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Entretien

Victoire ! Hélène, prof réprimée sous Blanquer, obtient sa réintégration

En février 2021, Hélène, prof des écoles et syndicaliste est mutée. Un acte de répression comme il y en a eu de nombreux ces dernières années. N’ayant rien lâché et largement soutenu, Hélène a fini par l’emporter, nous l’avons interviewée.

12 avril 2023

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Parce qu’elle est professeure des écoles investie dans la pédagogie Freinet, parce qu’elle a fait ses classes auprès de Véronique Decker, parce qu’elle est syndicaliste engagée à Sud Éducation 93 et militante à l’ICEM (Institut Coopératif de l’Ecole Moderne). L’administration en 2021 a monté de toutes pièces un dossier et a décidé de l’arracher à ses élèves et de la « muter dans l’intérêt du service ». Une répression qui s’inscrit à ce moment-là dans une offensive de l’administration Blanquer et qui vise à faire taire tous les militants syndicalistes, pédagogistes engagés qui osent batailler et remettre en question les réformes du ministre ! Hélène Careil faisait appel de cette décision jeudi 9 mars au tribunal administratif de Montreuil et a obtenu victoire ce mardi 4 avril. Entretien avec celle dont la campagne de solidarité a permis de gagner face à la répression.

RP : Le 4 février 2021 tu apprends ta mutation dans « l’intérêt du service » de l’école Marie Curie de Bobigny sur laquelle tu travaillais depuis des années. Comment comprends-tu à ce moment-là cette répression déguisée ?

Hélène Careil : Mon dossier administratif était plus ou moins vide et les quelques documents présents ne me concernaient pas ou alors étaient des mails syndicaux qui n’avaient rien à faire dans ce dossier. La rapidité de cette décision, la non-prise en compte du soutien de quasiment l’ensemble de mes collègues et des parents d’élèves montrent bien que le rectorat a voulu se dépêcher de me muter pour que l’on ne se rende pas compte de la supercherie. L’inspectrice de Bobigny essayait de casser depuis un an et demi le collectif et les projets pédagogiques de l’école. Nous avions réussi à pas mal résister en utilisant nos droits et en restant soudé (audience, fiches RSST, motions...) pour nos conditions de travail, pour les élèves et leur famille et pour notre projet d’école. Il fallait donc que l’inspectrice frappe un grand coup et déstabilise le collectif que nous étions. Étant identifiée comme militante syndicale et pédagogique, j’étais donc selon elle, celle qui initiait tout. Un mépris de plus pour les collègues de l’équipe. Avec la complicité du DASEN et du recteur (aidé par leur aversion pour Sud éducation), il a donc été acté de me muter dans « l’intérêt du service ». Sans jamais me convoquer, juste une lettre pour aller consulter un dossier avant les vacances et juste une deuxième lettre pendant les vacances pour m’affecter ailleurs à la rentrée.

RP : Un large front de solidarité s’est mis en place pour te soutenir avec des parents, collègues, figures de l’éducation mais aussi des cheminots, des agents de la RATP ou d’autres travailleurs. Qu’est-ce que t’as apporté cette solidarité dans la lutte face à la répression ?

HC : Depuis deux ans, on me demande souvent comment j’ai pu tenir, comment je prends encore plaisir à exercer mon métier, comment je crois encore au service public de l’éducation. Et à chaque fois, je réponds que ce qui m’a fait tenir, c’est le collectif. Qu’il soit syndical et/ou issu des mouvements pédagogiques et/ou politique, il permet de transformer une situation individuelle en un combat collectif. Parce que ce n’était pas moi individuellement qui ai été ciblée, c’était ce que je représentais et ce pourquoi je me battais au quotidien en étant enseignante à Bobigny et en utilisant une pédagogie émancipatrice.

RP : Beaucoup de profs et personnels de l’éducation militants ont été réprimés ces dernières années. Est-ce qu’il y a eu un tournant dans l’éducation autour des années Blanquer, marquées par un management décomplexé et un accroissement de l’autorité des chefs ?

HC : Oui, cela a été un tournant, mais Blanquer est parti et la répression n’est pas partie avec, comme on l’a écrit dans un article avec Kai Terada dans N’Autre Classe (voir n°20) !

RP : Toi qui suis beaucoup de cas similaires peux-tu nous parler de la nature de ces différents cas de répression ?

HC : Les modalités varient à deux, trois choses près. Dans les lycées, on retrouve souvent une enquête à 360° faite par l’administration pour mettre en cause des collègues qui n’appliqueraient pas le principe de laïcité. Il y a aussi eu les collègues qui se sont battu.es contre les E3C. En primaire, on retrouve des collègues qui ont refusé individuellement ou collectivement de se soumettre aux injonctions pédagogiques et institutionnelles du ministère dans l’optique de mettre en concurrence les écoles et les collègues entre eux et elles et d’imposer une pédagogie réactionnaire. Mais la finalité de toutes ces répressions est la même, casser un collectif, empêcher toutes formes de contestations et faire croire que les collègues sont muté.es parce qu’ils ou elles seraient des investigateurs ou investigatrices de mobilisation. Et comme, l’administration n’a rien concrètement à nous reprocher, il n’y a aucune commission disciplinaire, simplement des mutation dans « l’intérêt du service » au bon vouloir du recteur et/ou du DASEN.

RP : Ces dernières années le secteur de l’éducation a encaissé beaucoup d’attaques (suppression de poste, perte de moyens, fermetures de classes et d’établissement), la répression est une façon de faire passer tout ça et de discipliner le secteur, quelle réponse doit-on donner face à ça ?

HC : Résister ! Et surtout (re)créer du collectif.

RP : La victoire au tribunal administratif ça signifie quoi pour toi ?

HC : Je suis allée au tribunal dans l’espoir que se fasse une jurisprudence, chose faite, espérons que ça les freine dans leur délire de mutation dans l’intérêt du service et que cela serve pour les futurs recours des camarades muté.es.


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