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12 de octobre de 2022 Twitter Faceboock

Violences policières
Menacé de prison après avoir été criblé de balles par la Bac : l’incroyable acharnement contre Nordine A.
Léo Stella

Le 16 août 2021, Nordine A. était criblé de balles par la BAC lors d’un contrôle. Pourtant, ce mercredi, c’est lui qui était jugé en appel pour « tentative d’homicide sur personne dépositaire de l’autorité publique » et menacé de 4 ans de prison ferme. Un acharnement judiciaire incroyable.

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Crédits Photos : AFP

Tout commence dans la nuit du 15 au 16 août 2021, lors d’un contrôle routier à Stains au cours duquel Nordine a frôlé la mort après avoir reçu 6 balles dans le corps suite aux tirs des policiers de la BAC alors qu’il était dans son véhicule. Meryl, la passagère, reçoit une balle dans le dos. Le « refus d’obtempérer » est invoqué par les policiers.

6 balles dans le corps sous prétexte de « refus d’obtempérer »

Cette nuit-là, trois policiers de la BAC interpellent Nordine et Meryl qui sont dans leur véhicule. Les agents qui n’avaient ni brassards ni signes distinctifs lui barrent la route avec leur voiture. Très vite les agents sortent de leur véhicule et l’un d’entre eux tente de s’introduire dans le véhicule par la fenêtre avant. Contacté par Révolution Permanente, Nordine raconte : « Je m’étais rangé sur le bas-côté comme ils m’avaient demandé mais je n’étais pas sûr de qui était en train de me donner ces ordres. Je ne voyais pas de signes qui montraient que c’était la police. A ce moment-là, l’un des trois types essaye de forcer la fenêtre avant du véhicule. C’est à ce moment que j’ai lancé la marche arrière parce que je croyais qu’on était en train de nous agresser. C’est là que les tirs ont commencé »

Suite à la marche arrière, le policier qui tente d’entrer dans la voiture ouvre le feu, suivi de son collègue qui se trouve sur le côté du véhicule. Bilan : Nordine et Meryl finissent grièvement blessés. Six balles touchent Nordine dans le corps et les jambes, 1 balle atteint Meryl dans le dos. Une partie de la séquence est filmée par un témoin. Les images parlent d’elles-mêmes et mettent à mal le discours des policiers :

Gravement blessés, Nordine se voit prescrire quatre-vingt-dix jours d’ITT, et Meryl cent jours. Les policiers qui accusent Nordine et plaident la légitime défense pour justifier leur acte ont eu pour blessure une cheville tordue et quelques bleus.
Les policiers ont dans un premier temps été blanchis par l’IGPN et le parquet de Bobigny qui les avaient laissé libres sans aucune poursuite. Mais face aux images accablantes, deux policiers, sur les trois impliqués, ont récemment été mis en examen par la juge d’instruction.

Mais aujourd’hui, c’est Nordine qui fait face à un acharnement judiciaire qui criminalise et justifie les violences injustifiables qu’il a subi ce soir-là.

Après avoir frôlé la mort lors d’un contrôle de police, l’acharnement judiciaire

Tout le long de la procédure judiciaire, la version policière qui blanchit les policiers et accuse Nordine, est largement reprise. Dans un premier temps, Nordine passe en comparution immédiate, puis il est placé sous contrôle judiciaire alors que son état de santé est gravement dégradé du fait des blessures subies. Il raconte « je suis passé en comparution immédiate. A la suite de ça je suis passé sous contrôle judiciaire. Alors que j’étais convalescent, je devais me déplacer toutes les semaines pour pointer au commissariat de Persans et ça alors que j’avais plus le droit de conduire, et que bien-sûr j’étais interdit d’entrer dans le 93, département où les événements se sont passés »

Puis en février 2022, Nordine est jugé en première instance pour « violences sur personnes dépositaires de l’ordre public ». Il est condamné à deux ans de prison ferme et à 15 000 euros d’amende. Il est emprisonné sur le champ dans des conditions inhumaines. Suite à l’appel de la décision de justice, Nordine finit par être libéré pour raisons médicales. Il raconte ces jours d’emprisonnement « Mon passage en prison était horrible. Déjà que le monde carcéral est terrible de par ses conditions, là j’avais des blessures profondes à cause des balles, j’étais censé prendre des douches à base de bétadine, ainsi que des anticoagulants et des anti-douleurs mais je n’ai eu le droit à rien de tout cela. Pourtant j’ai écrit à tout le monde mais je n’ai jamais eu de réponse. Heureusement, mon avocat a réussi à me faire sortir en mettant en avant mes blessures »

Le procès en appel a eu lieu ce mardi 11 octobre. Dans une salle d’audience pleine, de nombreux soutiens à Nordine étaient présents mais une bonne partie d’entre eux se sont vus refuser l’entrée dans la salle où avait lieu le procès en appel. Plusieurs journalistes sont également empêchés de couvrir l’audience. Durant l’audience la Cour a décidé, comme lors du procès en première instance, de dissocier totalement le jugement de Nordine et la mise en examen des deux policiers qui ont tiré à bout portant sur Nordine et Meryl.

Le procès a ainsi été exclusivement à charge contre Nordine. Si la Cour a décidé d’examiner la vidéo diffusée sur les réseaux sociaux où l’on voit les policiers tirer, elle a cependant refusé de verser au dossier la reconstitution 3D réalisée par l’ONG Index, qui ajoute un élément à charge contre les policiers. Un membre de l’ONG qui a participé à la réalisation de cette reconstitution était présent devant la salle d’audience. Mais il s’est lui aussi vu refuser catégoriquement l’entrée par les policiers qui filtraient les passages.

A l’issue d’une audience qui aura duré plus de six heures, la peine requise par le parquet a doublé par rapport à la première instance. Nordine est menacé de quatre ans de prison ferme et de 20 000 euros d’amende ainsi que cinq ans d’interdiction de conduite. Le délibéré aura lieu le 29 octobre prochain.

La multiplication des violences policières pour « refus d’obtempérer »

Si Nordine a survécu aux six balles qu’il a reçu, la liste des personnes tuées par la police se noircit depuis le début de l’année 2022. Ces derniers mois, dix personnes ont été tuées par la police pour « refus d’obtempérer ». La dernière victime en date est une jeune fille de 18 ans tuée d’une balle aux alentours de Grenoble dans la nuit du 4 au 5 octobre dernier. Dans la grande majorité des cas, ces homicides policiers ont lieu dans les quartiers populaires et s’abattent sur des personnes jeunes et racisées. Ces violences matérialisent ainsi un racisme d’État dont la police est le relais central.

De plus, l’acharnement judiciaire dont est victime Nordine alors qu’il a été grièvement blessé par balles par la police, symbolise le fonctionnement de l’institution judiciaire et policière qui protège systématiquement les policiers et criminalise les victimes. C’est le cas notamment pour la famille Traoré qui, suite à la mort d’Adama, subit l’acharnement de la police et de la justice pour leur combat pour la justice et la vérité. Pour rappel, le frère d’Adama, Bagui Traoré, avait été emprisonné durant cinq années, pour rien.

Face à l’impunité policière et l’acharnement judiciaire, la mobilisation et le rapport de force reste la seule arme des victimes de violences policières et leur famille. A l’image des nombreux comités de familles de victimes qui luttent depuis de nombreuses années, il est urgent d’exiger vérité et justice pour Nordine et Meryl.

 
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