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Raffineries

Répression syndicale chez Total : 70% des raffineurs se mettent en grève et font reculer la direction

Suite à une convocation pour un entretien disciplinaire du secrétaire du syndicat CGT de la raffinerie de Normandie, 70% de la raffinerie s’est mise en grève. Face au mouvement, la direction a dû reculer et s’excuser auprès du syndicaliste.

Arthur Nicola

27 septembre 2023

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Répression syndicale chez Total : 70% des raffineurs se mettent en grève et font reculer la direction

Crédits photos : Alexis Antonioli, le 25 mars, devant la raffinerie de Total Normandie / Révolution Permanente

Tout est allé très vite. Ce mardi 26 septembre, Alexis Antonioli, secrétaire de la CGT Total à la raffinerie de Normandie, près du Havre, reçoit une convocation pour un entretien disciplinaire. Le syndicaliste, au cœur des grèves de l’an dernier, qui ont vu la raffinerie être arrêtée à deux reprises, d’abord pour des augmentations de salaire à l’automne, puis contre la réforme des retraites en mars, était menacé de sanctions disciplinaires. A peine le courrier de convocation reçu, la réponse de ses collègues a été immédiate : dès 21h, à la prise de quart des salariés de nuit, 70% des salariés de la raffinerie et de l’usine pétrochimique se sont mis en grève pour défendre leur camarade, menaçant la direction de cinq jours de grève, dont 48h immédiatement.

« La direction essaye de provoquer les syndicalistes, en les insultant et les méprisant » explique Ludovic Desplanches, de la CGT Total. « La direction passe régulièrement dans les salles de contrôle en critiquant la CGT, c’est un travail de sape depuis la fin de la grève pour la réforme des retraites ». En avril dernier, alors que les aéroports parisiens étaient presque à sec de kérosène du fait des grèves, le gouvernement a réquisitionné les raffineurs, envoyant les gendarmes déloger le piquet de grève. Pour la direction de la plus grande raffinerie française, les deux arrêts de l’an dernier ont coûté très cher, et celle-ci est à l’affut pour réprimer les syndicalistes. « Ils veulent envoyer un message à l’ensemble des travailleurs du site qu’ils sont prêts à couper des têtes y compris celles des dirigeants syndicaux. Ils sont revanchards des mouvements de l’an dernier, où ils ont été impuissants face à la force de la grève. Leur stratégie aujourd’hui c’est de taper sur les militants qui ont été le plus en avant dans ces mouvements » analyse de son côté Alexis Antonioli.

Dans ce contexte, la réponse exemplaire des salariés, qui se sont mis en grève pour défendre leur camarade, aura permis de faire reculer celle-ci et d’annuler les sanctions : « quand on leur a dit qu’on partait sur 48h de grève immédiatement, puis 72h de grève les trois jours avant le rendez-vous préalable, ils ont tourné dans les postes et ils ont vu qu’on n’allait pas plier. Cinq ou six chefs de secteurs sont revenus de chez eux pour empêcher la grève, cela n’a pas suffi » explique Ludovic, qui travaille depuis quinze ans sur la raffinerie. Après quatre heures de grève, vers minuit, le directeur de la plateforme a dû s’excuser auprès du secrétaire du syndicat et abandonner la procédure disciplinaire à son encontre.

Il faut dire que la raffinerie, dans le contexte d’inflation du prix des carburants, est littéralement une machine à cash : selon l’entreprise, le seul secteur essence, où travaille Alexis Antonioli, aurait dégagé 88 millions d’euros de bénéfices le mois dernier. La raffinerie est tellement rentable que les grands travaux du secteur, qui devaient arrêter la raffinerie pour plusieurs mois, ont été décalé de trois semaines, quitte à payer des millions d’euros de pénalités aux sous-traitants. Dans ce contexte, la seule menace d’une grève a poussé la direction centrale à désavouer le directeur local, nommé suite aux grèves de l’automne.

Pour Ludovic Desplanches, au-delà des bénéfices de l’entreprise, c’est avant tout la réaction de solidarité qui est importante : « Quand un camarade ou un collègue est attaqué, il faut répondre d’emblée. Il ne faut pas tergiverser ou attendre : on sait que chaque jour laissé à la direction, c’est du temps qu’elle gagne pour tourner dans des salles, pour cracher son venin. Il faut répondre rapidement à chaque demande d’explication. Hier soir on a démontré que la direction ne faisait marche arrière que lorsqu’une grande partie du personnel était gréviste ». Dans un contexte où des centaines de syndicalistes, particulièrement de la CGT, jusqu’au secrétaire de la CGT Energie Sébastien Menesplier, sont poursuivis pour des faits de grève suite à la grève contre la réforme des retraites, la réaction des raffineurs normands montre la voie à suivre. Face à la répression patronale et policière, la grève montre aujourd’hui qu’elle seule peut mettre un coup d’arrêt à ces procédures, et empêcher le patronat de prendre sa revanche.


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Arthur Nicola

Journaliste pour Révolution Permanente.
Suivi des grèves, des luttes contre les licenciements et les plans sociaux et des occupations d’usine.
Twitter : @ArthurNicola_

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