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Militarisation

« Préférence européenne », bouclier anti-missile : Macron précise son projet militariste pour l’Europe

Lors de son discours à la Sorbonne, Macron a précisé son projet pour renforcer « l’autonomie stratégique de l’Europe ». Fragilisé à l’approche des européennes, le président cherche à se donner une crédibilité en tant que chef de guerre.

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« Préférence européenne », bouclier anti-missile : Macron précise son projet militariste pour l'Europe

Crédits photo : France Info

Lors de son discours à La Sorbonne, brutalement vidée de ses étudiant-e-s pour l’occasion, Emmanuel Macron a précisé son projet pour l’Europe, à un mois des élections européennes. Après ses sorties sur l’envoi de troupes en Ukraine, le président, qui continue à se rêver en chef militaire de l’Europe, tente de se redonner une crédibilité en insistant sur la nécessité de renforcer « l’autonomie stratégique » du continent, à travers l’augmentation des « capacités de défense » et le développement d’un matériel militaire 100 % « made in Europe ».

Bouclier antimissile, « force de réaction européenne » et doublement du budget militaire de l’UE : Macron sort l’artillerie lourde

Les perspectives du président de la République pour l’Europe ont le mérite d’être claires : c’est « la puissance d’abord. » Pour construire cette « Europe puissance » voulue par Macron, il s’agit avant tout de renforcer les capacités de défense du continent pour « être crédibles, dissuader, être présents et continuer l’effort. » L’objectif affiché par le président : renforcer le « poids » militaire et géopolitique de l’Europe face aux Etats-Unis, à la Chine et à la Russie, dans un contexte où la guerre en Ukraine a fait ressortir les « faiblesses » structurelles du continent.

Parmi les propositions, la mise en place d’un « bouclier antimissile européen », le renforcement de la défense dans les domaines de la « cybersécurité » et de la « cyberdéfense », la création d’une « académie militaire européenne » et d’une « force de réaction rapide » de 5 000 militaires d’ici 2025. Dans un contexte d’austérité budgétaire à l’échelle du continent, Macron appelle par ailleurs à investir massivement dans l’industrie militaire, en trouvant les fonds pour « doubler » rapidement le budget de l’UE : « c’est entre 650 et 1 000 milliards d’euros de plus par an […] nous devons faire ces investissements massifs ».

Après avoir fragilisé son image de « chef de guerre » suite à ses sorties sur l’envoi de troupes françaises en Ukraine, Macron tente, par ce discours, de se redonner une crédibilité. Si le président dit « assume[r] d’avoir réintroduit une ambigüité stratégique » en déclarant ne pas « exclure » l’envoi de troupes au sol, il avait été désavoué par la quasi-totalité des gouvernements européens, mais aussi par la Maison Blanche et le président ukrainien lui-même.

Réaffirmer la position de la France face à la concurrence de l’Allemagne

Alors que l’Allemagne s’est affirmée, depuis le début de la guerre en Ukraine, comme un acteur central du tournant militariste à l’échelle du continent européen, le discours de Macron sonne à la fois comme une tentative d’imposer une orientation alternative à celle du voisin européen, et comme un appel du pied au gouvernement Scholz.

Macron n’est en effet pas le premier à évoquer le développement d’un bouclier antimissile en Europe. En 2022, le ministère allemand de la Défense signait un accord avec les Etats-Unis et Israël pour le développement du projet European Sky Shield Initiative (ESSI), qui vise à équiper l’Allemagne du système antimissile Arrow 3 – le fameux « Dôme de fer » israélien. Un projet auquel se sont depuis ralliés 19 états européens, et critiqué par le président de la République.

En juin dernier, Macron déclarait en effet que le projet de bouclier antimissile européen porté par l’Allemagne « prépar[ait] les problèmes de demain. » En cause, le choix de l’Allemagne de s’associer à des « tiers non-européens », « moins maniables » et créant « trop de dépendance ». Il s’agissait surtout d’un coup dur pour l’industrie de la défense française, le gouvernement allemand n’ayant pas souhaité intégrer le système de défense sol-air développé par Thalès et MBDA à son projet de bouclier antimissile.

La « préférence européenne » face à la crainte d’un désinvestissement américain

Emmanuel Macron appelle ainsi à « déroger à la libre concurrence » en instaurant la « préférence européenne » dans les secteurs stratégiques de la défense et du spatial, dans l’objectif de renforcer la place des industriels de l’armement européens, mais aussi face à la crainte d’un désinvestissement des Etats-Unis dans le cadre de la guerre en Ukraine.

En effet, selon une étude de l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS), « 78% des 100 milliards de commandes d’équipements passées par des États membres de l’Union européenne depuis février 2022 ont été conclues auprès de pays tiers à l’UE » et « 63% au bénéfice des seuls États-Unis ». Alors que les Etats-Unis sont aujourd’hui le principal fournisseur d’armes de l’Europe et le principal soutien à l’Ukraine dans le cadre de la guerre en cours, les futures élections font planer la menace d’un désinvestissement, notamment en cas de victoire de Donald Trump. Jeudi dernier, l’ex-président appelait l’Europe à « se bouger » et menaçait une nouvelle fois « d’arrêter de donner de l’argent. »

Le Président de la République entend ainsi renforcer la coopération entre États européens. En février dernier, France, Allemagne et Pologne annonçaient relancer le « triangle de Weimar » face à la menace Russe et au risque d’une réélection de Trump, afin de « faire de l’Europe une puissance de sécurité et de défense dotée d’une plus grande capacité à soutenir l’Ukraine. » Dans le même sens, plusieurs projets de coopération militaire se sont renforcés ces derniers mois. Dernier en date, le projet de « chars du futur » signé par les ministres français et allemand de la Défense, qui vise à remplacer à partir de 2035 les chars Leclerc français et Léopard 2 allemands, et à concurrencer les chars russes et américains.

A un mois des élections européennes, Macron espère rassembler ses troupes en capitalisant sur la guerre : refusons le militarisme et l’escalade guerrière !

En se donnant pour objectif de construire une « Europe puissante » et de faire de la France « l’armée la plus efficace du continent », Macron espère capitaliser sur l’escalade guerrière pour remobiliser ses électeurs à un mois des européennes, en se donnant l’image d’un rempart contre les menaces qui pèsent sur le continent.

Alors même que les réarmements massifs n’ont jamais débouché que sur l’escalade des conflits, nous devons dénoncer le militarisme croissant qui ne sert que les intérêts des industriels de l’armement et des marchands de mort, et les intérêts économiques des Etats au service de leurs grands patronat respectifs.

De même, à l’heure où la crise économique nous plonge toujours plus dans la précarité, et, qu’en Europe et aux Etats-Unis, les budgets militaires explosent, nous devons dénoncer les milliards d’euros qui sont versés dans les poches des industriels de l’armement, et qui n’auront pour résultats que des milliers de morts supplémentaires.

Enfin, dans un contexte où l’extrême-droite se renforce partout en Europe, nous devons dénoncer des discours qui ne font que renforcer une « Europe forteresse », nationaliste et guerrière.


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