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Décryptage

Augmentation du salaire minimum : non, le président argentin n’a pas fait de cadeau aux travailleurs !

Des médias comme BFM TV et Ouest France répètent à l’envi que le président argentin Milei aurait augmenté le salaire minimum argentin de 30% ce mardi. Mais l’augmentation nominale cache la réalité de l’inflation, qui fait fondre les revenus réels, et au regard de laquelle l'annonce se réduit à des miettes.

Julien Anchaing

21 février

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Augmentation du salaire minimum : non, le président argentin n'a pas fait de cadeau aux travailleurs !

Crédit photo : Flickr / Ilan Berkenwald

Plusieurs journaux français ont repris à leur compte l’information indiquant que le salaire minimum en Argentine allait augmenter de 30% grâce à un décret du gouvernement. Ce que ne disent pas BFMTV et une partie de la presse française, reprenant la même dépêche AFP, c’est que cette hausse du salaire minimum de 30% revient à une perte importante du pouvoir d’achat des salariés concernés par la mesure.

Cette « augmentation » décrétée par le gouvernement revient en effet à une perte de 25% de pouvoir d’achat pour les travailleurs qui touchent ce salaire. Sachant que le salaire minimum sert de référence pour des négociations dans de nombreux secteurs de l’économie ainsi que des pensions de retraites, cela revient à une politique austéritaire de baisse du salaire réel (en dollars constant). Pour les retraités, le gouvernement a aussi annoncé une augmentation de 27,18%, alors qu’ils font partie des secteurs les plus durement touchés par la crise économique de ces dernières années.

L’objectif de base de Javier Milei était de fixer par décret l’augmentation officielle du salaire minimum. Dans son plan réactionnaire qu’il qualifie lui-même de « hachoir » des salaires, Milei souhaite liquider l’ensemble des dépenses de l’État et des salaires en s’attaquant principalement aux salariés les plus pauvres et aux retraités. Comme l’indique Pagina 12 « Le salaire minimum vital et mobile (SMVM) de ce premier trimestre a été établi à 156 mille pesos pour janvier (sans modification par rapport à décembre), 180 mille pesos pour février et 202 800 pesos pour mars, complétant une augmentation de 30 % au premier trimestre. Cela représente une perte de pouvoir d’achat de pas moins de 25 %t entre le salaire minimum de mars et celui correspondant à décembre dernier ».

En ce qui concerne les revenus des retraités, comme l’affirme La Izquierda Diario : « les retraites et pensions augmenteront de 27,18 % à partir de mars , en passant 105 713 pesos à 134 446 pesos Dans le cas du minimum-retraite (c’est-à-dire ce que touche la grande majorité des retraités), cette somme a longtemps été « compensée » par une prime supplémentaire, aujourd’hui de 55 000 $ . Mais dans la résolution signée par le gouvernement, aucune prime n’est mentionnée , ce qui ouvre un nouveau doute quant à son application dans les prochains mois ».

Cette décision vient fermer toute potentielle négociation avec les directions syndicales qui souhaitent proposer une augmentation des salaires de 85 % ou une indexation de celui-ci à la hausse de l’Indice des Prix à la Consommation (IPC). Cette demande intervient dans un contexte où l’inflation enregistrée en Argentine sur l’année 2023 était de 211%, c’est-à-dire supérieure à celle du Venezuela, avec une inflation mensuelle qui atteint les 20% selon les estimations actuelles pour les mois de janvier et février.

Il est évident que les baisses successives des salaires et des pensions de retraites qui sont actuellement observées en Argentine ne sont pas une nouveauté arrivée avec le gouvernement de Milei. Les gouvernements de Alberto Fernandez et de Mauricio Macri avaient chacun à leur tour enregistré de très hauts taux d’inflation qui avaient profondément fragilisé les salaires argentins, tout particulièrement ceux des plus pauvres. Cependant, les attaques récentes de Javier MIlei ne font qu’accélérer la tendance à l’appauvrissement déjà visible pour la majorité des travailleurs et des ménages les plus pauvres. De nombreux produits de consommation quotidiens atteignent actuellement les prix espagnols de la grande distribution alors que les salaires argentins sont 9 fois inférieurs à ceux de l’Espagne.

Une explosion des coûts des transports fait monter la colère des argentins

De plus, cette pseudo augmentation (revenant, pour les prix de Buenos Aires, au prix de deux pizzas) ne concernerait que les travailleurs qui touchent un salaire minimum dans un secteur formel de l’économie, c’est-à-dire légalement déclaré. Or, en Argentine, on décompte plus de 40 % de salariés qui travaillent de manière dissimulée, ou « informelle » et qui ne seront même pas concernés par cette mesure.

C’est aussi sans compter l’augmentation massive des prix des services publics, comme les transports qui connaissent actuellement une explosion du fait du retrait des subventions d’État pour les entreprises censées organiser les transports publics. Selon les chiffres estimés par La Izquierda Diario « si un travailleur prend deux bus et un train ou un métro juste pour aller travailler cinq jours par semaines, il dépense 29 000 pesos par mois, soit l’équivalent de 15 % du salaire minimum », et ce sachant que l’augmentation des coûts des transports pourrait encore tripler d’ici à juin prochain.

Les journaux français sont obligés de rappeler que le taux de pauvreté en Argentine aurait atteint les 57 % de la population, selon l’Université Catholique Argentine. Un chiffre historique et catastrophique qui montre la réalité de la politique de Milei de soumission totale du pays au capital financier international et aux grandes entreprises, dont les attaques pour la mise en place d’un « équilibre fiscal » et du déficit zéro signifient l’appauvrissement généralisé de la population.

Cette semaine, Javier Milei a rencontré le ministre français des Affaires Étrangères Stéphane Séjourné. Emmanuel Macron et la presse française ont déjà envoyé plusieurs signes positifs envers Milei pour se positionner comme le principal allié européen du président d’extrême-droite. En plus des mensonges de la presse française, certains journalistes n’ont pas hésité à assumer leur intérêt pour le projet ultralibéral de Milei, comme Rémi Godeau dans le journal L’Opinion. A la complicité internationale de la presse et de la bourgeoisie française, nous devons opposer la solidarité la plus totale avec les travailleurs argentins contre le gouvernement de Javier Milei et l’ensemble de ses alliés, du FMI et du capital international. 


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