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« Sommet démographique » : l’extrême-droite réunie à Budapest pour attaquer nos droits reproductifs

Meloni, Orban, Jordan B. Peterson et de nombreux autres réactionnaires ont participé les 14 et 15 septembre au Sommet Démographique de Budapest. Une réunion où les secteurs les plus réactionnaires de la bourgeoisie discutent des offensives à mener contre les droits des femmes et des LGBT.

Matthias Lecourbe

26 septembre 2023

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« Sommet démographique » : l'extrême-droite réunie à Budapest pour attaquer nos droits reproductifs

Crédit Photo : Intervention de Meloni au Sommet Démographique

Les 14 et 15 septembre derniers s’est tenu le cinquième Sommet Démographique de Budapest, une réunion organisée tous les deux ans dans la capitale hongroise depuis 2015 au cours de laquelle des personnalités politiques et des intellectuels réactionnaires se retrouvent pour discuter du « déclin démographique » de « l’Occident ». L’événement attire de plus en plus de personnalités de premier plan.

En 2019, Tony Abbott, alors premier ministre de l’Australie y avait participé, puis, en 2021, Mike Pence, vice-président de Donald Trump, pour les Etats-Unis, le candidat à la présidentielle à l’époque Eric Zemmour et Marion Maréchal Le Pen, tête de liste à l’heure actuelle aux élections européennes pour Reconquête. Cette année, on a compté parmi les participants la présence du premier ministre et de la présidente hongrois Viktor Orban et Katalin Novák, dont le gouvernement co-organise l’événement avec les ONG fortement liées au régime et au parti présidentiel, de la présidente du Conseil italienne Giorgia Meloni, du président bulgare Rumen Radev et du président serbe Aleksandar Vučić. Parmi les autres têtes d’affiche de l’édition 2023 se trouvent aussi Jordan B. Peterson, psychologue réactionnaire et figure de la lutte contre le wokisme dans le monde anglo-saxon, ou encore James Heckman, prix Nobel d’économie en 2000.

La problématique centrale abordée lors de ces sommets est toujours celle de la baisse du taux de fécondité des femmes, en particulier dans « l’Occident ». En effet, les chiffres de la natalité sont regardés de très près par la bourgeoisie qui doit s’assurer de la reproduction de la force de travail, c’est-à-dire de la formation des générations de travailleurs qu’elle va exploiter. Or, pendant qu’une part croissante de travailleurs vieillissent, et deviennent donc inexploitables et dépendants des services publics et des retraites, la force de travail manque dans divers secteurs.

Un moyen de compenser cette tendance à la diminution de la force de travail pourrait être – à court et moyen terme pour les puissances impérialistes – d’avoir recours à de la main d’œuvre immigrée : une solution que le premier ministre hongrois Viktor Orban exclue d’emblée dans son discours au Sommet de 2021, expliquant que cette solution serait incompatible avec le maintien d’une « culture commune » européenne, qu’il envisage comme nécessaire à la « coexistence » au sein du continent. Au-delà d’Orban, ce n’est clairement pas l’orientation de l’Union Européenne qui est en train d’instrumentaliser la crise en cours à Lampedusa pour renforcer sa politique anti-immigration et son projet d’Europe forteresse. Il est donc urgent pour les États européens de rehausser les taux de fécondité.

Ouvrant la session intitulée « La famille est la clé pour la sécurité », Giorgia Meloni, présidente du Conseil italien, explique que la question de la natalité est une préoccupation fondamentale de son gouvernement. Elle constate le faible taux de fécondité dans son pays, mais explique qu’on a vu dans l’Histoire des taux de fécondité élevés dans des périodes économiquement difficiles, même dans les moments de guerre : elle avance donc que la baisse du nombre de naissances en Italie n’est pas fondamentalement liée aux conditions matérielles dans lesquelles vivent les travailleurs, mais à l’avancée d’une idéologie « anti-famille » et « individualiste ». « Nous vivons à une époque où tout ce qui nous définit est attaqué » a-t-elle déclaré, ajoutant que la défense du modèle traditionnel de la famille et de « Dieu  » fait partie d’une « grande bataille » pour protéger l’humanité et les droits des personnes.

Celle qui se présente comme « une femme, une mère, une italienne, chrétienne » revendique avec force les politiques de Viktor Orban en matière de natalité. Ce dernier défend depuis plusieurs années un « plan d’action pour la famille » qui comprend différentes mesures natalistes, allant de mesures fiscales destinées aux familles nombreuses jusqu’à des restrictions du droit à l’avortement, dont la dernière en date, particulièrement infâme, consiste depuis 2022 à obliger les femmes à écouter le coeur du foetus avant de pouvoir avorter.

Sans revendiquer la restriction du droit à l’avortement, Meloni explique prendre exemple sur le gouvernement d’Orban qui, en « mobilisant des ressources pour soutenir les familles les enfants », aurait réussi le pari d’augmenter le taux de fertilité de femmes et leur taux d’emploi. Des « résultats » qui, dans l’objectif de justifier la restriction des droits des femmes, sont largement instrumentalisées : le taux de fertilité hongrois n’a que légèrement dépassé les 1,5 enfants par femme avant de recommencer à diminuer cette année, ce qui n’inverse pas la tendance au vieillissement de la population.

De même, il est difficile d’établir un lien de corrélation entre l’augmentation du taux d’emploi des femmes et cette relative hausse de la fécondité. En réalité, interdire ou restreindre l’accès à l’avortement ne modifie pas durablement le taux de recours à l’avortement ou celui de fécondité. De la même façon, les politiques anti-migrants meurtrières menées par les États impérialistes ne dissuadent pas des milliers de personnes chaque année de risquer leur vie en Méditerranée pour venir se réfugier en Europe.

Derrière les chiffres agités par les dirigeants d’extrême-droite, les offensives anti-migrants et antiféministes ont donc avant tout une fonction idéologique. Il s’agit pour l’extrême-droite de se coordonner au niveau mondial pour préparer des attaques contre les travailleurs, en renforçant l’oppression de certaines catégories de la population. Une oppression qui passe d’un côté par la précarisation accrue du statut déjà très précaire des travailleurs immigrés et, de l’autre, par la réaffirmation de la famille nucléaire hétérosexuelle comme unité de base de la société capitaliste, au sein de laquelle du travail est effectué gratuitement par les femmes et les LGBT, les jeunes, les handicapés, etc.

À rebours de la rhétorique qu’utilisent des figures de l’extrême-droite comme Meloni ou Marion Maréchal pour tromper les travailleuses et les travailleurs, il ne s’agit pas de « laisser le choix aux femmes de pouvoir devenir mères  », mais bel et bien de nous diviser alors que la bourgeoisie prévoit des offensives d’ampleur pour maintenir ses profits face à la crise. Face aux réactionnaires qui veulent renforcer leur contrôle sur nos corps à des fins impérialistes, il est urgent de construire un mouvement féministe international à même d’imposer le droit et l’accès à l’avortement libre et gratuit pour toutes les personnes susceptibles d’avorter, mais aussi de la PMA et de la possibilité de transitionner pour tous·tes. Des revendications à mettre en avant dès le 28 septembre, journée internationale pour le droit à l’avortement.


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