http://www.revolutionpermanente.fr/ / Voir en ligne
La Izquierda Diario
5 de décembre de 2022 Twitter Faceboock

Bas les masques
Biden et la gauche américaine empêchent une grève historique des cheminots
Wolfgang Mandelbaum

À la demande de Joe Biden, le parlement des États-Unis a voté une loi forçant les cheminots à accepter un accord bien éloigné des revendications qu’ils portaient depuis le début de leur lutte. Ce coup bas des Démocrates pour briser le mouvement des cheminots étasuniens est perçu comme une trahison par les travailleurs du rail, qui s’étaient mobilisés en masse pour faire élire Joe Biden en 2020.

Link: https://www.revolutionpermanente.fr/Etats-Unis-Joe-Biden-brise-la-greve-des-cheminots

Le secteur du rail aux États-Unis subit depuis des décennies des attaques mettant toujours plus en péril son existence. Autrefois à la pointe en ce qui concerne le transport de passagers, les États-Unis sont de nos jours un des pays développés les moins bien desservis  ; la casse du secteur du rail est le résultat du développement de l’industrie aéronautique, de l’intense lobbying de l’industrie automobile et surtout de la dérégulation du secteur par le Staggers Rail Act de 1980. Le transport de fret reste cependant crucial pour l’économie américaine et est un secteur lucratif, d’où l’acharnement des compagnies ferroviaires pour conserver la main haute, aux dépens des travailleurs qui font véritablement tourner la machine.

Les cheminots bataillent depuis maintenant trois ans pour obtenir une amélioration de leurs conditions de travail, et notamment des jours de congé maladie. Alors qu’une grève massive et nationale était en préparation, Biden a cédé aux pressions du patronat et a fait imposer par un vote au parlement un accord entre les travailleurs et leurs entreprises, obligeant les cheminots à arrêter leur mouvement en échange de contreparties ridicules : une augmentation des salaires de 24 % répartis sur cinq ans (après des années de stagnation des salaires et la montée de l’inflation, cela reste une baisse du salaire réel), et un jour de congé payé supplémentaire sont parmi les mesures phares de cet accord. Celui-ci n’intègre donc aucun jour de congé maladie, une des principales demandes des cheminots, qui restent donc à zéro jours par an. Ce n’est pas la première fois que le gouvernement fédéral s’implique dans les batailles de cheminots pour leurs droits, dans l’objectif de casser leur mouvement. Depuis l’adoption du Railway Labor Act en 1926, le gouvernement s’est à de multiples reprises immiscé dans les négociations pour forcer les grévistes à accepter des accords en leur défaveur.

Pour la forme, le sénateur Bernie Sanders a soutenu un amendement incluant 7 jours du congé maladie (soit moitié moins que les 15 jours demandés), qui avait été adopté de justesse à la Chambre des représentants, tout en sachant bien qu’il n’avait aucune chance de passer au Sénat. Même constat d’impuissance du reste de la gauche du parti démocrate : après des semaines d’étalage de vertu, le Squad, à l’exception de Rachida Tlaib, a finalement voté en faveur de l’accord. Le groupe des quatre députés progressistes à la Chambre des représentants (nommée le Squad par Alexandria Ocasio-Cortez à la suite de leur élections en 2018) et qui se veut être l’équipe de choc du camp démocrate, s’est ainsi positionné en briseur de grève. Sa figure de proue, Alexandria Ocasio-Cortez, qui n’hésite pas se présenter comme une socialiste, a ainsi soutenu, une nouvelle fois, la politique bourgeoise de Biden. Un énième révélateur du rôle objectif du Squad, caution de gauche du Parti démocrate.

Face à cet assaut antidémocratique, les cheminots se concertent pour trouver des recours. Certains cherchent encore à obtenir le droit fondamental à des jours de congés maladie en faisant appel à la bonne volonté de Joe Biden et du gouvernement pour les imposer aux compagnies via un ordre exécutif. En 2015, Barack Obama avait ainsi garanti sept jours de congés maladie pour les sous-traitants du gouvernement fédéral – à l’exception notable des travailleurs du rail. Après tout, Biden se décrivait volontiers pendant sa campagne comme le président le plus pro-syndicats de l’histoire des États-Unis. Le passé récent, et ce dernier épisode, a démontré à quel point cette déclaration était fumeuse. Il n’y a rien à attendre de ce parti à la solde patronat.

D’autres ont fait le constat que la voie parlementaire, loin d’être un recours pour leurs droits, est en réalité la principale responsable des défaites engrangées par le prolétariat étasunien depuis des décennies. Des appels à ne pas accepter l’accord imposé par le gouvernement et le patronat se sont manifestés, et des grèves sauvages sont actuellement en cours de préparation, indépendamment des directions syndicales qui se sont empressées de se féliciter pour cet accord au rabais.

Pour le Railroad Workers Rank-and-File Committee, « la démarche du Congrès visant à imposer aux cheminots un contrat qu’ils ont rejeté est totalement illégitime. C’est une attaque contre [nos] droits démocratiques et constitutionnels […]. » Dans un communiqué très relayé, ce comité qui représente la base des travailleurs du rail refuse de céder aux injonctions du patronat :

En tant que représentants des cheminots de la base, nous déclarons qu’en ce qui nous concerne, il n’y a pas de contrat, que le Congrès adopte ou non une loi. Le Congrès, l’une des institutions les plus détestées d’Amérique, n’a pas le droit de passer outre les droits démocratiques des travailleurs. Si l’appareil des syndicats signe ces accords, il le fait en violation de la volonté expresse de la base. Par conséquent, les cheminots se réservent le droit de s’organiser et de préparer une action collective.

Pour Railroad Workers United (RWU), un regroupement syndical parmi les plus combatifs dans le secteur, « les cheminots doivent explorer d’autres options que les deux partis politiques existants, car aucun d’entre eux ne semble nous soutenir. RWU croit également que les cheminots doivent envisager de se débarrasser du système archaïque et divisé des syndicats de métier qui entrave notre unité et notre solidarité, et d’entamer le processus de construction d’un syndicat unique et puissant des cheminots qui peut gagner lors des futures négociations contractuelles. »

Face à l’insuffisance des bureaucraties syndicales, des appels à soutenir les cheminots dans l’éventualité d’une grève sauvage se sont multipliés sur les réseaux sociaux :

Chris Smalls, figure de la lutte victorieuse pour la création d’un syndicat Amazon il y a quelques mois, a également appelé à la grève sauvage, et a fustigé dans un tweet la stratégie de conciliation des directions syndicales avec les appareils politiques :

La résurgence des phénomènes de lutte des classes depuis plusieurs mois, notamment aux États-Unis, amène son lot de politiques de représailles des gouvernements pour endiguer les avancées du prolétariat international et casser tout mouvement de grève. C’est le cas en France, avec les réquisitions forcées dans les raffineries. Ou au Royaume-Uni, où le gouvernement se dit prêt à mobiliser l’armée pour éviter toute grève dans les secteurs du transport avec l’approche des fêtes de fin d’année. Face à la réaction bourgeoise, les travailleurs du rail et des autres secteurs doivent faire front sans se reposer une seule seconde sur l’action des politiques qui, même quand ils s’autoproclament les meilleurs alliés des travailleurs comme Biden, ne sont, en dernière analyse, rien de moins que des forces réactionnaires au service du grand patronat.

 
Revolution Permanente
Suivez nous sur les réseaux
/ Révolution Permanente
@RevPermanente
[email protected]
www.revolutionpermanente.com