennent un titre de séjour, les perspectives de stabilité pour ces travailleurs restent limitées. En effet, en tant que sans-papiers, ces derniers sont considérés comme demandant pour la première fois un titre de séjour, et « celui-ci ne pourra être que d’une durée d’un an » explique l’avocate. Autrement dit, rien ne garantit à ces travailleurs, en partant du principe qu’ils obtiennent une régularisation, qu’ils n’aient pas à lutter de nouveau lorsque leur titre de séjour arrivera à expiration.

Les directions syndicales doivent s’appuyer sur cette grève pour construire un plan de bataille contre le racisme de l’Etat français

La lutte de ces plus de 600 travailleurs sans-papiers est loin d’être un cas isolé. Actuellement sur tout le territoire, un certain nombre de travailleurs sans-papiers mènent aussi le combat pour la régularisation individuellement ou collectivement, comme c’est le cas des sans-papiers qui ont occupé le chantier des JO à la Chapelle mardi dernier, des sans-papiers d’Emmaüs en grève sur plusieurs sites depuis de longues semaines ou encore des sans-papiers de Chronopost à Alfortville, en lutte depuis plus de deux ans.

C’est pour toutes ces raisons que la CGT et l’ensemble des directions syndicales devraient se saisir de cette grève et de toutes les autres pour construire un plan de bataille et arracher des régularisations pérennes pour tous les sans-papiers. L’instauration d’un tel rapport de force passe par le déploiement de l’ensemble des grévistes qui sont entrés dans la lutte ces derniers jours. Ainsi, si les piquets dans les entreprises où les travailleurs ont obtenu les CERFA ont été levés, il faudrait dès à présent que soient organisées des assemblées de salariés en lutte qui se coordonnent depuis les différents sites et qui puissent réfléchir à la construction de ce rapport de force. Alors que le gouvernement remet sur la table son projet de loi immigration qui durcirait encore les règles d’accession au titre de séjour et qui faciliterait les expulsions de sans-papiers, la lutte pour la régularisation de tous les sans-papiers doit aussi permettre de s’opposer fermement à ce projet de loi xénophobe.

Lire aussi : Loi Immigration : le gouvernement durcit son offensive xénophobe après Arras


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