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La Izquierda Diario
22 de février de 2017 Twitter Faceboock

Interview de Claude Leclercq, délégué syndical CGT
Amiens. Grève surprise à Simply Market contre les bas salaires et le management de la terreur !
Flora Carpentier
Link: https://www.revolutionpermanente.fr/Amiens-Greve-surprise-a-Simply-Market-contre-les-bas-salaires-et-le-management-de-la-terreur

Photo de gauche : Claude Leclercq, crédit : Infocom CGT

A Simply Market, les négociations annuelles obligatoires sur les salaires (NAO) sont comme ailleurs une véritable mascarade qui ressemble à s’y méprendre à une véritable humiliation pour les travailleurs, sous couvert de « dialogue social ». Alors que les salaires sont au plus bas dans cette enseigne du groupe Auchan où les travailleurs ne parviennent pas à boucler leurs fins de mois, la direction vient de proposer une augmentation de 0,6%, soit environ 6,60€ par mois. Du « foutage de gueule » pour Claude Leclercq, délégué syndical CGT d’un entrepôt de la zone industrielle d’Amiens où 80% des effectifs en CDI de l’équipe du matin a décidé de se mettre en grève ce mercredi. Un mouvement très réussi pour ce site qui compte 350 salariés, et qui a fortement bousculé la livraison des 78 magasins de la région. Les travailleurs espèrent ainsi faire entendre leurs revendications à une direction qui fait la sourde oreille : augmentation de 150€ net par mois, embauche des intérimaires et fin du « management de la terreur ». Entretien avec Claude Leclercq.

Propos recueillis par Flora Carpentier

« On a choisi de faire une action surprise pour que la direction ne puisse pas s’y préparer »

On est arrivés sur site à 3h30 à une vingtaine de militants. On a choisi de faire une action surprise pour que la direction ne puisse pas s’y préparer, sinon ça lui aurait permis d’organiser les départs de camions d’autres sites pour livrer les magasins. La grève a rencontré un très bon écho : on s’est retrouvé à 50 à 60 salariés devant l’entrepôt, avec un effectif total d’environ 80 grévistes sur la journée, sur les 2 équipes du matin et de l’après-midi. On était aussi très soutenus parmi les salariés qui ont été travailler parce qu’ils ne pouvaient pas se mettre en grève pour des questions financières ou de peur de perdre leur emploi. On a pris la direction à revers, et ça a très bien fonctionné, ils étaient dans la panade ! En plus ce week-end on est passés d’un mode de préparation manuel à un mode informatisé, où tout est géré en instantané : la préparation de commande, le chargement, la facturation, l’expédition… comme ils n’avaient pas le personnel pour, rien ne sortait, contrairement à avant où ils pouvaient prendre de l’avance, maintenant pour eux c’est plus compliqué à gérer.

« Une augmentation mensuelle de 6€ pour des salaires de 1200€, c’est du foutage de gueule ! »

Le but de la journée c’était de peser sur nos négociations de salaires car la direction propose une augmentation de 0,6% donc sur des salaires de 1200€ ça fait environ 6,60€, c’est clairement du foutage de gueule ! Ce que j’ai dit à la direction aujourd’hui, c’est qu’avec la journée de grève, j’ai perdu ce qu’elle nous propose en augmentation annuelle. Donc maintenant on n’a plus rien à perdre, on a tout à gagner, donc on n’a pas de souci pour aller au bout.

« Amiens c’est un peu le village de Gaulois qui résiste et qui fait parler de lui »

Au siège de l’entreprise à Massy Palaiseau, la direction nationale a dit que puisqu’on le site d’Amiens était bloqué, ils coupaient toute négociation. Ils ont attendu midi et quand ils ont vu qu’on continuait notre mouvement, ils ont renvoyé tout le monde chez eux, après avoir payé les déplacements des délégués de toute la France. Mais si on faisait grève aujourd’hui, c’est parce qu’il n’y a plus de dialogue dans l’entreprise. On nous ignore, la direction ne nous écoute plus. Ils peuvent passer 3 mois sans nous voir ! Mais Amiens c’est un peu le village de Gaulois qui résiste et qui fait parler de lui. Ils savent qu’on est capables de mobiliser et qu’on va rester vigilants sur l’avenir du site.

Du coup, ils cherchent à criminaliser l’action syndicale. Ce qu’ils veulent c’est pouvoir dire « vous voyez, on vous proposait 6 euros, à cause de la CGT vous n’aurez rien ». Pourtant, la décision de se mettre en grève n’a pas été prise que par la CGT. On est arrivés ce matin sur le site, on leur a dit « la direction propose ça, qu’est-ce qu’on fait ? » et on a décidé ensemble de se mettre en grève.
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« Ici c’est le management par la terreur, c’est en train de devenir Amazon »

Parmi les revendications il y a aussi l’arrêt du management par la terreur, parce que c’est en train de devenir Amazon ici : flicage de salariés, on voit des cadres courir après des salariés partis aux toilettes ou fumer une cigarette. Un cadre appelle, et puis un autre court pour constater et dire au salarié « Qu’est ce que tu fais là ? Il faut aller bosser… ». Sans compter qu’on travaille parfois par -2°C, vu que c’est un entrepôt et que tout est ouvert, et on n’a même pas le droit d’aller prendre un café ! On est en 2x8 avec une demi-heure de pause, et pour supprimer ce qu’on appelle les « pauses clandestines », la direction nous propose de fractionner notre pause en 2 pauses de 15 minutes pour qu’on puisse fumer à 2 moments de la journée. Mais à ce moment-là quand est-ce qu’on mange ? Du coup ce qu’ils veulent c’est qu’on débadge à chaque pause. C’est hallucinant cette pression qu’ils mettent sur les salariés. Maintenant on va aux toilettes et c’est limite si on n’a pas un cadre devant la porte qui nous dit « tu as été où ? ». Moi ça fait 18 ans que je bosse dans la boîte et je n’avais jamais connu un tel climat. C’est de pire en pire, les gens en ont plus que marre.

Les salariés n’ont qu’une envie, c’est de se barrer. Les intérimaires, il n’y en a plus un qui a envie de venir chez nous. On a une boîte d’intérim insérée dans l’entrepôt, et ils avouent ne plus trouver d’intérimaires qui acceptent de venir travailler à Simply Market, à cause de l’ambiance, du management, et des salaires. Parce qu’avec 1200€ on ne fait rien. Donc ils préfèrent attendre de trouver un boulot dans une boîte où ils seront moins traités comme des chiens.

« Chez nous on a des salariés pauvres. Certains sont poussés à l’extrême et se mettent à voler dans l’entrepôt »

Le management par la terreur, c’est aussi les sanctions en permanence : mises à pied conservatoires, avertissements, intimidations quotidiennes, licenciements pour faute... Je passe mon temps à assister les salariés. Ils tapent sur tous les salariés, ça n’arrête pas. Du coup il y en a qui craquent, il y en a même qui sont poussés à l’extrême et se mettent à voler dans l’entrepôt. C’est très fréquent chez nous vu que les gens ne gagnent pas assez. Ce n’est même pas pour faire du business, c’est de la chaparderie, quand les salariés voient quelque chose qui tient dans la poche, ils essayent de trouver de quoi complémenter leur salaire. Chez nous on a des salariés pauvres, avec 1200€ par mois, donc les gens tentent le tout pour le tout, quitte à être licenciés. Il y a par exemple un salarié qui a pris un mois de prison avec sursis et a été licencié pour avoir volé un carton de lames de rasoir. Vu le coût du paquet, ça lui rapportait une journée de salaire. Si nos salaires n’étaient pas si bas, il n’y aurait pas autant de vols, les mecs réfléchiraient à deux fois avant de prendre un tube de mayonnaise, des dosettes de café, des soupes lyophilisées… il y a de tout qui disparait, c’est vraiment du chapardage et c’est le résultat de la misère que Simply Market nous impose. C’est ça la réalité.

« Il y a toujours plus de précarité, pour plus de maniabilité, de flexibilité, de rentabilité, de productivité. Nous, on demande l’embauche des intérimaires »

Pour 420 salariés en CDI sur les 3 entrepôts d’Amiens, il y a en moyenne une centaine d’intérimaires depuis 2 ans, avec des contrats à la semaine. Ce n’est pas normal. En 2014 avec l’inspection du travail, on a réussi à faire embaucher 30 intérimaires en CDI, mais depuis ils n’ont pas remplacé les départs et le niveau d’intérimaires est remonté au même niveau. Donc là on a à nouveau entamé une procédure avec l’inspection du travail pour demander des engagements clairs de la direction en termes d’embauches. Parfois, la direction propose un CDD aux intérimaires. Mais nous ce qu’on dit c’est que c’est toujours un contrat précaire. Et la direction répond « Oui mais avec un CDD, ils ont un pied dans l’entreprise », comme si c’était une bonne chose d’avoir un CDD de 3 mois ! Alors que le recours au contrat précaire est fait pour une période ponctuelle et non un emploi permanent, il y a 25 à 30% de l’effectif en contrats précaires.

Il y a toujours plus de précarité, pour plus de maniabilité, de flexibilité, de rentabilité, de productivité. Et ça fait que les salariés ont peur de se mobiliser, c’est d’ailleurs ce qu’on a vu aujourd’hui sur le piquet, il n’y avait que des CDI. Les intérimaires on discute avec eux en leur expliquant que le droit de grève est reconnu, mais ils ont peur qu’il soit mis fin à leur mission. On leur dit que dans quelques mois ils vont être jetés comme un pauvre mouchoir, ils répondent qu’ils sont bien conscients de ça mais qu’ils veulent mettre toutes les chances de leur côté. C’est pour ça que nous on a toujours mis en avant la revendication d’embauche des intérimaires. Et on explique aux intérimaires qu’ils ont tout intérêt à se battre avec nous pour les salaires, parce qu’on est tous sur la même grille de salaires entre CDI et intérimaires.

« Ils veulent avoir affaire à des moutons, à des gens qui baissent la tête »

Ils veulent avoir affaire à des moutons, à des gens qui baissent la tête et ne se syndiquent surtout pas. Car ils savent que chaque CDI est un potentiel syndiqué CGT. C’est aussi pour ça qu’aujourd’hui la direction a réuni tous les salariés, des bureaux y compris, pour avoir un discours dans l’entrepôt pendant qu’on était dehors. C’est quelque chose qu’ils ne font jamais, mais là ils les ont réunis pour faire de la contre-information, dire qu’on était en train de saboter l’entrepôt, que les salaires ne se négocient pas ici. Une salariée a répondu que parmi les revendications il n’y avait pas que les salaires. Et là le directeur s’est énervé parce qu’il s’est rendu compte qu’on avait bien discuté avec les salariés de nos revendications : les salaires, la fin du management par la terreur et l’embauche des intérimaires.

Cette grève déterminée, mettant en avant de façon très courageuse la lutte contre la précarité, a permis aux travailleurs du site d’Amiens d’obtenir un rendez-vous avec leur direction ce vendredi. Nous leur témoignons tout notre soutien et invitons nos lecteurs à « aimer » la page Facebook CGT Simply Racket.

 
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