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Violences sexistes et sexuelles

VSS à Bordeaux Montaigne : aucune confiance en la direction, il faut une commission indépendante

Vendredi dernier, plusieurs organisations dont Le Poing Levé ont imposé à la direction qu'un bilan de la gestion des cas de VSS soit mis à l'ordre du jour du prochain Conseil. Un combat qui doit se poursuivre par en bas, avec la mise en place d'une commission indépendante par les étudiant·e·s et les travailleur·se·s de l'université.

Le Poing Levé - Bordeaux

3 octobre 2023

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VSS à Bordeaux Montaigne : aucune confiance en la direction, il faut une commission indépendante

Crédits photo : Wikimedia Commons

La direction de l’Université sous pression des étudiant·e·s

Pointée du doigt au sujet de sa gestion des cas de violences sexistes et sexuelles (VSS) depuis la publication d’un article de Sud Ouest en mai dernier, la présidence de l’Université Bordeaux Montaigne est sous pression depuis le début de l’année universitaire. Un collectif d’étudiant·e·s en archéologie et un regroupement d’organisations étudiantes ont ainsi publié un communiqué interpellant la direction sur des cas de VSS et leur gestion au sein de l’établissement.

Vendredi 29 septembre, dans le cadre d’une réunion du Conseil d’Administration (CA) de l’Université, 7 organisations étudiantes ont exigé qu’un point de la réunion soit dédié à la question de la gestion des VSS, soumettant également aux débats du Conseil une motion pour une meilleure gestion et lutte face aux VSS à l’Université. Cette motion, signée par le Collectif des étudiant·e·s d’archéologie, la FSE, Union étudiante, Wake Up, Du Pain et des Roses, Le Poing Levé et InterAsso, exigeait en premier lieu un compte-rendu global et transparent des cas de VSS à l’UBM, ce qui implique de « connaître dans tous les départements et UFR le nombre de plaintes qui ont été remontées aux instances de l’Université, ainsi que de connaître l’état de traitement et de suivi de ces dernières tout en garantissant le droit à la confidentialité et à l’anonymat des plaignant·e·s ».

Face à cette demande, la direction a d’abord tenté d’esquiver la question en refusant de l’inscrire à l’ordre du jour et de soumettre au vote la motion proposée, balayant d’un revers de la main les préoccupations et les revendications des étudiant·e·s. Prétextant agir « pour le bien de la procédure en cours », la présidence s’est alors octroyée le seul droit de parole concernant le sujet des VSS durant le Conseil, précisant qu’elle donnerait des explications uniquement en fin de séance et sans possibilité d’en débattre. Une manœuvre anti-démocratique peu surprenante de la part de la Présidence de l’Université, qui a pu s’appuyer sur la position des 3 élu.e.s étudiant.e.s de l’UNEF. En effet, ces derniers ont refusé de joindre leurs forces à celles du Poing Levé (2 élu.e.s) et d’InterAsso (1 élue) dans cette bataille, expliquant que la motion « se trompe de cible » car « la direction ne peut actuellement pas faire plus et a fait ce qui était en son pouvoir » selon les propos de leurs militant·e·s.

Mais la séance ne s’est finalement pas déroulée comme prévu. « Dès le début de la séance, après que le Président ait répété qu’il n’y aura pas de débat mais seulement une réponse unilatérale de la direction, un membre enseignant de la liste oppositionnelle est intervenu pour soutenir notre demande d’un réel point VSS à l’ordre du jour. Il s’en est suivi près de 15 minutes d’un échange houleux où nous avons défendu notre droit à soumettre la motion au vote, sans succès face à une direction à cran », raconte Jahan Lutz, élu pour la liste Le Poing Levé. La direction « argumentait principalement en disant que nous n’avons pas le droit de discuter de la gestion des cas de VSS, que cela remet en cause la procédure et les nécessités d’anonymat ».

Pourtant, la nécessité de garantir l’anonymat et la confidentialité des affaires « pour le bien de la procédure en cours » n’est pas en contradiction avec les demandes des étudiant·e·s et des organisations signataires de la motion, comme l’a rappelé Jahan Lutz dans son intervention au Conseil : « Ce qu’on demande, avec les étudiant·e·s d’archéologie, c’est que la présidence et les instances compétentes de l’Université rendent compte de l’état des VSS au sein de l’établissement, et cela tout en garantissant l’anonymat complet et la confidentialité totale des affaires en cours, nous insistons dessus. On porte également la nécessité d’ouvrir une discussion dans l’ensemble de l’Université sur la gestion de ces violences, leur prise en charge et la manière dont on peut sensibiliser et faire de la prévention sur le campus. Tout cela est un minimum ».

Poussée dans ses retranchements lors du Conseil, la présidence a finalement été contrainte de proposer un point VSS à l’ordre du jour du prochain CA le 10 novembre où elle présentera alors un « bilan anonyme de la cellule de signalement de l’établissement ». Cette première réponse devra en appeler d’autres, et surtout doit encourager les étudiant·e·s, enseignant·e·s et personnels de l’Université à s’organiser par eux-mêmes pour lutter contre les VSS.

Pour une véritable prévention et prise en charge des VSS, la nécessité d’une commission d’enquête et de gestion indépendante

L’Université Bordeaux Montaigne est loin de mettre en place un dispositif de sensibilisation et de communication sur les VSS au sein de son établissement. En effet, «  l’Université qui a reçu les signalements n’a pas tenu de communication directe avec ses étudiant·e·s, et encore moins avec les victimes présumées », comme le souligne le communiqué des étudiant·e·s en archéologie. Ce à quoi la direction a répondu en CA, se contentant de lire un texte rédigé en amont : « On ne peut pas laisser dire que l’Université ne s’est pas engagée pleinement dans la lutte contre toutes les formes de violences, de harcèlement moral, de discriminations, d’actes et d’agissements sexuels ».

Elle insiste et ajoute que l’Université « a mis en place depuis plusieurs années déjà, différentes actions pour sensibiliser l’ensemble de la communauté universitaire, à la prévention de telles violences sexistes et sexuelles, et notamment elle a installé un dispositif d’écoute, d’aide, de soutien et d’accompagnement à travers la cellule de signalement », concluant que «  cette politique a créé les conditions de la libération de la parole, et que nous sommes loin de l’omertà dénoncée ». En réalité, personne ne nie que des dispositifs ont été mis en place à l’UBM, seulement ceux-ci restent insuffisants dans la mesure où « un dispositif d’écoute, d’aide, de soutien et d’accompagnement » ne traite que de manière individuelle et a posteriori le problème des violences sexistes et sexuelles.

« Il faut rompre avec la logique institutionnelle qui voudrait nous enfermer dans une gestion individuelle des VSS, qui nous isole et empêche de libérer la parole. Le rejet de discussions de la part de la présidence maintient finalement l’omertà qu’on dénonce, et pour la briser il faudra véritablement mettre en place un protocole qui prévienne et lutte contre les VSS à l’Université », déclare Petra Lou, membre du collectif Du Pain et des Roses, signataire de la motion qui était portée au CA ce vendredi.

Cette dernière ajoute : « de telles campagnes de prévention et de lutte contre les VSS à l’Université nécessitent forcément plus de moyens et des investissements de l’Etat dans l’université publique, pour embaucher du personnel et des professionnels formés sur ces questions. En même temps, le manque de moyens structurel à l’université est aussi responsable de l’augmentation de la précarité des étudiant·e·s, des enseignant.e.s et personnels, autre forme de violence sociale à laquelle les femmes et minorités de genre sont les plus exposées. Nos revendications vont à l’encontre des dynamiques de politiques d’austérité, de coupures de budgets et de casse de l’université publique par les gouvernements successifs, et c’est bien pour ça que notre combat doit dépasser les portes de l’université dans une lutte globale contre le gouvernement  ». Dès lors, la première étape pour se doter d’un véritable protocole de prévention, de sensibilisation et de lutte contre les VSS à l’Université doit chercher à nous donner les moyens et les outils pour la mise en place d’un tel dispositif. C’est précisément l’objectif que les organisations étudiantes ont mis en avant dans leur motion, par le biais d’un premier bilan des VSS et de leur gestion à l’UBM.

Si la bataille va se poursuivre dans le cadre du CA, ce n’est qu’à partir de l’auto-organisation à la base dans tous les secteurs de l’Université, dans l’ensemble des départements et UFR, dans l’ensemble des services, que la parole des victimes, des plaignant·e·s, pourra véritablement se libérer. Les mouvements de libération de la parole tels que #SciencesPorcs en 2021 ont démontré le rôle de direction de l’Institut dans la couverture des violences sexistes et sexuelles qui sont l’expression d’oppressions plus structurelles d’un système patriarcal qui produit et reproduit ces violences. C’est pour ces raisons que les 7 organisations ont également porté dans leur motion la revendication d’une commission d’enquête et de gestion indépendante de la direction, c’est-à-dire un organe élu et représentatif des étudiant·e·s, des enseignant·e·s et des personnels, avec des professionnels formé·e·s pour la gestion et le suivi de ces affaires, auquel reviendrait la tâche de remontée des plaintes, de leur gestion et du suivi des affaires de VSS à l’Université.

Ainsi, la lutte contre les VSS à l’Université et la volonté de libérer la parole doivent directement se lier à une perspective plus large de lutte et d’émancipation des violences sexistes et sexuelles dans l’ensemble de la société et du système patriarcal. Alors que le 25 novembre, journée internationale de lutte contre les violences sexistes et sexuelles, approche à grands pas, c’est l’occasion de s’y préparer en commençant à nous organiser à partir de nos lieux de vie et d’études pour lutter plus largement contre l’entièreté d’un système d’oppressions, de violences et de discriminations.


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