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La Izquierda Diario
28 de juin de 2022 Twitter Faceboock

Bruit des bottes
Militarisation, réarmement et "tournant stratégique" au sommet de l’OTAN
Joël Malo

Dans le contexte de guerre en Ukraine, et sur fond de conflit larvé avec la Chine, le sommet de l’OTAN qui s’ouvre à Madrid, prévoit d’acter l’extension de l’alliance à la Suède et à la Finlande, de passer la force de réaction de l’alliance de 40.000 à 300.000 soldats et se préparent à faire face militairement aux flux migratoires.

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« La réforme de la défense et de la dissuasion collectives la plus ambitieuse depuis la guerre froide ». Les mots sont de Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’OTAN, en amont de l’ouverture du sommet qui se tient du 28 au 30 juin à Madrid. L’alliance militaire se prépare en effet à actualiser un nouveau « concept stratégique » tourné vers la préparation d’une confrontation historique avec la Russie et acte le rapprochement entre l’UE et les Etats-Unis dans un front antichinois.

Intégration de la Suède et de la Finlande et militarisation de l’Europe

Ce sommet doit aussi être celui d’une nouvelle vague d’élargissement de l’OTAN avec l’entrée de la Suède et la Finlande dans l’alliance, qui mettent ainsi fin à leur « neutralité » historique. Cette entrée dans l’Otan permettra un contrôle accru des puissances occidentales sur la mer Baltique et fait peser une menace maritime plus grande sur la Russie. Cet élargissement nécessite néanmoins d’être accepté unanimement par les 30 États membres de l’alliance. Une occasion que la Turquie a saisie pour exiger l’extradition de militants du PKK réfugiés en Suède ou de personnalités proches de Fethullah Gülen, accusé par Erdogan d’avoir mené le coup d’État manqué de 2016. Une obstruction qui devrait également permettre à la Turquie de se voir livrer des F-16 américains après qu’Ankara a été interdit d’exportation d’armes suite à l’achat de matériel de défense anti-aérienne S-400 de conception russe. De même Erdogan espère annuler les sanctions des deux pays scandinaves suite à son offensive contre les Kurdes dans les Nord de la Syrie en 2019.

Au-delà de cet élargissement géographique, ce sommet va prévoir le décuplement des forces militaires de l’OTAN. Alors que de nombreux pays européens s’engagent dans une course débridée aux armements, l’OTAN prévoit de passer sa force de réaction (Nato Response Force) de 40.000 à 300.000 hommes.

Les membres de l’OTAN ont obligation de porter leurs dépenses militaires à hauteur de 2 % de leur PIB. Si jusqu’ici, une minorité de pays membres s’étaient mis en accord avec cette mesure, même les plus récalcitrants y accourent aujourd’hui : le Danemark a voté un référendum militariste début juin, l’Allemagne veut faire coïncider son rang de puissance industrielle avec sa puissance militaire, l’Espagne prévoit des milliards et des milliards d’achats d’armes et Macron n’a eu de cesse de renforcer le budget de l’armée en baissant les dépenses partout ailleurs. Pour Stoltenberg :« Pour répondre à la menace, cet objectif de 2% devient un plancher, plus un plafond »

La menace russe

La Russie est bien la menace prioritaire sur laquelle s’accordent les membres de l’alliance atlantique. Comme l’avait amorcé la rencontre sur la base américaine de Ramstein, ce conflit prend désormais une dimension stratégique pour les puissances impérialistes qui se préparent à une guerre longue et y voit la possibilité d’affaiblir structurellement la Russie.

Ainsi, ce nouveau déploiement stratégique des forces de l’OTAN met au premier plan le renforcement de la « frontière est » de l’alliance et l’envoi de troupes allemandes en Lituanie, ou française en Roumanie par exemple (qui est en train d’y déployer 1000 soldats et du matériel anti-aérien de pointe avec le système Mamba). Mais il s’agit aussi de modifier l’armement ukrainien et de le conformer à un armement conforme à celui de l’OTAN (ce qui implique aussi de former les soldats qui vont l’utiliser). En effet, jusqu’alors les troupes ukrainiennes restent largement dépendantes du matériel de conception soviétique dont il reste de nombreuses armes dans les arsenaux des pays de l’Est, mais dont les stocks ne sont pas infinis. Le renouvellement doit permettre des envois d’armes et de munitions plus faciles, et promet des profits faramineux pour les complexes militaro-industriel américain, anglais, français et allemand.

Quelques heures avant le début du sommet de l’OTAN se clôturait celui du G7, dont les membres font également partie de l’OTAN, à l’exception du Japon, pourtant invité pour la première fois à un sommet de l’alliance. A la suite des sanctions économiques prises par l’Union Européenne et par les pays de l’OTAN contre la Russie, les pays membres du G7 ont imaginé de nouvelles sanctions. Ils souhaitent avancer vers l’interdiction de l’importation d’or russe et veulent bloquer le prix du pétrole russe en contraignant les assureurs et les transporteurs à ne pas accepter de pétrole russe s’il est vendu au-dessus d’un prix maximal. Une mesure qui dit la relative efficacité de l’embargo européen sur le pétrole russe alors que les prix du baril sont au plus fort.

Le défi chinois

Tout l’enjeu du nouveau « concept stratégique » est d’arriver à un accord sur une formulation qui fasse consensus pour orienter l’OTAN dans la nécessité pour l’impérialisme américain de contrer la Chine. Tous les pays européens ne partagent pas la même volonté de lier les affaires de l’OTAN et celles de de l’Indo-Pacifique, où la France a subi un camouflet dans l’affaire des sous-marins nucléaires face à la triple-alliance des Etats-Unis, du Royaume-Uni et de l’Australie. Ce sommet de l’OTAN accueille ainsi en tant que membres observateurs l’Australie, la Nouvelle-Zélande, la Corée du Sud et le Japon.

Les discussions du G7 ont cherché les voies pour contrer l’influence grandissante de la Russie et de la Chine dans les pays semi-coloniaux. La déclaration finale du G7 dénonce les pratiques économiques « déloyales » de la Chine, pointant ouvertement le conflit latent entre le camp occidental et la régime de Xi Jinping. Les principales puissances impérialistes vont débloquer d’ici à 2027 un plan de 600 milliards d’euros dans le cadre d’un « Partenariat Mondial pour les Infrastructures », sorte de réponse occidentale aux projets chinois de route de la soie.

Ces décisions témoignent d’une lutte qui va se durcir pour le contrôle économique, politique et militaire sur l’Afrique sub-saharienne, désignée comme une priorité par la Maison Blanche.

Au Sud, des menaces « hybrides »

L’autre région que le sommet de Madrid examinera pour l’intégrer à la nouvelle stratégie de l’Alliance est l’Afrique du Nord et le Sahel.
La Russie a renforcé sa présence militaire dans la région, dans des pays comme le Mali, la République centrafricaine et le Burkina Faso. Dans le même temps, l’UE discute de trois nouvelles missions impérialistes, dont une au Burkina Faso, ainsi qu’au Niger et dans le Golfe de Guinée. Le plus fervent défenseur de cette ligne est le gouvernement de Pedro Sánchez, le président du gouvernement espagnol. Ainsi, celui-ci veut-il négocier l’intégration des enclaves coloniales de Ceuta et Melila au périmètre de la charte de l’OTAN. Melila où ont péri 37 migrants vendredi dernier, en tentant de passer la frontière entre le Maroc et l’enclave espagnole.

Jusqu’à présent, les deux villes africaines ont été exclues des termes « défensifs » du traité régissant le fonctionnement de l’OTAN, en raison des tensions entre l’impérialisme espagnol et le Maroc, qui entretient également de bonnes relations avec les États-Unis. Cette tension a longtemps été théorisée par des secteurs des forces armées qui affirment que Ceuta et Melilla se trouvent dans une « zone grise » où leur souveraineté est contestée par le Maroc dans un conflit voilé, le pays voisin utilisant la pression migratoire dans le cadre de stratégies de guerre hybride pour obtenir des avantages sur son adversaire.

Les raisons officielles pour accorder à cette région une attention similaire à celle de l’Europe de l’Est sont le danger du terrorisme djihadiste et les tensions croissantes entre les pays alignés sur des puissances différentes, comme celle qui se développe entre le Maroc et l’Algérie. Toutefois, l’insistance de M. Sánchez est étroitement liée aux prévisions à court et moyen en terme de migration.

Le blocage de l’exportation de céréales ukrainiennes et russes menace d’affamer plusieurs millions de personnes, notamment en Afrique et au Moyen-Orient. L’OTAN et ses États membres veulent garantir l’existence d’États stables et alliés qui serviront de tampon efficace pour les millions de personnes qui fuient la famine et la sécheresse. L’abandon définitif du peuple sahraoui à Mohamed VI en échange de l’intervention de la dictature marocaine à la frontière sud de l’UE, comme la Turquie à la frontière est, n’est qu’un avant-goût de ce que cette escalade impérialiste réserve aux peuples africains.

Les puissances impérialistes se préparent pour les années à venir à des flux de populations, qui se compteront en centaines de millions de personnes, qui tenteront de fuir la misère de la guerre et du changement climatique provoqués par un système capitaliste en crise. C’est ce qu’on appelle en langage bureaucratico-militaire une « menace hybride » et face à laquelle, des Etats comme la Turquie ou le Maroc servent de verrou. Cette politique produit les mêmes résultats à Melilla, aux portes de l’Europe, ou au Texas, où 46 migrants sont morts de chaud, alors qu’ils tentaient d’entrer aux Etats-Unis dans un camion.

C’est ce monde de barbarie que les puissances impérialistes nous préparent, et c’est à cette perspective, à Madrid contre le sommet de l’OTAN, et en Bavière contre celui du G7 que des milliers de personnes ont dit non en prenant la rue. C’est cette voie qu’il faudra prendre pour contrer la guerre et les crises dans lesquelles les puissances capitalistes risquent de plonger la classe ouvrière mondiale.

 
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