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La Izquierda Diario
11 de septembre de 2017 Twitter Faceboock

À 44 ans du coup d’État militaire
Chili. Unité Populaire, « cordons industriels » et coup d’État
Isabel Infanta

Le 11 septembre 1973, l’Armée dirigée par Augusto Pinochet bombardait le Palais de la Moneda au Chili. Ils ont pris d’assaut les bureaux du pouvoir étatique, les usines, les quartiers populaires et les syndicats étudiants.

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Le coup d’État sanglant fut organisé par le patronat chilien, les forces armées et l’Ambassade Nord-américaine, dans le but de tuer le processus révolutionnaire qui se développait parmi les travailleurs chiliens. Ce dernier s’inscrivit alors dans le cadre du grand mouvement de lutte ouvrière et populaire des années 70 en Amérique du Sud, qui a notamment traversé l’Argentine, et dont le Chili fut le processus le plus profond.

Ce mouvement des masses exprimait alors l’énorme mécontentement social existant du fait de l’absence de prise en compte des revendications urgentes de la population. Le gouvernement de la Démocratie Chrétienne (DC) dans les années 60 n’avait en effet pas répondu à des demandes fondamentales comme la nationalisation du cuivre et des secteurs clés de l’économie du pays, la réforme agraire ou encore le problème du logement.

Ce mécontentement social s’exprima alors par des grèves, des récupérations d’usines et de terres. Avec l’avancée dans l’organisation et la conscience des masses l’idée que pour vaincre le patronat il fallait prendre le pouvoir politique se développa.

La stratégie politique de l’Unité Populaire

Les travailleurs se rapprochèrent alors des grands partis traditionnels de la gauche chilienne, le Parti Socialiste (PS) et le Parti Communiste (PC). Ces organisations politiques réformistes organisaient les travailleurs non pour lutter en vue de leur indépendance politique, dans le but de la prise du pouvoir, mais plutôt pour les subordonner aux accords avec la bourgeoisie nationale avec des réformes limitées dans le cadre du capitalisme.

C’est ainsi que surgit l’Unité Populaire, une coalition entre le PS de Salvador Allende et le PC, ainsi que le petit Parti Radical, une organisation de la bourgeoisie libérale, entre autres organisations. La plupart des organisations de l’extrême gauche rejoignirent alors l’Unité Populaire. Le Mouvement de la Gauche Révolutionnaire (MIR) fut la principale organisation a ne pas en faire partie, oscillant entre la volonté d’encourager les masses et le soutien à Allende, comme « pression de l’extérieur ».

Bien que l’UP fut présentée comme le produit d’une révolution dans la démocratie, son objectif limité était le renforcement d’un État gestionnaire des ressources économiques stratégiques et le développement d’un « capitalisme national », avec une certaine autonomie face à l’impérialisme nord-américain.

Cette stratégie, nommée « voix pacifique vers le socialisme », impliquait que les riches et les entrepreneurs renoncent à leurs propriétés privées et à leurs privilèges et que les Forces Armées respectent la « démocratie ».

Le gouvernement de Salvador Allende

L’UP gagna les élections présidentielles de 1970, avec un programme qui incluait la nationalisation des mines de cuivre, de fer et de sel, qui étaient dans les mains des entreprises impérialistes, ainsi que de certains secteurs industriels et de terres appartenant aux grands propriétaires.

Le gouvernement d’Allende nationalisa ainsi plusieurs mines et des usines, en rachetant leurs actions ou en indemnisant les patrons ; il y eut quelques avancées dans le contrôle de l’État sur le commerce extérieur ; la nationalisation des banques fut quant à elle limitée à l’achat des actions des banques privées, la réforme agraire distribua des terres tout en respectant la bourgeoisie agraire.

Les réformes d’Allende ne permirent cependant pas d’avancer dans la rupture avec l’impérialisme, ni dans la distribution de la terre au travers d’une réforme agraire radicale, et encore moins de mettre fin au pouvoir de la bourgeoisie, même si ces petites modifications dérangèrent les classes dominantes.

1972 : une année clé

Cette année-là, le projet de l’UP commença à montrer ses faiblesses. Les patrons contribuèrent à la crise économique par le sabotage et le désapprovisionnement. Certains groupes fascistes, comme Patrie et Liberté, se livraient à des attentats, et des secteurs bourgeois et militaires conspiraient ouvertement, entraînant des secteurs de la classe moyenne. La crise s’aggravait avec le lock-out patronal, comme celui des camionneurs, entre autre éléments de l’offensive droitière dans le cadre d’une énorme polarisation sociale.

À la base, les travailleurs faisaient l’expérience d’un processus d’occupation de centaines d’usines, dont beaucoup fonctionnèrent sous contrôle ouvrier. Les ouvriers organisèrent des comités de ravitaillement, tandis que les paysans et les sans-abris occupaient des terres et s’organisaient.

Vers la moitié de l’année les travailleurs commencèrent à coordonner leurs luttes par zones ou régions, allant plus loin que la direction de la CUT. Les « Cordons Industriels » (coordinations des comités d’usines) étaient une forme très embryonnaire de pouvoir ouvrier et populaire qui permettait l’unité d’action de la classe ouvrière sur la base de discussions et de prises de décisions démocratiques.

La coordination entre des dizaines d’usines et ateliers permettait de résoudre tous les problèmes de production et de distribution propres au contrôle ouvrier. De plus, certains travailleurs commencèrent à s’armer pour défendre leurs acquis.

Les ouvriers demandaient au gouvernement la nationalisation des usines et des ateliers, mettant en question la propriété privée capitaliste. Dans les Assemblées Générales se discutait la question de la stratégie à avancer pour mettre en échec le patronat ; ces organisations ouvrières apparaissaient comme une alternative au pouvoir de l’État bourgeois.

Les travailleurs devaient cependant s’affronter dans ces discussions au Parti Communiste qui justifiait le fait de vouloir rendre les usines aux anciens propriétaires en s’appuyant sur une loi qui permettait à l’Armée de perquisitionner les usines prises par les ouvriers pour chercher des armes. Ce même PC cautionnait la nomination de Pinochet en tant que Chef des Armées de Terre face à l’imminence du coup d’État et négociait avec les partis bourgeois au Parlement, où siégeait une majorité de Démocrates Chrétiens.

Le dénouement du coup d’État

La peur des patrons face à la poussée des masses et l’incapacité du gouvernement d’Allende à la contenir accélérèrent les préparatifs du coup d’État. Sous la direction des entreprises impérialistes telles que l’ITT, et l’intervention de Washington, ils unirent les forces armées pour le coup d’État, en séparant et réprimant ceux qui résistaient.

Un premier essai fut le « tanquetazo » en juin 1973, lequel échoua. Malgré cette mise en garde, Allende, le PS et le PC appelèrent les masses à faire confiance à la solidité de la démocratie chilienne, et au professionnalisme des militaires. Non seulement ils s’opposèrent à l’armement des travailleurs, qui en faisaient ouvertement la demande pour faire face au coup d’État imminent, mais ils encouragèrent les réquisitions des usines pour les désarmer.

Désorientés et démobilisés par ses propres partis et même la CUT, les travailleurs ne purent se préparer. Malgré quelques débuts de résistance, le Coup d’État du 11 septembre trouva la classe ouvrière impuissante et désarmé. La sanglante dictature d’Augusto Pinochet s’imposa pendant 17 ans, au cours desquels il a instauré sa domination en s’appuyant sur le néolibéralisme montant.

 
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