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« Ça coûte des vies » : Brest, Morlaix, Tours… les grèves dans les hôpitaux se multiplient 

CHU de Brest-Carhaix, de Morlaix, services hospitaliers de Tours… Depuis des mois la fatigue, le ras-le-bol et la colère se font entendre dans de nombreux centres hospitaliers où se succèdent les grèves.

Augustin Tagèl

8 décembre 2023

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« Ça coûte des vies » : Brest, Morlaix, Tours… les grèves dans les hôpitaux se multiplient

Crédit Photo : CC Flickr ADEUPa Brest

Au centre hospitalier universitaire de Brest-Carhaix, des journées de grève et d’actions se préparent. Face au manque de personnel et de moyens et contre la dégradation des conditions de travail, une intersyndicale regroupant la CGT, la CFDT et SUD s’est formée pour mener la lutte et interpeller les autorités de contrôle.

« Nous avons appelé à des actions pour la visite de la haute autorité de santé, en début de semaine prochaine, parce que toutes les visites de certification qu’ils font sont soigneusement préparées par la direction », nous explique Myriam Vals, déléguée syndicale SUD santé au CHU de Brest. « En façade, tout va toujours pour le mieux le temps de la visite. Nous ne pouvions pas laisser faire cela, nous allons interpeller les contrôleurs, et leur montrer les problèmes. Ils ne pourront pas nous ignorer, nous devons faire craquer le vernis derrière lequel ils veulent cacher la réalité du travail en CHU », surenchérit-elle.

Cette réalité à plusieurs facettes, mais la plus grave est sans doute celle du manque criant de personnel. Au service des urgences du CHU de Brest, les personnels sont en grève depuis le 7 novembre, et luttent pour des embauches. Leur secteur est, en effet, particulièrement atteint : sur les 54 postes, 13 ne sont pas pourvus, ce qui entraîne une augmentation de travail, de fatigue et de pression pour les médecins en sous-effectif.

Pour la syndicaliste de SUD, le constat et les liens sont clairs : « Le manque d’attractivité est la source du manque de personnel. Ce sont les conditions de travail lourdement dégradées qui sont en cause : être rappelé pendant ses repos, les plannings qui changent sans cesse, aucune considération de la part de la hiérarchie, demander toujours plus à toujours moins de personnel qui crée une importante fatigue chez les personnels hospitaliers ».

« L’exception devient la norme » : le régime des 12 heures mis en cause comme seul remède au manque de personnel

Devant la pénurie de personnel dans les hôpitaux, les directions ont de plus en plus recours au système des 12 heures, comme en témoigne Myriam Vals : « ce système d’horaire qui était supposé être dérogatoire, exceptionnel, pour une situation donnée est en train de devenir la norme ». En effet, dans des cas particuliers, des postes de travail en 12 heures peuvent être mis en place au sein des hôpitaux, de manière dérogatoire, mais sont conditionnés par le respect de deux critères, comme le rappel la CGT AP-HM. Il faut d’une part que les contraintes de continuité du service public l’exigent en permanence, par exemple en cas de manque de personnel, et il faut d’autre part un avis du comité technique d’établissement puis du CHSCT sur le principe de la mise en place de ce mode d’organisation du travail.

Une logique que dénonce la syndicaliste : « Au lieu d’améliorer les conditions de travail pour augmenter l’attractivité et permettre des embauches, ils n’ont rien trouvé de mieux à mettre en place que ce système pour faire face au manque de personnel hospitalier, d’infirmière, d’aide soignant et de médecin ». Et d’ajouter : « Imaginez une mère de famille, avec 30 ans de boite derrière elle, avec la fatigue et les douleurs, devoir travailler en 12 heures ! Évidemment, pour la direction et les RH, tout va bien et tout le monde est content avec cela, mais ce n’est pas le retour que nous avons des agents ».

Loin de permettre à l’hôpital de souffler et de reprendre des forces, la pérennisation du fonctionnement en 12 heures conduit à l’approfondissement de la crise, en continuant de dégrader les conditions de travail et donc l’attractivité du secteur. Myriam Vals l’illustre ainsi : « Le système des 12 heures a des effets pervers évidents. Au-delà de la fatigue que cela ajoute de devoir travailler 12 heures de suite, il y a aussi d’autres problèmes. Prenez les temps de transmission par exemple : c’est 30 minutes nécessaires entre les équipes pour couvrir les 24 heures de la journée, mais ils ne se sont pas compris dans les 12 heures. La pause repas de 30 minutes n’est pas payée et bien souvent, les infirmières n’ont pas le temps de manger. Les agents se retrouvent à devoir faire 12 h 30 en réalité, payé 11 h 30. Au final, c’est une heure de travail gratuit par jour ».

Grèves pour les conditions de travail ou les embauches : des luttes qui s’étendent dans plusieurs hôpitaux

Les grévistes du CHU de Brest, en grève depuis le 7 novembre ont gagné la solidarité du personnel du centre hospitalier de Morlaix, qui a décidé de partir en grève illimitée le 16 novembre. Comme le rapporte le Télégramme leurs revendications concernaient une augmentation du personnel ainsi que des investissements d’infrastructure. Leur combat à payé puisque le 8 décembre, selon le Télégramme toujours, les grévistes ont obtenu satisfaction et un protocole de fin de conflit a été signé. 

À Tours, la liste des mobilisations s’allonge. Les urgences sont en grève depuis 2019, 18 des 20 services de l’hôpital pour enfants Clocheville sont mobilisés depuis début octobre ainsi que les équipes de nuit du CHRU et le pôle de chirurgie digestive. Le 27 novembre, c’est le pôle cardiologie du CHRU qui a rejoint le mouvement, avec un appel à la grève illimitée pour protester contre le manque de personnel qui épuise les équipes. « Il y aura des locaux tout neufs, mais il n’y aura plus personne à mettre dedans. L’hôpital brûle de l’intérieur. Il s’autoconsume », témoigne Sébastien Hameau, syndicaliste SUD, auprès de France 3 Régions.

Cette dynamique de grève qui touche de plus en plus de centres hospitaliers est révélatrice du profond mal-être des agents et des personnels. Pour Myriam Vals « ça devient national avec la réorganisation en cours des hôpitaux pour les maintenir en sous-effectif, au lieu de chercher à améliorer les conditions de travail pour augmenter le recrutement  ». Un mal-être aggravé par le sentiment de ne plus pouvoir bien faire son travail, ou de mettre en danger les patients, à l’image du décès d’un bébé dans la nuit du 27 au 28 septembre à l’hôpital de Carhaix, alors que le service d’urgence de l’hôpital était fermé de nuit depuis le 4 septembre. Pour Mathieu Guillemot, porte-parole du Comité de Défense et de vigilance de l’hôpital de Carhaix et cité par France 3 Régions, le lien est clair : « Nous avons de la colère après ce décès de cette fillette. C’est inexcusable. Cette fermeture, ça coûte des vies ».

Une situation qui va de paire avec le manque de budget dont souffre la santé publique : «  nous venons encore de le voir récemment, avec le vote du dernier budget de la sécurité sociale. La Sécu avait prévenu et alerté qu’il était insuffisant, mais ils l’ont fait passer de force avec un énième 49.3 », ajoute la syndicaliste. Une provocation de plus de la part du gouvernement qui étale son mépris pour les soignants, mais face auquel ces derniers sont de plus en plus déterminés à lutter. 


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