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Europe forteresse

Europe meurtrière : l’UE verse 1 milliard d’euros au Liban pour empêcher les migrants de fuir la guerre

Dans la continuité de sa politique migratoire xénophobe et sécuritaire, l’Union Européenne vient de signer un accord avec le Liban pour externaliser la gestion de ses frontières. Une chasse aux migrants qui va de pair avec le soutien accordé à Israël pour déstabiliser la région.

Arno Gutri

9 mai

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Europe meurtrière : l'UE verse 1 milliard d'euros au Liban pour empêcher les migrants de fuir la guerre

Crédits photo : Capture d’écran Euronews

Mois après mois, Ursula von der Leyen poursuit ses déplacements pour renforcer l’Europe forteresse. Après la Tunisie, l’Egypte, le Maroc ou la Mauritanie, c’est au Liban que la présidente de la Commission européenne s’est rendue, le 2 mai, accompagnée du premier ministre chypriote Nikos Christodoulidis, pour signer un accord visant à refouler et maintenir les migrants hors des frontières de l’Union européenne en contrepartie d’une aide financière. Une étape supplémentaire dans l’externalisation de la politique migratoire de l’UE.

Le Liban traverse une crise économique particulièrement brutale depuis plusieurs années, enchaîné par les créanciers internationaux. Sa dette publique s’élève à plus de 100 milliards de dollars. Face à la pauvreté qui explose et désormais aux bombardements incessants d’Israël dans le Sud du pays et à la déstabilisation régionale engendrée par Tsahal, les déplacements depuis le Liban augmentent.

L’enveloppe de l’UE d’un montant d’un milliard d’euros étalée sur trois ans va notamment permettre de financer les forces armées libanaises « dans la lutte contre la traite et le trafic d’êtres humains », selon la communication officielle, en fournissant matériel et formation militaires. En réalité, l’UE va former et envoyer des moyens répressifs supplémentaires au Liban pour empêcher les populations civiles de fuir une zone au bord de l’embrasement. L’enveloppe fournie annuellement par l’Europe pour transformer le Liban en garde-frontière équivaut à plus de 10% du budget de l’Etat libanais, autant que le budget alloué à la santé publique !

Des moyens qui vont être mis au service de la poursuite de la politique xénophobe des autorités libanais vis-à-vis des 1,5 millions de réfugiés syriens qui ont fui la guerre civile en 2011. Ceux-ci sont maintenus dans l’irrégularité et donc dans une pauvreté et une insécurité extrêmes. « Environ 90 % des réfugiés syriens ne peuvent satisfaire leurs besoins fondamentaux, tels que l’accès aux soins de santé, à la nourriture et à l’éducation, et doivent se tourner vers l’aide humanitaire », rappelle ainsi le Haut Commissariat aux Réfugiés.

L’UE étudie également la possibilité de considérer certaines zones de la Syrie comme « sûres », permettant ainsi au Liban d’expulser légalement selon le droit international des réfugiés syriens dans leur pays d’origine, malgré les risques de représailles du régime d’Assad. Après avoir semé la misère et le chaos, il s’agit pour l’ UE de déplacer les réfugiés comme des pions d’un pays à un autre pour ses propres intérêts.

Enfin, l’accord chercherait à étendre la coopération militaire entre l’UE et le Liban. Pour von der Leyen, « Il serait très utile que le Liban conclut un accord de travail avec Frontex, notamment en ce qui concerne l’échange d’informations et la connaissance de la situation ». Alors que 2023 marqué un triste record de plus grand nombre de morts en méditerranée avec plus de 8 500 morts, le renforcement des dispositifs de Frontex et la sous-traitance de la répression contre les migrants va continuer à faire de la Méditerranée un cimetière à ciel ouvert.

Sécuriser et refouler : les nouveaux mots d’ordre de l’UE

Ce nouvel accord de l’UE répond de plus à une demande historique de Chypre dans un contexte de répression exercée par les autorités de l’île contre les migrants en provenance du Liban. En effet, une première rencontre s’est tenue entre le premier ministre chypriote Nikos Christodoulidis et le premier ministre libanais par intérim, Najib Mikati, le 8 avril dernier à Beyrouth. Lors de celle-ci, le premier ministre chypriote avait fait la promesse d’ « un paquet spécifique de soutien économique pour la gestion des migrations », qui correspond donc à l’enveloppe d’un milliard accordée par l’UE.

Le même jour, Chypre déclarait l’état de « crise migratoire » en réaction à une augmentation des arrivées de migrants, conséquence du risque d’embrasement régional au Moyen-Orient. La notion de « crise migratoire », au cœur du deuxième volet du pacte Asile et immigration voté le 10 avril au Parlement européen, permet la mise en place de mesures exceptionnelles, comme la suspension des obligations liées au droit d’asile et la mise en place de mesures sécuritaires aux frontières. Autrement dit, dans cette situation, le refoulement ou la détention prolongée des migrants dans des camps fermés, déjà pratiquées, deviennent tout à fait légales.

Aussitôt adopté, aussitôt appliqué. Le 14 avril, le gouvernement chypriote a suspendu les procédures de demandes d’asile pour les réfugiés syriens. Deux jours plus tard, les garde-côtes ont refoulé deux bateaux à la dérive depuis 4 jours avec à leur bord 73 personnes « affamées, assoiffées et pour certaines malade », selon l’ONG EuroMed Rights. Une situation inhumaine qui risque de s’accentuer avec le nouvel accord signé entre l’UE et le Liban qui aura notamment vocation à empêcher les réfugiés d’arriver jusqu’à Chypre.

La répression des réfugiés, la militarisation des frontières est un aspect essentiel de la préparation à la guerre des puissances impérialistes. Il faut pouvoir exploiter et piller des pays, exporter des armes qui sèment la désolation et créent la famine, sans avoir à donner refuge aux populations civiles. Le soutien au génocide à Gaza et la montée des tensions entre puissances implique une vassalisation accrue des pays semi-coloniaux et le redéploiement des frontières (néo-) coloniales : celles où l’on refoule, où l’on emprisonne et où l’on tue les migrants au nom du droit capitaliste européen.


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