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5 de septembre de 2022 Twitter Faceboock

Grande Bretagne
Liz Truss : une nouvelle première ministre fan de Thatcher pour tenter d’écraser les grèves ouvrières
Yann Causs

Après la démission de Boris Johnson en juillet, Liz Truss a été désignée première ministre ce lundi par le Parti conservateur au pouvoir. Dans un contexte où le mouvement ouvrier revient avec combativité sur le devant de la scène, Liz Truss veut être la nouvelle Margaret Thatcher et écraser les grèves en cours.

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Crédits photo : AFP

C’est officiel : après avoir été élue ce lundi à la tête du Parti conservateur au pouvoir, Liz Truss va devenir la prochaine Première ministre britannique. Celle-ci remporte en effet les élections en ralliant 52,7% des votent face à l’ancien ministre des finances Rishi Sunak. Troisième femme à accéder à ce poste de l’histoire du Royaume-Uni, celle qui se revendique de Margareth Thatcher prend ses fonctions avec comme objectif principal de mater la colère sociale qui secoue le pays, dans un contexte d’instabilité économique où l’inflation dépasse les 10% et devrait encore augmenter.

Liz Truss : une caricature de Margaret Thatcher ?

Liz Truss a grandi dans une famille de gauche et, si elle s’est faite connaitre dans sa jeunesse pour ses positions contre la monarchie et le nucléaire, la suite de son parcours politique a été tout le contraire. D’abord directrice commerciale de l’entreprise pétrolière Shell, elle rejoint dès les années 90 le Parti conservateur avec lequel elle est élue députée de la circonscription de South West Norfolk (est de l’Angleterre) en 2010. Membre des gouvernements successifs de Cameron, à May, jusqu’à Johnson – auquel elle restera fidèle jusqu’au bout –, elle ne quitte plus les allées de Westminster depuis 2012, occupant successivement les postes de ministre ou secrétaire d’Etat à l’environnement, la justice, le trésor, le commerce et les affaires étrangères. Une femme d’Etat donc, qui se veut cependant anti-establishment.

Libertarienne assumée, Liz Truss prône un libre-échange décomplexé. Dans ce sens, elle fonde notamment après son élection en tant que députée le « Free Enterprise Group », rassemblant des élus qui défendent la déréglementation, la baisse des impôts et la baisse des dépenses publiques. Truss s’illustre en particulier de 2019 à 2021 lorsqu’elle exerce au ministère du commerce et multiplie les accords de libres échanges au travers le monde après le Brexit.

D’abord fermement opposé au Brexit en contradiction avec ses valeurs libérales, elle change de position après l’échec de son camp pour devenir à présent l’une des figures des « brexiters dur » souvent opposés à Bruxelles. Un basculement soudain, dans l’objectif de réussir à discuter avec les deux branches du parti conservateur fracturées depuis le Brexit. Plus largement, Liz Truss est une conservatrice assumée et porte sur le terrain international une posture agressive de type « faucon » en particulier envers la Chine, face à laquelle elle se dit prête à déclencher une guerre nucléaire si nécessaire.

Ayant déclaré dans son livre « Britannia Unchained » que les travailleurs britanniques sont « parmi les pires fainéants du monde », la nouvelle première ministre n’hésite pas à afficher son mépris de classe qui n’est pas sans rappeler celui de Margaret Thatcher. La politicienne néo-libérale constitue un modèle avec lequel elle tente de multiplier les similitudes sur la forme, par son attitude froide et rigide, comme sur le fond

Objectif numéro 1 : faire taire la contestation sociale

Le moindre que l’on puisse dire c’est que la campagne de Liz Truss a été à droite toute. Comme l’explique le Telegraph, secoué par la crise énergétique, Liz Truss souhaite en priorité baisser les impôts « dès le premier jour » de son investiture et entend les réduire de près de 30 milliards de sterling. Une revendication qui a pour objectif de séduire les quasi 200 000 adhérents réactionnaires et vieillissants du parti Tory, mais dont la population subira les conséquences. Cette proposition est probablement la seule mesure concrète annoncée par la nouvelle Première ministre. Concernant le prix de l’énergie, rien de précis n’est pour l’instant mis sur la table si ce n’est un très vague gel des prix et un potentiel projet de réforme fiscal d’ici un mois.

De la même manière, elle s’est affichée dans la continuité de la politique étrangère réactionnaire de Boris Johnson, se déclarant « complètement d’accord » avec l’expulsion des migrants au Rwanda, affirmant même vouloir une réforme afin de stopper l’immigration illégale. Dans la même veine réactionnaire, elle a incarné une candidature « anti-woke » et transphobe, n’hésitant pas à déclarer « qu’une femme trans n’est pas une femme ».

Pour autant, alors que le Royaume-Uni est confronté à des grèves massives depuis le début de l’été en réponse à l’inflation galopante et la baisse du salaire réel, Liz Truss fait de la répression des mouvements en cours une priorité de son programme réactionnaire. L’inspiration de Thatcher ne s’arrêter pas aux photos sur un char, la répression du mouvement ouvrier en est un pilier central. Ainsi celle qui veut être une dame de fer 2.0 a promis de prendre des « mesures fermes et décisives » pour empêcher les « militants syndicaux de paralyser le pays cet hiver ».

Dans le mois qui suit son entrée en fonction, elle prévoit de présenter de nouvelles lois qui augmenteront le temps de service minimum pour les transports et autres services essentiels. Truss souhaite également relever les seuils de scrutin afin de pouvoir faire grève, ainsi que le délai pour le dépôt d’un préavis de grève. Tout un programme anti-ouvrier en réponse à la vague de mobilisation, mais aussi pour préparer le terrain aux contre réformes. Ainsi, comme l’indique Cécile Ducourtieux correspondante pour Le Monde à Londres, Truss aurait dans le viseur d’attaquer le droit du travail, plus particulièrement la durée du temps de travail.

Dans le contexte actuel que connait le Royaume-Uni, combinant une instabilité politique et économique avec un retour fracassant de la lutte de classes, la toute nouvelle première ministre bénéficie cependant d’une légitimité très faible. Désignée par moins de 0,3% du corps électoral national – proportion des adhérents au Parti conservateur -, après une crise politique d’ampleur qui a poussé Johnson à la démission, le début de son mandat s’annonce pour le moins agité. D’autant plus, Truss fait aussi face à des oppositions en interne importantes, au point que certains médias anticiperaient un retour rapide de Boris Johnson.

Dans ce contexte, l’enjeu est que la classe ouvrière renforce sa mobilisation pour s’affronter au nouveau gouvernement. Pour cela, comme le note Rafael Cherfy : « c’est seulement avec une grève générale reconductible - qui se fixe un programme offensif tel que l’augmentation générale de tous les salaires, leur indexation sur l’inflation, mais aussi l’abrogation des lois anti syndicales, la nationalisation sans indemnités ni rachat des grandes entreprises qui profitent de la crise et leur mise sous contrôle ouvrier pour organiser la production dans le sens des besoins de la population - qu’une issue favorable peut s’offrir à l’ensemble des travailleurs du Royaume-Uni dans le climat de crise économique profonde que traverse le pays. »

Quarante ans après « l’hiver des mécontentement » de 1978-1979, il faut que « l’été du mécontentement » débouche sur un plan de bataille à la hauteur, pour renvoyer l’ersatz de Margaret Thatcher dans les cordes, refuser que les travailleuses et travailleurs anglais ne paient la crise, mais également créer un précédent important pour les travailleurs du monde entier face à la crise.

 
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