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Sursaut nationaliste, appel au changement ou crise sous-jacente ?

Le second tour confirme le raz-de-marée de Pè a Corsica

56%. Le score est sans appel. Le second tour a balayé la droite traditionnelle après avoir éliminé la gauche dès le premier tour. Il a minorisé la formation de Macron et porté en tête du scrutin les nationalistes menés par Gilles Simeoni et Jean-Guy Talamoni.

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Ce second tour confirme plusieurs éléments du premier, en les amplifiant. Il est loin le temps des « petits scores », ou tout simplement lorsque Unione Naziunale réalisait 17,30% des voix aux élections territoriales. Et pourtant ce n’était que 2004. Depuis, le vote pour les autonomistes et les indépendantistes est allé en se consolidant, plus encore après l’annonce d’une cessation unilatérale des opérations armées par le Front de Libération National Corse en 2014.

Faut-il pour autant en conclure à un avènement sans appel du nationalisme corse à l’aune des derniers processus d’Ecosse et de Catalogne ? Derrière la poussée du nationalisme corse, comme en Ecosse et en Catalogne, il y a un discrédit des partis traditionnels et des formes plus ou moins profondes de crises de régime, qui se déclinent, au sein des régions périphériques des métropoles impérialistes, avec encore plus d’intensité.

Derrière le vote pour Pè a Corsica, il y a autant la colère contre Paris que contre les partis clientélistes, de gauche réformiste comme de droite. Il y a donc la volonté de changer de cap, même si cela s’exprime avant tout par un très haut niveau d’abstention (près de 48%) ou, dans le cas du vote pour la liste Simeoni-Talamoni, par un choix en faveur d’un ticket qui a annoncé, d’entrée de jeu, sa volonté de négocier (en position de force, certes, mais toujours dans le cadre de la concertation avec Paris).

Parmi les principales revendications qui sont portées par le vote pour Pé a Corsica, la plupart sont anticonstitutionnelles et ne pourraient être arrachées que par un vaste mouvement populaire à échelle de l’île et de l’Hexagone : la reconnaissance de la langue corse, comme de toute langue dite « régionale », est interdite par la Constitution ; la libération de prisonniers politiques, condamnés et incarcérés pour avoir combattu au sein des organisations politico-militaires corses, est inconcevable pour Paris, qui n’a, en revanche, jamais jugé ses propres crimes en barbouzeries, que ce soit en Corse, en Euskadi-Pays Basque ou en Bretagne ; l’autonomie politique de l’île, même partielle, ne saurait être possible pour le gouvernement, pas plus que la création d’un statut de résident (une façon, selon les nationalistes, de lutter contre la spéculation immobilière).

Là où Macron pourrait intervenir, en revanche, c’est au niveau fiscal, et ce pour la plus grande satisfaction du patronat corse, petit et gros, nationaliste ou républicanophile. C’est bien, d’ailleurs, le point commun entre les politiciens clientélistes d’hier et les politiques corses de Pé a Corsica : leur lien avec la bourgeoisie insulaire.

De façon à atténuer la défaite encaissée, Macron a demandé à Edouard Philippe d’adresser ses « félicitations républicaines » aux vainqueurs des élections de dimanche. Une façon, pour le macronisme, de se poser en discontinuité avec les pratiques jacobines du passé, alors qu’il a été sévèrement sanctionné lors de cette élection, autant que ses prédécesseurs. Ce ne sera pas suffisant pour faire oublier les contradictions qui couvent.

Comme en Gwadloup-Guadeloupe, en 2009, comme en Lagwiyàn-Guyane, en 2017, c’est bien par la périphérie que pourraient s’exprimer les signes avant-coureurs d’une crise plus profonde dont l’élection de Macron est tout autant l’expression que la tentative de la colmater. Le résultat du scrutin corse vient rappeler au macronisme que son quinquennat pourrait bien s’avérer bien plus complexe, y compris d’un point de vue institutionnel, que les plus enthousiastes de ses « marcheurs » ne le voudraient.

Crédits Photos : Rita Scaglia/SIPA


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