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La Izquierda Diario
25 de avril de 2016 Twitter Faceboock

En concert à Paris le 4 mai
Interview. Dubioza Kolektiv, la réalité de la Bosnie et des Balkans en chansons
Philippe Alcoy

Nous avons interviewé les membres du groupe de musique bosnien Dubioza Kolektiv. C’est un groupe qui, à sa façon, décrit la société bosnienne après la dislocation de l’ex Yougoslavie où corruption, chômage, privatisations et émigration forcée sont monnaie courante. Une musique remplie d’énergie et de bonne humeur, ce qui a permis au groupe de devenir très populaires dans tous les pays issus de la Yougoslavie, et notamment parmi les jeunes. Mercredi 4 mai prochain ils joueront à Paris à La Maroquinerie (23 rue Boyer, 75020).

Link: https://www.revolutionpermanente.fr/Interview-Dubioza-Kolektiv-la-realite-de-la-Bosnie-et-des-Balkans-en-chansons

Comment définissez-vous Dubioza Kolektiv, votre style musical ?

Nous n’avons jamais vraiment essayé de définir notre style musical ou l’adapter à un genre spécifique. Pour nous, les choses importantes ce sont les messages et les idées que nous essayons de promouvoir et nous essayons de trouver le meilleur support musical pour nos paroles, messages et idées que nous voulons faire passer.

Le seul élément constant dans notre musique c’est que nous essayons de garder un son balkanique authentique pour que les gens sachent tout de suite d’où on vient quand ils entendent notre musique. C’est pour cela que notre musique semble si éclectique en fin de compte et qu’il est aussi difficile de définir notre style avec des mots.

Quand on voit vos vidéos, on peut vous voir jouer dans de grandes salles de concert, pleines de gens, mais aussi jouant dans la rue, avec quelques personnes autour de vous, chantant avec vous, comme des artistes de rue « inconnus ». C’est important pour vous de garder cette simplicité ?

Jouer dans la rue c’est le plus grand défi pour nous. Dans les festivals ou les spectacles dans les salles de concert, les gens viennent avec certains a priori sur le groupe, mais dans la rue tu es totalement anonyme. Tu dois essayer d’attirer l’attention des passants et tu as très peu de temps pour ça. C’est une façon de sortir de ta « zone de confort » et d’exposer ta musique au test le plus difficile. Et nous essayons de le faire partout où on peut.

C’est triste de voir que de plus en plus de villes sont en train d’interdire de jouer de la musique dans les rues. On impose des permis spéciaux et menace les musiciens avec des amendes et des pénalisations. Il devrait y avoir plus de respect pour les gens qui sont en train de diffuser de la bonne énergie dans les rues.

Dans vos paroles vous parlez souvent de politique et de problèmes sociaux comme la corruption ou le chômage. Pourquoi avez-vous décidé de parler de cela dans votre musique ?

Nous chantons sur notre société, les problèmes et les histoires que nous trouvons intéressantes. Notre objectif est d’apporter un autre discours sur certaines de ces histoires et d’entamer un dialogue avec les gens sur ces questions.

Nous ne nous faisons pas d’illusions sur le fait que la musique puisse changer le monde à elle toute seule et qu’un groupe de musique puisse commencer une révolution et résoudre tous les problèmes dans le monde avec quelques chansons. Mais nous pensons que la musique peut inspirer les gens et les faire réfléchir sur des problèmes qui autrement pourraient être ignorés. Nous pensons que le rôle des artistes c’est d’essayer d’influencer la société pour qu’elle embrasse des valeurs positives.

Il y a deux ans, des mobilisations massives ont eu lieu en Bosnie contre la classe politique, les privatisations, le chômage, les fermetures d’usines, etc. Vous pensez que quelque chose a changé depuis ? Je veux dire, d’un point de vue politique mais aussi de la conscience des gens ?

Ce qui est arrivé il y a deux ans fait partie du processus qui a lieu dans notre pays depuis vingt ans. Nous sommes une société en transition et tous les camps de cette lutte sociale sont en train de tester les limites de cette nouvelle réalité.

Les politiciens et les oligarques sont en train de tester jusqu’où les citoyens vont-ils tolérer la corruption et les privatisations criminelles des entreprises d’Etat. De l’autre côté, les citoyens et la société civile sont en train de mener différentes actions pour répondre à ce processus.

Vingt ans, c’est relativement court pour changer l’ensemble de la situation vers une démocratie qui marche avec des politiciens responsables et une société civile forte. Ce qui est arrivé n’était qu’un épisode dans cette lutte.

Parfois le changement se produit lentement, d’autres fois les bâtiments gouvernementaux sont en feu.

La lutte des travailleurs de l’usine Dita, à Tuzla (nord-est du pays), est devenue un symbole de la résistance ouvrière en Bosnie. Ils ont été au cœur de l’explosion sociale en février 2014. Il y a quelques mois ils ont relancé la production sous contrôle ouvrier et vous avez fait une vidéo pour les soutenir. Pourquoi c’est important pour vous de soutenir la lutte de la classe ouvrière ?

Cela a été un très bon exemple de comment les choses peuvent changer dans une direction différente et plus positive. Dita, qui jadis était une grande et importante compagnie d’Etat, a été détruite à travers un processus de privatisation criminel et a été mise en faillite. Les travailleurs ne s’y attendaient pas et pendant des années ont demandé une solution à cette situation. Or, ils ont été ignorés par les politiciens qui ont fait de leur mieux pour mettre Dita dans la situation désastreuse dans laquelle elle était.

Alors les travailleurs ont décidé de prendre les choses en main et de relancer la production eux-mêmes. Plein d’artistes et des figures publiques ont soutenu Dita et ont aidé à faire connaitre leur histoire. Les gens ont décidé de commencer à acheter les produits de Dita et au final l’entreprise connait de bons résultats et est loin de la situation désespérée dans laquelle elle était il y a peu de temps.

Cette histoire c’est le meilleur exemple d’autogestion ouvrière et c’est un bon exemple de comment les choses peuvent changer pour le mieux.

Vous étiez jeunes quand la « transition » et la guerre en Bosnie ont commencé. Cela a quand même une influence sur votre musique ?

L’histoire récente a une grande influence dans la façon dont nous nous organisons en tant que groupe. Cela nous a appris à ne pas attendre de miracle mais de compter sur nos propres forces, travail et connaissances.

C’est pour cela que nous faisons tout nous-mêmes : on produit et enregistre notre musique dans notre propre salle d’enregistrement à la maison, nous créons les matériaux pour le groupe, nous nous occupons nous-mêmes du site internet et des réseaux sociaux…

Vous êtes en train de préparer un nouvel album, des tournées internationales, etc.?

Notre nouvel album « Happy Machine » vient de sortir en février et quelques invités jouent des chansons avec nous comme Manu Chao, Benji Webbe (Skindred), La Pegatina et Cambo Agushev. Il y a des chansons en anglais, en espagnol, en italien et en punjabi.L’album peut être téléchargé gratuitement sur notre site.

En avril nous allons présenter notre CD en France et y ferons plusieurs concerts pour le promouvoir. La semaine prochaine nous entamons notre première tournée aux Etats-Unis et au Canada et allons continuer à faire des concerts et des festivals jusqu’à la fin de cette année. Vous pouvez trouver toutes les informations sur nos concerts sur www.dubioza.org.

Propos recueillis par Philippe Alcoy

 
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