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7 de juillet de 2022 Twitter Faceboock

Bientôt plus Prime Minister ?
Crise politique au Royaume-Uni : Boris Johnson démissionne de la tête du Parti conservateur
Wolfgang Mandelbaum

Le Premier ministre britannique Boris Johnson, architecte du Brexit, a annoncé sa démission comme chef du parti conservateur après des mois de scandales et de difficultés culminant dans la démission de près de 50 membres de son gouvernement. Johnson a exclu de quitter le poste de Premier ministre immédiatement, mais de nombreux membres de son parti ont appelé à ce qu’il se retire au plus vite.

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Crédit photo : Daniel Leal / AFP

Boris Johnson était sur la sellette depuis le début de l’année ; empêtré dans les affaires, le Premier ministre britannique a finalement dû présenter sa démission au milieu de pressions de la part de son propre parti. Arrivé au pouvoir en juillet 2019 suite à l’échec répété de sa prédécesseure Theresa May de présenter un texte d’accord sur le Brexit, l’ancien maire de Londres et une des têtes de proue du Brexit avait été choisi par son parti pour le mener à bien, ce qui fut finalement fait en janvier 2020. Avait suivi la pandémie de COVID, et sa gestion désastreuse par Johnson, mais qu’il avait transformé en spectacle politique en sa faveur quand il est devenu l’un des premiers chefs d’État à être infecté par le virus.

Si « BoJo » avait réussi à survivre à la débâcle de la gestion de la pandémie, c’est cependant là que ses vrais ennuis ont commencé, avec le scandale du « Partygate ». Habitué des frasques en tout genre, et alors qu’il semblait imperméable à tous les scandales, l’organisation de fêtes privées au 10 Downing Street en plein milieu de la pandémie, alors que les Britanniques étaient sommés de se confiner, a finalement eu raison de sa popularité. Depuis le début de l’année et sa condamnation à payer une amende pour avoir enfreint le confinement qu’il avait lui-même mis en place, une première pour un Premier ministre en exercice, Johnson a enchaîné les revers politiques. Peu à peu lâché par ses partisans, il a dû faire face en juin à une motion de censure lancée par son propre parti, à laquelle il avait réchappé de justesse.

Le coup fatal a finalement été assené suite à l’affaire de la nomination de Chris Pincher, accusé de violences sexuelles au poste de whip, alors qu’il avait connaissance desdites violences malgré ses affirmations du contraire. Sentant le vent tourner, et alors que certains évoquent de nouvelles affaires licencieuses qui pourraient impliquer Johnson, les ministres des finances et de la santé ont présenté leur démission mardi, rapidement suivis par une cinquantaine d’autres ministres et secrétaires d’État.

Dans une position intenable, Johnson a présenté sa démission ce jeudi du leadership conservateur, mais non de son poste de premier ministre, qu’il espère conserver quelques mois jusqu’à la nomination du prochain leader des Tories. Pour autant, il y a de fortes chances que Johnson soit contraint de quitter son poste avant, soit en démissionnant, soit par une nouvelle motion de censure, son parti semblant déterminé à le limoger au plus vite. Le 1922 committee, l’influent groupe conservateur à la chambre des communes, semble déterminé à le remplacer par son Vice-Premier ministre, Dominic Rabb.

Les affaires et scandales ne sont cependant que la partie émergée de l’iceberg ; d’autres facteurs expliquent que le premier ministre soit tombé en disgrâce auprès de ses alliés. En particulier, Johnson n’a pas su endiguer le mécontentement social qui s’est exprimé en juin par des grèves historiques, notamment dans les secteurs des transports, de la santé et de l’éducation, contre le coût de la vie qui a explosé. Les grévistes demandent de meilleures conditions de travail et des hausses de salaire, et préparent déjà des grèves soutenues pour cet automne, une perspective qui terrifie les partis bourgeois qui redoutent une résurgence de la lutte de classe dans le pays.

À cela s’ajoute une croissance en berne pour le pays qui, si elle devrait s’élever à 3,6 % cette année, devrait stagner l’an prochain voire passer dans la négative, ce qui en fera le pays du G7 ayant la croissance la plus faible en 2023. Ces chiffres désastreux pour les conservateurs sont en grande partie liés aux conséquences du Brexit, même si le gouvernement se refuse toujours de l’avouer. Un autre facteur est bien entendu la guerre en Ukraine qui, s’il elle a pû être utile à Johnson pour se forger une image de chef de guerre en émulant la rhétorique et la communication d’un Zelenskyy, est désormais un énorme facteur de mécontentement dans la population du fait des conséquences désormais tangibles de la guerre ; selon la plupart des estimations, les britanniques vont devoir faire face à une inflation dépassant les 10 % avant la fin de l’année.

Pour finir, Johnson et son bras droit, l’ultra-conservatrice Priti Patel, ont essuyé un revers il y a quelques semaines, quand leur politique raciste d’expulsion de réfugiés au Rwanda a été mise à mal par des militants ayant bloqué le départ d’un premier charter en partance pour le Rwanda, et la décision de la Cour Européenne des Droits de l’Homme de forcer le gouvernement à reporter les expulsions jusqu’à examen de leur légalité par la justice britannique. Reste à savoir si dans les circonstances actuelles ces expulsions auront tout de même lieu ; le projet divise jusque dans le camp conservateur et y a été accueilli plutôt tièdement, non par son manque d’humanité, mais surtout par des préoccupations sur son impact sur l’opinion publique et le fait que le prix de l’accord avec le Rwanda (120 millions) semble trop cher pour certains. Quoi qu’il en soit, le projet a écorné l’image du gouvernement et notamment de Patel, que certains voyaient déjà comme la prochaine Première ministre du Royaume-Uni.

Dans les rangs travaillistes, et notamment de leur très conservateur leader Keir Starmer, digne descendant de Tony Blair et du New Labour, la nouvelle à paradoxalement de quoi inquiéter ; en effet, toute la stratégie politique de Starmer ces derniers mois avait été de s’ériger en antithèse de Johnson et a se construire une image de principal opposant de Johnson. Si cette stratégie a quelque peu porté ses fruits, au moins dans les enquêtes d’opinion, certains redoutent qu’une fois ce dernier parti, la vacuité du projet politique mis en place par Starmer se fasse apparaître et n’entraîne un effondrement dans les sondages. Starmer lui-même est empêtré dans une affaire de fêtes organisées lors du confinement 一 le « beergate ».

Les tractations pour désigner un nouveau chef du parti conservateur ont d’ores-et-déjà débuté : plusieurs noms ont été lancés. Parmi les principales figures se trouve un des ministres démissionnaires, Rishi Sunak, fidèle allié de Johnson jusqu’à ce qu’il ne le soit plus, mais traîne des casseroles et a notamment été condamné dans l’affaire du partygate ; Liz Truss, une figure plus installée, enregistre des bons scores auprès des conservateurs, mais n’est pas en faveur auprès de tous les autres électeurs ; Priti Patel, qui était il y a peu encore annoncée comme une future première-ministre a vu sa cote de popularité s’effondrer au milieu des scandales et est désormais jugée comme trop à droite pour le gros de l’électorat britannique ; Dominic Rabb, dont le nom a été évoqué et qui pourrait assurer l’intérim au poste de premier-ministre, a annoncé ne pas avoir l’intention de se présenter.

 
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