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31 de août de 2022 Twitter Faceboock

#PasDeRentreeEnSeptembre
Interview. « En recrutant et en formant en 4 jours, ils ont acté l’école de la précarité »
Marion Dujardin, enseignante dans le 93

Pour cette rentrée nous avons interviewé Marion Scolaire, prof en collège à Saint-Denis et militante à Révolution Permanente.

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Crédit : AFP PHOTO PHILIPPE HUGUEN

Révolution permanente : Comment s’explique selon toi cette « pénurie » de 4000 profs à la veille de la rentrée ?

Marion : La casse du statut de prof et le recours aux professeurs contractuels précaires, c’est un vieux choix du gouvernement pour précariser l’ensemble du secteur. La crise de recrutement ne sort pas de nulle part. Il n’y a pas de « pénurie » c’est le fruit d’une politique consciente des gouvernements qui se sont succédé, qui vise à détruire les secteurs de la fonction publique qui ne sont pas « rentables », qui ne permettent pas de faire du profit. On l’a bien vu avec la détresse des hôpitaux pendant le covid. C’est comme ça qu’on se retrouve avec une situation de crise dans l’éducation, dans la santé, et dans d’autres secteurs de la société.

Ce n’est pas étonnant qu’aujourd’hui beaucoup ne veulent pas travailler dans un secteur qui vient de traverser 5 ans de réformes Blanquer, des reformes contre lesquelles on s’est battu-e-s et, par ailleurs, on n’a pas d’illusion quant au changement de ton ou de personnel politique avec Pap N’Diaye comme ministre. Il faut souligner que Blanquer a opéré un véritable tournant autoritaire dans l’éducation en imposant une nouvelle gestion, encore plus autoritaire, du personnel. On a vu se multiplier des cas de de répression parmi des enseignants qui s’opposaient aux réformes, mais aussi pour certain-e-s qui menaient des expérimentations pédagogiques progressistes. On aura toujours moins de moyens pour travailler convenablement, mais en plus l’idéologie de l’évaluation permanente, de la sélection permanente et de la mise en échec de nos élèves par des directives d’orientation de l’éducation aggrave encore la situation. Il n’y a définitivement pas de place pour les apprentissages dans l’école du système capitaliste !

J’ai des collègues contractuel-le-s qui postulent depuis juin et qui viennent seulement d’obtenir leur affectation, un collègue de SVT (sciences et vie de la terre), du secondaire donc, et à qui on a proposé d’être prof en école élémentaire. Pour que les médias parlent autant de cette crise et que même BFM montre les rouages des recrutements faits à l’emporte-pièce c’est que cette année la crise va être difficile à cacher. Ce qui est évident c’est que comme tous les ans si les équipes ne sont pas au complet on va devoir se mettre en grève : on ne laissera pas les élèves sans professeur, on ne laissera pas les familles dans l’inquiétude, mais il va falloir mener un combat qui aille au-delà de l’enseignement public.

Révolution permanente : L’arrivée de ces nouvelles et nouveaux contractuel-le-s, ayant reçu très peu de formation, fait polémique y compris chez les enseignant-e-s.

Marion : En recrutant à la va-vite et en formant des enseignant-e-s en 4 jours, le gouvernement a acté l’école de la précarité. Nous, sur le terrain, on doit refuser de jouer le jeu du mépris ou de la division envers ces nouvelles et nouveaux collègues.

Dans les faits, ce choix des « job datings » et des formations-éclair constituent une nouvelle offensive du gouvernement envers le service public d’éducation. Tout en essayant de contenir la crise, Macron avance ses pions pour accentuer la précarisation du secteur. Il le fait en renforçant la division entre les personnels, avec des statuts encore précaire, jouant sur la concurrence de la misère. C’est la même logique que lorsqu’il parle d’augmentation au mérite ou en promettant de payer davantage les nouveaux entrants. C’est ça, l’école néolibérale : une école de la concurrence, de la division et de la soumission.

Comme par habitude, c’est sur l’ensemble des collègues, et premièrement sur nos collègues nouvellement recrutés, que pèseront les politiques gouvernementales de précarisation des personnels. Mais face aux divisions que veut construire le gouvernement, la première des revendications est la titularisation de tous les précaires, et des professeurs nouvellement recrutés. On est contre ces divisions de statut, contre la multiplication des travailleuses et travailleurs précaires dans l’éducation. On pense au contraire que l’ensemble des collègues devrait être au statut, que tous les travailleurs du secteur, les AEDS, les AESHs, les ATSEMS, les agents devraient avoir un statut et un salaire correct. Ça n’intéresse personne la précarisation organisée, ni les personnels de l’éducation, ni les familles, il n’y a que le gouvernement pour se satisfaire de cette économie.

Révolution permanente : Une forme de flou règne autour en cette rentrée des classes quelle est l’ambiance le jour de la rentrée ?

Marion : Il n’y a aucune sérénité. Déjà parce que les conditions vont être tendus, il manque partout des profs et on est tous en train de se concerter pour comptabiliser le nombre de profs manquants mais aussi parce que c’est une rentrée marquée par l’inflation. En temps normal le 10 du mois on est à moins 500, mais là avec la conjoncture et sans augmentation on va être encore plus pris à la gorge, donc quand Macron nous dit que ça va être la fin de l’abondance on a l’impression qu’il cherche à alimenter une colère profonde des travailleurs ! Une colère dont il devrait se méfier.

Plusieurs établissements après la rentrée ont annoncé partir en grève dès lundi et on est également nombreux à regarder la date du 29 et à se demander pourquoi les directions syndicales n’ont pas mis en place un plan de bataille alors même que l’on savait que la rentrée serait catastrophique. Cette date du 29 on va s’en saisir notamment parce que l’inflation nous y contraint, qu’il y a une urgence a augmenter les salaires pour l’ensemble des travailleurs.

On est tous en train de se demander comment on va remplir le frigo, comment on va se chauffer cet hiver. Il n’y a pas un travailleur qui est dans l’abondance ! Il n’y a pas un travailleur qui charbonne toute la semaine et qui fait du jet ski le week-end. Les parasites, les profiteurs, ceux qui sont dans l’abondance et se gavent sur la destruction des secteurs essentiels de la société ce ne sont pas nous ! Un combat d’ensemble est plus que nécessaire. Alors dans nos salles des profs, sur nos établissements scolaires on va devoir discuter et s’organiser pour réclamer beaucoup et offrir autre chose à nos élèves qu’un avenir de précarité.

 
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