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Palestine

Israël. Offensives coloniales & manifestations contre la réforme judiciaire : enjeux d’une crise profonde

Le gouvernement israélien ultraorthodoxe a continué à mettre en œuvre son agenda suprémaciste et multiplie les attaques contre le peuple palestinien. Des phénomènes qui témoignent d’une crise profonde du régime israélien.

Mariam Amel

21 avril 2023

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Après les violents assauts perpétrés contre les croyants musulmans sur l’esplanade des mosquées et dans la vieille ville de Jérusalem pendant les dernières semaines du ramadan, cette fois c’est le tour des chrétiens. À l’occasion de la cérémonie de Pâques le samedi 15 avril, le gouvernement israélien ultraorthodoxe a continué à mettre en œuvre son agenda suprémaciste et à multiplier les attaques contre le peuple palestinien. Les autorités israéliennes ont en effet décidé de renforcer les restrictions imposées aux communautés chrétiennes, qui sont déjà régulièrement victimes d’attaques de la part de colons extrémistes depuis quelques années.

Les cérémonies religieuses palestiniennes réprimées par la suprématie sioniste

La politique d’apartheid menée par l’entité sioniste ne fait pas de différence entre un musulman et un chrétien, mais revendique plutôt sans vergogne sa suprématie par une répression systématique contre tout le peuple palestinien. Le tournant violent du gouvernement ultraorthodoxe orchestré par Ben Gvir et Bezalel Smotrich continue à mettre en œuvre son agenda suprémaciste juif et enregistre ce samedi 15 avril une nouvelle attaque contre des endroits sacrés pour de nombreux Palestiniens. Cette fois-ci, les attaques n’ont pas été menées sous couvert de la suspicion de présence d’agitateurs islamistes, comme c’était le cas contre les fidèles musulmans à la mosquée d’Al-Aqsa les dernières semaines, mais pour limiter la mobilité des chrétiens lors d’une des journées les plus importantes de l’année.

En réponse à un contexte de violence récurrente et systématique à l’encontre du peuple palestinien, la police israélienne a restreint l’accès des fidèles chrétiens à l’église du Saint-Sépulcre, située dans la vieille ville de Jérusalem. Cette restriction s’est faite par la mise en place de points de contrôle dans les quartiers chrétiens, visant à contrôler le nombre de visiteurs souhaitant entrer dans l’édifice. Ces mesures ont entraîné des bousculades et empêché certains fidèles d’accéder à l’église.

La police israélienne a permis l’entrée uniquement à un petit nombre de pèlerins ayant des permis de résidence locaux, alors même que des membres du clergé ont été interdits d’entrer. Le gouvernement israélien avait aussi révoqué récemment les permis de voyages d’un grand nombre de Palestiniens de Gaza pour les empêcher de fêter la cérémonie la plus importante de l’année.

Retour sur les manifestations contre la réforme judiciaire et leurs limites

C’est la deuxième année consécutive que les autorités israéliennes annoncent leur intention de limiter le nombre de chrétiens autorisés à se rendre à la cérémonie du « miracle du Feu sacré » qui se déroulait à l’Église du Saint-Sépulcre à Jérusalem-Est occupée, le Samedi saint, ce 15 avril 2023. Depuis quelques mois, avec le renforcement du tournant réactionnaire du gouvernement d’extrême droite, la communauté chrétienne subit l’acharnement d’Israël contre les nonnes et les symboles chrétiens du pays.

La crise que traverse aujourd’hui le régime israélien a commencé depuis le début de la coalition aboutissant à la montée historique de l’extrême-droite en Israël. Elle a été suivie par des séries d’offensives à travers lesquels l’Etat sioniste avait inaugurée l’année 2023, allant du massacre sanglant du camp de Jénine à l’incendie du village de Hawara, en passant par les acharnements contre les prisonniers et une succession d’attaques contre des lieux saints et édifices religieux chrétiens et musulmans palestiniens. Le but est d’envoyer un message clair au peuple palestinien et à tous ceux qui s’opposent au projet sioniste : l’apartheid et le déplacement forcé sont le seul carburant qui nourrit l’Etat colonial et la garantie de sa continuité.

Ces offensives exacerbées depuis le début de l’année s’inscrivent dans le cadre d’une crise interne que le gouvernement vit depuis son élection, après l’annonce par le premier ministre Benjamin Netanyahou de réformes judiciaires qui limitent drastiquement le pouvoir de la Cour suprême. Une réforme à travers laquelle Netanyahou espère se prémunir contre des poursuites juridiques pour corruption dans trois affaires dans lesquelles il a abusé de ses fonctions ces dernières années.
En réponse à cette tentative, qui a été le principal projet que Netanyahou dès le début de sa coalition, les Israéliens ont pris les rues dans des manifestations massives depuis le mois de janvier pour demander le retrait de la réforme considérée comme une menace pour la démocratie d’un pays structurellement fondé sur l’apartheid.

En réponse à cette tentative qui a été le principal projet de Netanyahou dès le début de sa coalition, les Israéliens ont pris les rues dans des manifestations qui ont été les plus massives dans l’histoire du pays, notamment après que la plus grande centrale syndicale et l’association médicale israélienne aient appelé à une grève générale pour paralyser le pays, ce qui a éveillé la suspicion du gouvernement israélien. Si les mobilisations, dont Yair Lapid, l’ancien Premier ministre, a pris la tête, ont été historiques par leur ampleur, elles restent limitées quant à la remise en cause de la nature coloniale du pays, les slogans dénonçant les crimes de l’occupation contre les Palestiniens restant presque inexistants.

Or, un appel à “la démocratie” sans remise en cause de la nature coloniale du pays ne peut aboutir. Alors que la classe ouvrière a montré sa capacité à paralyser de nombreux secteurs, les organisations ouvrières doivent élargir les revendications et revenir à la racine de la crise, qui est la nature coloniale de l’Etat d’Israël. Les manifestations sous la direction de Yair Babid et des groupes libéraux ne peuvent résoudre la crise. La seule issue est un plan cohérent dans lequel la classe ouvrière palestinienne joue un rôle central, permettant de proposer de vraies alternatives qui rejettent la normalisation de l’occupation et du projet sioniste.

Après la mise en pause des réformes judiciaires annoncée le 27 mars pour tenter de vendre aux opposants (dont l’ancien Premier ministre Yair Lapid est à la tête) un peu d’illusion sur la soi-disant démocratie, le syndicat israélien Histadrout a annoncé la fin de la grève qui a paralysé l’aéroport Ben Gourion et le port d’Ashdod. Dans le même temps, le duo Ben Gvir-Smotrich a réussi à obtenir l’autorisation de former une garde nationale, sous forme de forces de volontaires placées directement sous le contrôle du suprémaciste Itamar Ben Gvir, en échange du gel de la réforme. Une décision approuvée le 2 avril par le gouvernement. Si la réforme judiciaire est une menace pour la démocratie israélienne, cette dernière ne sera surement pas en sécurité dans les mains d’une garde nationale de suprémacistes colons biberonnés à la violence, au racisme et à l’apartheid.

Les projets étrangers de Netanyahou se diluent

La position d’Israël sur le plan régional est également compliquée. D’abord, des escarmouches entre Netanyahou et Biden ont commencé à faire surface après que l’allié américain n’ait pas hésité à exprimer son inquiétude et ses craintes concernant les réformes judiciaires et la montée de l’extrême droite dans le pays.

Par ailleurs, les ambitions régionales de Netanyahou d’étendre les accords d’Abraham avec le reste des États du Golfe et de poursuivre les sanctions contre l’Iran ont commencé à s’estomper, en particulier après que l’Iran et l’Arabie saoudite aient annoncé le rétablissement de leurs relations diplomatiques après sept ans de désaccords. Cette étape a été suivie par le rétablissement progressif des relations entre l’Iran et les autres pays du Golfe, les Émirats arabes unis et le Koweït, que l’ancien Premier ministre Naftali Bennett considère comme “une victoire politique pour l’Iran” et "une menace pour Israël".

Le changement fondamental dans les relations internationales aujourd’hui est régi par la guerre que Poutine a déclarée contre l’Ukraine au début de l’année dernière. Il est clair que la crise structurelle du système capitaliste ne se manifeste pas uniquement en Israël, mais a commencé à se traduire dans le monde entier par des crises internes et des crises économiques, après que la pandémie a agi comme un catalyseur exposant de plus en plus les contradictions de ce système.

La crise que traverse le monde aujourd’hui, que ce soit dans les « démocraties » impérialistes ou dans les régimes dictatoriaux, ouvre de nouveaux scénarios de lutte des classes. Une dynamique qui offre au peuple palestinien des perspectives de libération, qui ne pourra passer que par l’émancipation de la classe ouvrière dans la perspective révolutionnaire d’un Etat palestinien socialiste de la mer au Jourdain, où puissent vivre en paix et fraternité les travailleurs palestiniens et juifs.

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