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Palestine

Israël trouble les festivités du Ramadan : la colère grandit à Jérusalem

Alors que le Ramadan commence, les restrictions injustes de la liberté de circulation des Palestiniens à Jérusalem menacent de nourrir la colère populaire tandis que les massacres se poursuivent à Gaza et que la perspective d’une trêve pendant le mois saint des musulmans n’a jamais été aussi éloignée.

Enzo Tresso

11 mars

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Israël trouble les festivités du Ramadan : la colère grandit à Jérusalem

Mise à jour à 20h13. Le ministre de la défense Yoav Gallant a publié un communiqué vidéo dans lequel il se montre menaçant à l’égard des Palestiniens musulmans : « L’Etat d’Israël respecte la liberté de prier à al-Aqsa et dans tous les lieux saints [mais] le mois de ramadan peut aussi être un mois de jihad, et nous disons à tous : ne nous cherchez pas. Nous sommes prêts, ne commettez pas d’erreur ».

Depuis le début de la guerre coloniale de Tsahal à Gaza, les forces israéliennes ont resserré leur contrôle sur la Mosquée Al-Aqsa. Obsédé par la reconstruction du Temple, le ministre Itamar Ben Gvir avait proposé, le 18 février, d’interdire l’accès de la mosquée aux Musulmans. Si Netanyahou a débouté son ministre, sur l’avis des renseignements israéliens, les conditions d’accès se sont durcies et le dispositif policier s’est considérablement renforcé, au risque de susciter le mécontentement des Palestiniens de citoyenneté israélienne et des habitants des territoires occupés.

Les évènements qui surviennent à la mosquée Al-Aqsa, l’un des plus importants lieux de culte de l’islam et un symbole du mouvement palestinien, ont en effet eu, par le passé, des répercussions d’ampleur. Arrachées en 1967 des mains du Roi de Jordanie, la mosquée et Jérusalem Est ont été conquises au sortir de la guerre des Six jours. Fermement contrôlé par Israël, les incursions israéliennes sur le site ont souvent déclenché des soulèvements nationaux. En 2000, la visite d’Ariel Sharon joua le rôle de détonateur dans le déclenchement de la seconde Intifada. Théâtre d’affrontements entre la police israélienne et les Palestiniens musulmans en mai 2021, les raids des forces de sécurité israéliennes à l’intérieur de la mosquée et sur l’esplanade, ont aiguillonné la colère populaire et provoqué de nombreux soulèvements dans les villes mixtes de Cisjordanie et à Gaza. Symbole de l’islam, le Hamas tente de s’imposer comme le grand défenseur du lieu saint. Il a ainsi nommé l’attaque du 7 octobre en référence à la mosquée : « Déluge d’Al-Aqsa ». Contactés par le Washington Post, des membres de la direction du Hamas ont confié au journal que l’idée des attaques du 7 octobre leur avait été insufflée par les provocations israéliennes pendant le ramadan en 2021.

Alors que le calme de la mosquée n’a pas été troublé une seule fois depuis le 7 octobre, Israël a menacé de durcir les conditions d’accès à la mosquée. Sous l’impulsion de l’aile la plus dure de la coalition d’extrême-droite israélienne, Itamar Ben Gvir proposait, le 18 février, d’interdire l’accès de la Mosquée aux Arabes israéliens pendant le ramadan. Objet de tous les fantasmes de l’extrême droite religieuse sioniste, Al-Aqsa est bâti sur le mont du Temple, édifice détruit en 70 par les Romains dont ne subsiste que le mur des Lamentations. Depuis que les représentants les plus radicaux du sionisme religieux sont parvenus au pouvoir, la reconstruction du temple est devenue un objectif politique pour les minorités militantes suprémacistes. Le 3 janvier 2023, Ben Gvir visitait une première fois le site religieux. Il déclarait alors que son « gouvernement ne céd[erait] pas aux menaces du Hamas. Le mont du Temple est le site le plus important au monde pour le peuple juif ». En un an, le ministre s’est rendu trois fois sur le Mont. Depuis le 7 octobre, les visites des sionistes religieux se sont faites, toutefois, plus rares, après le record de l’année juive 2021-2022 où près de 50 000 visiteurs ont été recensés, tandis qu’aucun pèlerinage juif n’est prévu pendant la période de ramadan, contrairement à l’année dernière.

Si Benjamin Netanyahou a démenti son ministre, suivant les conseils des renseignements israéliens, les forces de sécurité israéliennes ont néanmoins placé la mosquée sous cloche et établi un important dispositif policier tout autour du complexe. Selon Ir Amin, un groupe de défense des droits basé à Jérusalem, « la décision de Netanyahou n’offre aucune garantie effective d’une pleine liberté d’accès à la mosquée pour les musulmans mais la conditionnent plutôt à des impératifs sécuritaires ».
Comme le rapporte Munri Nuseibeh, professeur de droit à l’université Al-Qods, « la police est très présente dans les rues de la vieille ville. Les Palestiniens sont stoppés à des check-points aléatoires. Quant à l’accès à Al-Aqsa, il n’y a aucune indication claire depuis le 7 octobre. C’est le règne de l’arbitraire. Les fidèles sont parfois refoulés, parfois admis, sans explications ; Itamar Ben Gvir cherche la confrontation entre la police, les colons et les jeunes palestiniens, pour imposer une politique de faits accomplis ».

Chaque porte était ainsi protégée, ce vendredi, par trois lignes de contrôle tandis que des consignes nouvelles sont émises chaque jour par les autorités. Parmi les Palestiniens qui ont été refoulés aux différents points d’accès, certains rapportent que les forces israéliennes ont parfois pour ordre d’empêcher l’accès à la mosquée aux jeunes hommes et parfois aux pères de famille. Les arrestations semblent aléatoires et les opérations des forces d’occupation israélienne prennent un tour parfois brutal comme hier soir, où des centaines de musulmans ont été refoulés hors de la vieille ville et empêchés de fêter le début du Ramadan.

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Alors que les contrôles deviennent de plus en plus arbitraires et injustifiés, l’association jordanienne en charge du contrôle administratif de la Mosquée, inféodée au pouvoir israélien, s’inquiète que les festivités du Ramadan ne se chargent d’un contenu politique, alors que plus de 30 000 Palestiniens ont été tués au cours des opérations génocidaires de Tsahal à Gaza. Selon Tomer Lotan, ancien directeur général du ministère de la sécurité, « Itamar Ben Gvir joue un jeu très dangereux. Contrairement à mai 2021, le 7 octobre 2023 et ce qui a suivi ont pour l’instant provoqué peu de tensions entre Arabes et Juifs, y compris dans les villes mixtes. Imposer des limitations pourrait déclencher une explosion ».

Alors que les négociations à Gaza se sont interrompues après que le Hamas a refusé de céder aux diktats du gouvernement israélien et que les massacres continueront probablement à ensanglanter le mois de ramadan, le durcissement du contrôle israélien sur Jérusalem Est pourrait aiguillonner la colère des Palestiniens meurtris et provoquer l’ouverture d’un front intérieur, solidaire de la résistance à Gaza et déterminé à s’opposer aux forces coloniales.


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